Comment peut-on enseigner ce que l’on n’a jamais appris ? Comme d’autres éducateurs, Josette B. Thomas se pose également cette question. Elle n’y va pas avec le dos de la cuillère pour critiquer la méthode d’enseignement en Haïti. Un mode d’enseignement basé sur la répétition et la mémorisation sans rien comprendre pour autant. Des méthodes pédagogiques désuètes avec des manuels qui laissent à désirer en termes de qualité. « La méthode d’enseignement n’est pas bonne. 85% des enseignants n’ont pas de formation en pédagogie ou n’ont pas terminé leurs études secondaires », relève Josette B. Thomas, qui prône une éducation de qualité pour tous à travers des solutions innovantes, notamment le numérique.
Enseignante au niveau primaire dans les années 1970 avant de s’établir en France où elle a fait des études supérieures, Josette B. Thomas déplore que l’on n’accorde pas trop d’importance à la qualité de l’enseignement, notamment au niveau primaire, la base du système. « Il y a des enseignants qui enseignent des notions fausses aux enfants », constate madame Thomas, qui mise sur le numérique pour améliorer la qualité de l’enseignement. « Il faut s’ouvrir sur le numérique », dit-elle au Nouvelliste. C’est pourquoi depuis fin 2010, Haïti Futur (son organisation) s'est engagée – en collaboration avec le Ministère de l'Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) – dans un projet d’éducation numérique.
150 écoles et 50 autres structures sont déjà équipées du Tableau numérique interactif. Mis à part les enfants, l’emphase est aussi mise sur la formation des enseignants dont beaucoup ne savent pas manipuler un ordinateur. « Tout système d’éducation est composé de multiples segments qui doivent se compléter de manière cohérente. Mais, le premier est d’avoir des enseignants bien formés, disposant d’outils de travail adéquats », soutient Josette B. Thomas, critiquant au passage le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (Psugo) mise en place sous l’administration Martelly. « C’est malhonnête et violent de monter un programme comme ça », critique la spécialiste en veille technologique/intelligence économique.
« Nous avons un système éducatif moins élitiste certes mais c’est du n’importe quoi, poursuit Josette B. Thomas. J’appelle ça une violence pédagogique. On ne respecte pas les enfants, on ne respecte pas la jeunesse qui représente l’avenir. On continue à perdre du temps ».
La réalité est plus criante dans les zones rurales. « 90 % des écoles rurales ne sont pas électrifiées. Celles qui le sont, le sont de façon aléatoire le plus souvent », indique la présidente de Haïti Futur. Et si les écoles nationales sont souvent traitées en parents pauvres, Josette B. Thomas pense avoir une solution à ce problème. « Quand on obligera les fonctionnaires à inscrire leurs enfants dans les écoles nationales, elles deviendront de bonnes écoles, dit-elle. Une bonne école c’est une école où on a tous envie d'inscrire ses enfants ».