Ils sont plus de 250 000 personnes, dont une majorité haïtienne, qui attentent, la peur au ventre, cette date fatidique. Le Plan national de régularisation des étrangers mis en place en 2014 par l’État dominicain après avoir pris l’arrêt discriminatoire, anticonstitutionnel TC-168-13, touchera à sa fin dans deux semaines. Jusqu’à présent, les autorités dominicaines n’ont annoncé aucune disposition. C’est le silence radio.
D’une source fiable, les autorités haïtiennes n’ont engagé aucun dialogue avec leur homologue pour négocier une probable prolongation. « L’épée de Damoclès suspendu sur la tête de nos frères et sœurs est réelle. Mais cela ne fait ni chaud ni froid à nos autorités. Pourtant il s’agit du même problème auquel sont confrontés les détenteurs de TPS aux Etats-Unis », a confié Colette Lespinasse au journal, lors d’une rencontre à Santo domingo.
« J’ai des inquiétudes. On ne sait pas ce qui va se passer », a-t-elle fulminé, militante des droits humains qui invite à une mobilisation du secteur de la société civile dans le but de faire pression sur les autorités haïtiennes pour qu’elles entrent en négociation avec le gouvernement dominicain. Malheureusement, dit constater Mme Lespinasse, le président de la République, Jovenel Moïse, élude le problème. Le chef de l’État haïtien attaque la question de documentation sur la forme mais pas sur le fond. « Je me demande si le président mesure l’ampleur du problème de documentation. À mon avis, s’il l’avait compris, il n’aurait pas agi ainsi », a-t-elle indiqué.
L’année dernière, l’État dominicain avait prolongé d’une année le programme pour permettre à 140 000 migrants, dont 130 000 Haïtiens qui n’avaient pas pu boucler le processus d’enregistrement. Entre-temps, les autorités haïtiennes avaient pris l’engagement d’octroyer les documents nécessaires à 100 000 Haïtiens. « Rien n’a été fait concrètement », a fait savoir l’ancienne coordonnatrice du Groupe d’appui aux réfugiés et rapatriés (GARR). Elle a souligné que l’ancien ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement de transition avait demandé une prolongation, le temps d’octroyer 30 000 passeports aux ressortissants.
Pour sa part, le professeur dominicain Wilfredo Lozano dévoile la phase cachée de la décision des autorités dominicaines de lancer le PNRE. Selon lui, l’État dominicain n’avait véritablement pas la volonté de résoudre le problème des sans-papiers des migrants étrangers qui sont, à plus de 90%, des ressortissants haïtiens. S’il avait eu cette volonté, il aurait tout simplement mis en place un plan permanent.
Bridget Wooding, chercheure dominicaine qui a travaillé à l’Observatoire binational pour la migration, l’environnement, l’éducation et le commerce (OBMEC), juge « qu’on est arrivé à une phase cruciale du PNRE. « Nous proposons que l’État dominicain accordent une attention toute particulière à cette situation », a-t-elle dit. Selon elle, il y a absence de gestion des migrants haïtiens en RD. Il y a une gestion timide de la part des Dominicains de ce phénomène.
Cela ne fait donc aucun doute qu’il est urgent que les Haïtiens assument la reconnaissance de ses ressortissants par leur registre civil et la fourniture de leurs passeports. Il est tout aussi nécessaire que la République dominicaine reconnaisse tous les migrants sur son territoire. L’Obmec- consortium interuniversitaire haïtiano-dominicain qui a mené des recherches durant deux ans- recommande de mettre en œuvre le dispositif de régularisation des immigrants et leur séjour de travail en RD. En Haïti, un suivi doit être fait pour une première esquisse de la politique d’immigration.