CCN : Etait-ce vraiment nécessaire un colloque en Guadeloupe sur le 50 é anniversaire de l’assassinat de MLK ?
Josué Galita. Cette manifestation fut motivée par le constat du délitement de notre société dont le quotidien est rythmé par une violence endémique et un chômage de masse en particulier chez les plus jeunes. Notre but n’était pas d’égrener la litanie des maux dont souffre notre société, mais d’être lucide face à notre réalité d’une part, et de recenser les points forts et les atouts inhérents à notre peuple d’autre part. Le mouvement social de 2009 a servi de repère pour comparer les situations américaine et guadeloupéenne, sur le plan des enjeux, des principes et de la méthode propices à transformer notre réalité.
Nos intervenants ont été choisis pour leur expertise de la situation socio-historique et anthropologique de la Guadeloupe d’une part et pour leur connaissance de l’action de Martin Luther King d’autre part.
CCN : LKP-Le mouvement social de 2009 et la situation américaine : des regards croisés ?
JG. Sur le plan des similitudes, La Guadeloupe et les Etats-Unis furent terre d’esclavage, d’infériorisation des déportés africains, de déshumanisation.
Cependant, des différences sont notables, car par sa politique d’assimilation après l’abolition de l’esclavage, la France à mis en place un formatage mental et psychologique, faisant du guadeloupéen le meilleur gardien du système selon l’expression de Claude Hoton.
Dans le même temps, les noirs américains trouvaient dans les organisations telles que la NAACP et dans les églises un lieu d’affirmation de leur identité et un ferment de la résistance à l’aliénation selon Serge Molla et Jean-Claude Girondin.
Si sur le plan institutionnel le racisme a disparu aux Etats-Unis, qu’un afro descendant fut doublement élu président, les meurtres de noirs perpétrés régulièrement par la police sont un tragique rappel que le chemin reste long pour que le rêve de Martin Luther King soit une réalité.
Pour ce qui est de la Guadeloupe, le mouvement social a révélé les inégalités présentes dont l’origine s’enracine pour beaucoup dans le passé esclavagiste et colonial. Beaucoup de guadeloupéens qui sont institutionnellement des citoyens à part entière se vivent, et ce souvent à juste titre, comme des citoyens entièrement à part.
Cependant, les valeurs de solidarité, la capacité de résilience, le dynamisme de notre jeunesse ont été mis en exergue comme des facteurs réels de résistance de notre société.
Martin Luther King nous invite à valoriser notre propre tradition pour trouver nos propres solutions.
CCN. 50ème Anniversaire de MLK d’accord, mais quel est votre message en direction de notre jeunesse ?
JG. Le sort de la jeunesse guadeloupéenne a particulièrement été évoqué par Franck Phazian responsable de Kazabrok qui a lancé un véritable cri d’alarme sur la souffrance des jeunes, tout en dénonçant au passage le regard d’exclusion jeté par les adultes et les responsables politiques qui sont, en grande partie, les véritables comptables de la situation.
Steve Gadet, artiste et enseignant chercheur a confirmé ce diagnostic en soulignant la nécessité d’écouter la parole des jeunes leaders d’opinion qui ont un écho favorable auprès de cette population. Nous avons besoin de dialoguer avec ceux qui sentent le pouls de cette jeunesse qui est pleine de potentialité et d’énergie créatrice.
Construire ensemble la société guadeloupéenne exige d’abord de prendre conscience de notre propre valeur selon Bulin-Xavier Gérard, socio-anthropologue. Il s’agit de cesser le dénigrement permanent de soi. D’autre part, il faut dépasser les clivages fondés sur la racialisation de la société guadeloupéenne afin de retrouver notre être profond.
CCN : Au regard de cette violence qui rythme notre quotidien, la question du « vivre en ensemble » se pose en Guadeloupe, avec une réelle acuité…
JG : Cette construction ne peut être viable que si les moyens utilisés sont en adéquation avec la fin visée. C’est par l’engagement dans l’action non violente que notre société pourra grandir en humanité selon Jean-Claude Girondin faisant sienne la citation de Martin Luther King : « nous devons vivre ensemble comme des frères sinon nous allons tous mourir ensemble comme des idiots »
Elle ne peut se faire ensemble que si toutes ses composantes, en particuliers les euro- descendants, sont parties prenantes du dialogue et de la réconciliation.
Ce colloque se voulait un encouragement à relever les défis du monde qui vient.
Il nous a semblé pertinent de nous appuyer sur la figure tutélaire de Martin Luther King, l’apôtre de la non-violence, plus jeune prix Nobel de la paix en 1964.
Son engagement exemplaire fondé sur la non-violence nous semble plus que jamais pertinent pour nous aider à faire progresser les valeurs de justice, de paix et de réconciliation nécessaires pour un bien vivre ensemble en Guadeloupe.
CCN : Que retenir de ce symposium ?
JG. Nous avons clôturé ces regards croisés sur nous-même par les encouragements de la sénatrice Victoire Jasmin, qui des rives de Morne-à-l’Eau aux ors du Palais de Luxembourg symbolisait l’exemple d’un engagement sans faille pour la défense et la réussite de ses concitoyens.
En refermant ce symposium, Trois questions nous sont adressées par Jean-Claude Girondin
Quels sont vos sujets d’indignations par rapport à la situation de notre pays ?
Quels sont vos rêves pour votre pays ?
Quel est votre engagement pour changer les choses dans notre pays ?
Assurément, « Ma contribution ne dépend pas de la taille de mon île »