CCN. La Guyane est depuis peu une collectivité territoriale. qu’est-ce qui va changer ?
Rodolphe Alexandre. Beaucoup de choses : une unicité au niveau des Institutions, Les chevauchements qu’on avait connus en termes de dépenses publiques en termes d’institutions vont disparaître pour avoir un seul interlocuteur vis à vis du Gouvernement, des Fonds européens, par rapport à la coopération diplomatique territoriale et enfin une seule stratégie autour des outils tels que le schéma d’aménagement régional , tel que le programme pluriannuel de l’énergie. Nous sommes arrivés aujourd’hui à créer une institution totalement inédite à travers une ingénierie souhaitée par la majorité de la population. Tout en restant dans l’article 73 et en ayant deux bases nouvelles : des habilitations de fixation et habilitation de programmation . Par ailleurs, le législateur est allé encore plus loin puisqu’il a mis en place deux éléments nouveaux : la modernisation de l’autorité publique territoriale et l’affirmation des métropoles et en deuxième ressort, , la Nouvelle Organisation Territoriale. Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous avons véritablement la capacité , d’approfondir, d’affiner l’article 73 pour une communauté de destin. Dans dix ans, ou au-delà, lancer, pourquoi pas, un deuxième débat statutaire pour savoir si nous sommes prêts à franchir un nouveau pas. Ce peut être un article nouveau , cela peut être sui generis … La question n’est pas de parler d’indépendance et d’autonomie, la question est d’avoir une plus grande déconcentration, une plus grande décentralisation dans les pouvoirs qui nous sont impartis. La question est de dire aujourd’hui comment nous gérons nos territoires. Nous sommes un territoire d’exception, qui a un taux de croissance exceptionnel, 4 % sur l’île de Cayenne, 9% sur le Maroni. Nous avons des potentialités en termes miniers, sur le bois, sur la pêche, sur la biodiversité. Nous sommes le seul territoire « européen » du port spatial. On a tout pour réussir. La question c’est la méthode, l’organisation et la structuration. Je pense très sincèrement que nous mettons en place l’outil qui va permettre de donner à la population cette capacité à se projeter sur un court avenir comme sur un long terme.
CCN. On se souvient que Saint Martin, a eu beaucoup de difficultés avec le Gouvernement français en ce qui concerne un certain nombre de fonds qui n’arrivaient pas. Vous ne craignez vous pas la même chose ?
R.A. Pas du tout. C’est la raison pour laquelle j’ai personnellement conduit une liste autour du 73. Pour nous, ce n’était pas suffisamment exploré. Notre slogan qui a fait du bruit à l’époque, était : « nou pòkò paré » ; non pas parce qu’on n’a pas la capacité, ni parce qu’on n’a pas les juristes et les financements, mais parce que la relation partenariale avec l’Etat était quelque part tronquée. Aujourd’hui, nous mettons l’Etat devant ses responsabilités. Nous avons à cinq reprises déposé un recours au Conseil d’Etat. Sur les 5, nous en avons gagné quatre fois : sur la LOUM de décembre 2000, où c’est nous maintenant qui avons la compétence pour les permis miniers et maintenant on veut l’étendre sur le off shore
Nous avons aussi gagné sur l’octroi de mer, nous avons défini notre nomenclature et nous sommes en pourparlers avec nos amis des Antilles. Nous avons aujourd’hui protégé huit groupes de familles.
On est le seul territoire émergent. On n’est pas là pour critiquer les iles, pour dire que ce n’est pas notre façon de voir, mais nous sommes, nous, un continent où le marché économique est émergent et en croissance. Dans le cadre du marché unique Antilles Guyane , on doit défendre cette économie qui est en création. Et le troisième point nous avons attaqué le Schéma minier, le SDOM. Nous avons perdu , mais nous pensons y retourner, car à terme, nous voulons que ce soit la collectivité qui accorde les permis miniers aux entrepreneurs sur l’aurifère. Le dernier point est le recours que l’on a intenté au niveau de l’Etat sur le foncier. Nous avons demandé aujourd’hui qu’une cession du foncier soit faite à la collectivité. Il y a un premier accord sur 40 000 hectares, mais bien évidemment, cela ne va pas nous suffire. C’est une première étape. Nous sommes d’accord pur l’introduction des holdings comme Colombus, I Am Gold , comme OPLATA ... Nous sommes d’accord pour aller sur la cyanuration, pour les petits entrepreneurs et je le redis, c’est nous qui devons accorder les permis
Pour nous, l’or ,c’est un retour fiscal auprès de la collectivité. L’or c’est un maillage du territoire car lorsqu’il y a une usine d’or, il y a une production en termes de méga, en terme d’énergie, il y a des routes se construisent à l’intérieur du territoire. On préfère avoir trois quatre holdings installés en Guyane avec des petits entrepreneurs (PME) que d’avoir aujourd’hui plus de 15 000 personnes venant de différents horizons et qui nous pillent, polluent nos terres, nos rivières, et obstruent à la Guyane sa capacité financière.
CCN. Les frontières de la Guyane sont assez poreuses , comment allez vous vous gérer cette démographie.. un peu incontrôlée parfois même incontrôlable ?
R.A .Je ne peux pas y répondre malheureusement. C’est une question qui relève de l’autorité de l’Etat donc qui est fondamentalement liée à son rôle régalien. Nous on peut apporter quelques artifices. Cette question fera l’objet du débat avec la CTG, d’autant que c’est nous qui avons la compétence sur la coopération territoriale diplomatique. Nous avons déjà eu des réunions au Brésil, Guyana, au Surinam …On a un outil, appelé le PO Interreg_ Amazonie pour essayer de brancher des activités économiques, culturelles, scientifiques avec les territoires environnants.
CCN. Faut il i craindre le géant Brésilien ?
R.A. Le Brésil est un géant, c’est la 5è puissance mondiale avec un taux de croissance extraordinaire et nous sommes déjà quasiment en tant que territoire, une dépendance du Brésil. Mais cela s’organise. Aujourd’hui il y a une vraie coopération qui s’installe. Elle est lente, elle est progressive parce que les intérêts ne sont pas concomitants . C’est à nous maintenant de les définir. Et j’ai bon espoir que ‘à terme, nous puissions mettre en place un cadre opérationnel, des joint venture , des sociétés diverses entre nos deux frontières. L’ouverture du pont reliant le Brésil à la Guyane a été annoncé pour la période de juin. La Guyane est un chantier et nous sommes sur plusieurs axes pour à la fois y mettre de la méthode préserver notre énergie, défendre le concept et je pense que dans 5 ou dix ans, on pourra avoir de bons résultats.
CCN. Des changements prévisibles s dans les relations avec la Guadeloupe, la Martinique ?
CCN. Pas du tout. On a toujours gardé l’URAG, Union des Régions Antilles Guyane. J’ai d’excellents rapports avec S. Letchimy, avec Marie-Jeanne, Ary Chalus et Victorin Lurel. Je connais très bien Chalus. Nous sommes des pays appelés à partager nos cultures. On a eu la même trajectoire, quand le bateau est parti à une époque.
On est appelé à travailler ensemble. Maintenant, il faut mettre un cadre. On a fait une demande pour intégrer le CARICOM. On aura la réponse à la fin du mois. Je reste persuadé, sans prétention, d’après les échos, les rencontres que nous avons, que nous serons acceptés. A la fin du mois, je me rendrai au Guyana qui sera le rapporteur de la prise de position.
CCN La Guyane sud américaine que caribéenne ?
R.A. C’est les deux. La Guyane est sur le continent mais elle doit avoir son regard sur la Caraïbe. L’économie nous conduit à aller vers la Caraïbe. Nous avons des process, des éléments ,sur lesquels les pays caribéens sont totalement intéressés. Nous produisons le processs de la couverture satellitaire, nous l’avons vendu à Haïti et aussi au Gabon . nous avons la télémédecine, nous avons le SYG ( Système d’information Géographique) qui a été primé a San Diego , On a des éléments précis qu’on peut vendre à la Caraïbe.
Et l’intérêt est d’avoir cette relation gagnant_ gagnant avec la Caraïbe comme avec l’Amérique du Sud.
CCN. S’agissant du cout de fonctionnement de la nouvelle assemblée , l’Etat francais va t-il vous aider pour supporter la transition ?
R.A. C’est en pourparlers. La CTG , compte d’bord sur ses recettes et ses capacités. On n’attend pas sur l’Etat. Déjà, l’Etat nous cède notre foncier, nous donne les moyens de protéger notre ressource amniotique. Il faut créer les filières. Quand on mettra en place le cadre d’aménagement ,on aura un retour fiscal.
La Guyane a une grosse faiblesse , c’est que sur prétendument 240 000 habitants, alors que nous pensons être au moins à 350 000 habitants, notre dotation est donc minorée. Le jour où nous aurons une dotation conforme à la population, nécessairement, on aura un bond économique. Nous revoyons notre fiscalité. Nous travaillons sur une taxe du particulier sur la consommation qui toucherait aux biens et aux services, et cela, nous sommes capables bientôt de l’annoncer, de la développer, de la structurer et elle va apporter un adjuvant important à l’économie de la Guyane.
CCN : Les guyanais devront accepter ces nouvelles taxes…
R.A. Si nous avons gagné, les élections, c’est que nous entretenons une bonne communication avec la population. La taxe s’élèvera environ à un euro. Elle existe déjà en Martinique . Nous on va l’introduire.
Ce dispositif, il faudra l’apporter par une loi de finances rectificative. C’est une forme de TVA et nous voulons qu’elle reste chez nous qui soit régionale .
Notre budget, contrairement à la Guadeloupe et à la Martinique, est très faible. Nos foyers fiscaux sont disparates. Et faibles Plutôt que d’augmenter les bases fiscales, de s’en prendre au contribuable directement, c’est l’économie qui va nous permettre de remonter notre économie de base. Si on créé les filières, sur le bois par ex on crée le retour fiscal.
CCN. Et puis vous avez aussi du pétrole…
RA. C’est en perspective, c’est en débat. La question est de savoir ce que les opérateurs comptent faire ,sur le ticket d’entrée. Ma majorité l’a dit à M. Macron et l’a répété au groupe Total , on ne rentre pas en Guyane, s’il n’y a pas un retour fiscal..
Ce n’est pas du racketage, c’est un principe. Quand on va au Brésil, en Afrique, même pour l’exploration, il faut un ticket d’entrée. Nous, on est un territoire français, mais il faut qu’on arrête de nous pomper au détriment du contribuable. Je suis Guyanais et je me bats pour mon pays. Total au départ nous disait « niet »…
Aujourd’hui, nous avons amené un dossier conséquent. Il nous propose des sommes qui sont tellement misérabilistes que j’ai osé leur dire que ces sommes étaient l’équivalent de ce que j’aurais voulu mettre pour une équipe de football pour aller à la CONCACAF. Donc le débat est ouvert.
CCN. La Semsamar a célébré ses 10 ans de présence en Guyane, on a vu de très belles réalisations à Rémire-Montjoly, à Matoury etc.. mais quid de la rénovation à Cayenne-ville ?
RA.A. Je ne suis plus maire d e Cayenne . C’est une nouvelle majorité. C’est à elle de convaincre. Il faut savoir qu’en 2009, c’est moi qui ai signé avec la Semsamar et je n’ai pas hésité. .Nous on apporte les garanties financières…. On demande de monter a 7O% de garantie , de maniére à ce que les communes qui ont des problèmes financiers arrivent à 30%.
Itw live Danik Zandwonis/Jacques Dancale