« L’ âme prêtée aux oiseaux » de Gisèle Pineau : seulement 220 pages. « Madame St Clair « de Raphael Confiant : 380 pages. , « la vie sans fards » de Maryse Condé : 288 pages, etc.. . je me suis dit cette Valérie Siracus bien qu’ encore inconnue du gotha de la littérature cari-francophone , devait être bien téméraire pou ’oser publier dans un one shot une somme pareille . Et puis sans plus attendre Je me suis lancé dans la dévoration de son ouvrage.
Je le dis d’entrée no :, je n’ai pas été déçu, car son style est fluide, avec parfois quelques facilités stylistiques, mais globalement ca se laisse lire. Il y a cette petite voix intérieure
souvent notée en italique, dans le texte, qui peut passer pour la distance prise à la fois par l’auteure.. ou par Laurence l’ héroine du récit
L’histoire elle même : une sorte de thriller sentimental à rebondissements multiple. , il y a là de quoi vous tenir en haleine tout au long des 400 pages. On le ldira Valérie Siracus a vraiment transformé son essai, en réussissant un roman qui n’est pas sans intérêt.
Ca se passe donc en Guadeloupe et singulièrement dans le « triangle d’or » de l’ile .C’est à dire entre les Abymes/ Gosier et parfois Baie Mahault.
Une jeune femme, une certaine Laurence, très amoureuse se fait piéger par un Play boy friend un peu borderline, coureur de mini jupes, qui l’entraine au fil des pages et de l’histoire dans un labyrinthe semé d’embuches. C’est dira- t -on une histoire banale mais qui n’est pourtant jamais très éloignée de la réalité d’une certaine jeunesse un peu perdue.
Est ce que ce 2é roman de Valérie Siracus marquera la littérature guadeloupéenne ? plutôt que répondre à cette question un peu prématurée , je préfère signaler que depuis un peu plus d’une décennie, aux cotés des « maitres « de la littérature romanesque Cari –Guadeloupéenne que sont les Ernest Pépin, Mariz Condé, Gisèle Pineau, édités le plus souvent à Paris, sont venus s’adjoindre un nombre considérable de néo-écrivants , ou néophytes de l’écriture. . Pour la plupart ils sont édités tantôt par Ibis Rouge, d’autres par les Editons Nestor.et à un degré moindre par les Editions Jasor.
Le talent littéraire n’est pas toujours la marque de fabrique de cette toute nouvelle littérature foisonnante, débordante de vitalité, et dont le premier mérite mérite est d’exister. Ce phénomène d’avantage éditorial que littéraire commence quoi qu’on dise à marquer le paysage culturel et littéraire Cari-Francophone. ( Petite parenthèse, pour être plus ancienne, et mieux outillée du point de vue stylistique, du point de vue l’écriture et du récit, les écrivains Cari- haïtiens de la nouvelle génération sont déjà Goncourables pour certains , quand ils ne siègent pas à l’Académie Francaise.)
Ces nouveaux éditeurs Cari-francophones ( Guadeloupe, Martinique, Guyane) bien que très éloignés des mastodontes de l’édition parisienne, -le célèbre GalliGraSeuil - permettent à des auteurs qui ne sont pas encore de grands écrivains, de toucher un public, qui commence lui à lire ces oeuvres romanesques même si parfois elles sont qualité très inégale .Mais désormais dans notre petite Caraibe la littérature et l’édition existent… elles méritent d’être soutenues
Est ce a dire que Valérie Siracus soit incluse dans le lot de ces néo- auteurs des années 2000 ? Il nous a semblé que son roman déjà par sa seule épaisseur (plus de 400 pages) avait nécessité un véritable et très long travail d’écriture. Ce roman est aussi un vrai scenario, il a été pensé et écrit comme un vrai film.
L’oeuvre de VS, a bien des égards , fait tantôt un peu dans le Françoise Sagan ( pour l’ambiance des golden boys déjantés) tantôt un peu d’Alberto Moravia ( pour le cynisme dans la psychologie des personnages ) , enfin pour le côté love story , c’est hélas parfois peut être un peu trop « télé novélas, »
Mais une jeune auteure contemporaine Cari-Guadeloupénne peut-elle totalement échapper à l’influence de ces séries télévisées qui nourrissent depuis des années à leur insu des générations de cerveaux?
Echappée Belle est ce un roman social ? Là je suis catégorique et sans appel. C’est non. La réalité sociale du pays, la Guadeloupe, y est hélas totalement absente et même pas suggérée, les héros souvent en mode héroïne party vivent dans leur petit monde clos du Triangle Baie Mahaut Gosier et quand ils s’évadent vers Porto Rico, c’est pour se retrouver dans un milieu similaire .Laurence ne cesse donc de se perdre et de s’y retrouver…Le talent de VS c’est qu’àu travers de son personnage, pour qui elle a beaucoup d e tendresse( trop ?) elle nous comme vivre et ressentir ses peines , ses joies , ses émotions..
Par contre , dans ce récit qui est presque parfois un huis clos on s’aperçoit quand on se place du point d e vue d e l a la vraie vie, ( oui ,oui un roman n’est pas la vie, et la vie n’est pas qu’un roman !) que rien ne semble devoir « troubler »plus que l’alcool ou la côke, la vie des jeunes ( les personnages du roman ) qui travaillent le jour et ne pensent la nuit qu’a ‘s’amuser, faire l’amour, participer à des soirées en boite ou au bord des piscines, dans des grisantes ou stressantes cocaïnes parties... Mais à coup sur dans la vraie vie on trouve des Marko, des Mike.. . A bien regarder c’est peut être la manière que VS a choisi pour refléter quelques uns de ces maux qui rongent une frange de la jeunesse actuelle
Echappée Belle pourrait plutôt être le roman sociologique d’une époque, qui est celle dans laquelle évolue ces personnages, tous très typés étant eux même le fruit d’une société dans la quelle les habituels repères semblent totalement perdus. En creux la bande à Laurence représente ce qu’il ne faut pas être pour s’éviter les pires malheurs..
Et puis autres petites singularités de ce roman : au cours de ces 400 pages pas un seul mot de créole prononcé, ou écrit.… les personnages sont tous 100% francophones..et puis on « n’entend » jamais la musique même quand l’action se situe dans une boite de nuit. ! Il a la comme un manque..
Mais à la veille des vacances, Echappée Belle mérite d’être lu, et qui sait si un réalisateur aussi téméraire que l’auteure ne voudra pas un jour l’adapter pour la télé ou le cinéma ? . Un bon livre bien scénarisé, ça peut faire un tout aussi bon film. Mais c’est là une autre histoire
* Echappée Belle « de Valérie Siracus (Ibis Rouge)