Maryse Romanos est la présidente de la Fédération des Commerces de la Région Pointoise. Pour elle, il est clair que les commerçants sont une cible privilégiée. En collaboration avec la sous-préfecture, la Mairie, les polices nationale et municipale, la CCI-IG et le concours des commerçants, elle a mis en place plusieurs dispositifs pour tenter de prévenir les braquages. « Nous avons décidé de faire ce qu’il était en notre pouvoir pour éviter les actes délictueux. Nous avons mis en place l’alerte SMS. Ce dispositif vise à créer une chaîne solidaire et de proximité entre commerçants pointois. Un sms nous avertit dès le signalement d’une incivilité ou d’une infraction. » Un guide de prévention sécurité a également été distribué aux commerçants des Abymes et de Pointe-à-Pitre et une enquête a été menée auprès de ces derniers pour savoir quels étaient leurs besoins. La présence de patrouilles pédestres de police nationale a été une forte demande mais les forces de l’ordre font se qu’elles peuvent avec les moyens mis à leur disposition.
Patrice Abdallah, secrétaire départemental du syndicat Unité SGP Police se plaint du manque d’effectif ce qui impacte sur le moral des troupes : « On peut dire qu’il y a un certain ras-le-bol, un sentiment d’être laissés pour compte au vu de la situation de violence extrême dans le département et nous sommes impuissants face à cette situation. Pourquoi impuissants ? Parce que dans un premier temps, nous sommes en première ligne puisque c’est nous qui devons assurer la sécurité des personnes et des biens. Mais nous n’avons pas les moyens humains et matériels pour assurer ces missions. Si je prends l’exemple des commissariats de Basse-Terre et de Capesterre, le plus souvent, ils n’ont pas de patrouille et sont obligés de fermer le commissariat pour la sécurité des locaux.
Pour Pointe-à-Pitre, Abymes, Gosier, nous avons un seul véhicule pour toute la circonscription les dimanches matins et jours fériés... Si des grosses affaires tombent en même temps dans ces trois villes, on est dans l’incapacité de tout régler à la fois. La compagnie départementale d’intervention est réduite à 38 fonctionnaires. Au départ, ils étaient 125 et la charge de travail a augmenté ! On ne peut pas se permettre aujourd’hui de rester dans ce contexte là. Les mesures pansement ne suffisent plus. Les 70 gendarmes mobiles envoyés sont amenés à repartir et l’on se retrouvera dans la même situation.»
Jacques Bangou, le maire de la ville estime qu’il faut d’abord rétablir les conditions de l’ordre. C’est pourquoi il avait sollicité le ministre de l’intérieur qui est venu récemment mais lui aussi pense qu’il faut aller chercher les causes de cette délinquance à la source. Et on en revient à la famille : « La délinquance trouve son origine dans la déliquescence de la famille. Une déliquescence qui est dûe à plusieurs facteurs dont le principal est l’absence d’emploi pour tous. Ces familles paupérisées rencontrent de vraies difficultés et derrière cela se développent des trafics. »
Jacques Billant et le procureur du tribunal de Grande Instance, Xavier Bonhomme, installaient début octobre le Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) de Pointe-à-Pitre. Cette installation marque la volonté de coopération des autorités et des acteurs socio-économiques. Le maire de la ville s’en réjouit et c’est dans la continuité du Conseil Communal de la Prévention de la Délinquance (CCPD) créé en 1991, qu’il va œuvrer. « Nous mettons le CCPD au goût du jour et aussi en conformité avec les lois qui ont évoluées, nous le transformons en CLSPD. Cela nous permet de mobiliser tous les acteurs qui peuvent agir sur cette délinquance. Nous avons vu l’implication très forte du milieu éducatif et associatif avec les principales associations impliquées au quotidien sur le terrain ainsi que la présence du milieu économique avec la CCI et les représentants des commerçants. Nous avons eu une partie des bailleurs qui sont au cœur des problématiques qui sont posées. Tous ces acteurs là, mis ensemble, montrent par leur présence et leur solidarité, l’envie d’apporter des réponses concrètes sur la base d’objectifs qui ont été définis ce matin. »
Partageant cette envie et cette volonté, le Préfet, Jacques Billant rappelle que c’est une étape très importante dans la lutte contre la délinquance : « Face à la tension à laquelle nous devons faire face depuis le début de l’année, cette montée des violences et des actes délictueux, j’ai fixé trois objectifs aux forces de Sécurité. Le premier est d’accroître notre présence sur la Guadeloupe, le deuxième c’est développer nos capacités d’investigation pour mettre hors d’état de nuire les voyous le plus vite possible et le troisième c’est développer le partenariat avec les collectivités pour mettre en place ce qu’on appelle une co-production de sécurité. Pour cela, il faut qu’on travail dans le cadre des CLSPD »
Xavier Bonhomme, procureur du tribunal de Grande Instance décrit les champs d’action de ce CLSPD : « La prévention de la délinquance ce n’est pas qu’une affaire de répression mais aussi une affaire de prévention. Nous allons accompagner la formation, occuper le terrain afin de ne pas laisser les personnes désœuvrées dans les rues, c’est tout un tas d’actions de présence sociale qui seront ainsi mises en œuvre. »
Bien que chacun semble prompt à assumer ses responsabilités, presque tous parlent du rôle des familles dans la lutte contre la délinquance. Pourtant, à Pointe-à-Pitre les délits et crimes sont en hausse surtout les braquages (cf encadré). Des mesures sont prises par les autorités, le monde associatif et économique pour éviter que cet état de fait ne perdure mais quant est-il du cercle familial ? Et comment faire pour inciter les parents à reprendre le contrôle de ces jeunes en perte de repères? Comment rétablir le dialogue ?
Les militants de Rebelle, pour qui le chômage est la mère de toutes les violences, réclament la création de 10 000 emplois. Pour Camille Galap, recteur d’Académie de Guadeloupe, c’est la somme de plusieurs facteurs qui a terme permettra d’enrayer ces problèmes : « Il y a un gros travail qui est fait dans l’ensemble des établissements dans le cadre des Conseils de Vie Lycéenne ou des maisons des Lycéens afin que tous les élèves soient mobilisés à ces questions de la violence et de la délinquance. Nous avons pu le voir lors du passage de la présidente de la MILDECA où des élèves du lycée George Nicolo travaillent sur des projets pour interagir avec les quartiers, des quartiers parfois très difficiles. »
Pour d’autres tout se joue dès la maternelle, ce qui est sûr c’est que plus tôt l’enfant est sensibilisé, plus le message aura des chances d’être enregistré.
Pour Mme Silvestre la solution serait de couper les allocations familiales. Solution radicale qui, selon elle, obligerait les gens à se responsabiliser et à réfléchir à deux fois avant de faire des enfants.