Mais il faut avec beaucoup de lucidité s’interroger aussi sur l’attitude des Guadeloupéens. Nous qui sommes des fils et des filles d’ouragans et de cyclones tropicaux habitués à ces grands vents destructeurs, étions-nous vraiment prêts ? Christian Antênor-Habazac, notre spécialiste national des ouragans et autres cataclysmes, n’a cessé de nous le rappeler lors de ses fréquents passages sur les medias : nous avons beaucoup perdu de notre culture cyclonique. Ces habitudes de survie et de précautions souvent élémentaires héritées de nos grands parents depuis au moins le terrible Cyclone-28, sont aujourd’hui envolées et oubliées.
Mais il y a encore plus grave. Avez-vous vu tous ces Français jadis installés luxueusement à Saint-Martin et qui ont pendant des années largement profité de leur séjour au soleil, subitement tous pressés de rentrer chez eux sans la moindre solidarité avec Saint-Martin en détresse, Saint-Martin dans la souffrance et à reconstruire ? Dans quelques temps, quand tout sera rétabli, on les reverra sans aucun doute. Car il faut le savoir, au fil des années, les Saint-Martinois natifs sont devenus hélas minoritaires chez eux, au détriment d’exogènes souvent franco-européens. On parlait jadis de génocide par substitution, Saint-Martin est l’exemple le plus visible et le plus réussi de la colonisation française.
Une semaine après Irma, alors que Saint-Martin, et un peu moins St Barth, était encore une plaie béante ouverte dans la mer des Caraïbes, Maria a soufflé avec sa force 5. Cet ouragan est venu nous rappeler que nous nous devons de maintenir, développer ou de réaffirmer cette solidarité caribéenne qui a su traverser les siècles et que no frères caribéens anglophones traduisent depuis Bob Marley par le célèbre One love.
Chez les Caricréoles de la Martinique, de la Guadeloupe d’ Haïti de Sainte Lucie, de la Dominique voire de Trinidad, la fraternité ancestrale pan-caribéenne se traduit par le « Nou rivé an menn bato la ». Ces ouragans nous obligent donc à dépasser les clivages linguistiques ou politiques, car les Nations de la Caraïbe, toutes issues de la colonisation européenne, ont un devoir de solidarité. Sé on men ka lavé lot !