Amelie Mbaye : “Le Cinéma se porte très bien en Afrique, le Nigeria est Numéro 1”
Pointe à Pitre/Dakar. Mardi 26 mars 2024. CCN. Avant sa venue en Guadeloupe, la comédienne, réalisatrice, chanteuse, artiste sénégalaise, Amelie MBaye n’était absolument pas connue chez nous. Début Février, elle arrive pour la post production d’un court métrage prévue pour une dizaine de jours. Un moral proche de la déprime, elle est contrainte de séjourner 40 jours en Guadeloupe. Cependant, Elle a pu au cours d’une belle soirée à la Résidence du Conseil Départemental présenter “Frontières”, un film qu’il faut avoir vu. D’autres projets sont envisagés avec le soutien de la Collectivité. Amélie Mbaye attend impatiemment le feu vert pour revenir chez nous : à Suivre !
CCN. Comment ce film a-t-il été accueilli au Sénégal, en Côte d’Ivoire…
Amelie Mbaye (AMB). Ce film FRONTIERES, a été très bien accueilli dans tous les pays où il a été diffusé. Des sorties en « Première » ont été organisées dans la plupart des pays que nous avons traversés durant ce tournage, en présence par exemple du Chef de l’État du pays visité (Burkina Faso) ou du Ministre de la Culture (Cote d’Ivoire) et le public a été à chaque fois enchanté, car, avec le style parfois teinté d’humour, que la réalisatrice a utilisé pour décrire les tracasseries que ces commerçantes vivent sur les routes à chaque frontière, beaucoup de femmes se sont reconnues dans ces histoires qui peuvent tourner au drame. Et nombreux sont ceux et celles, qui, comme moi, ont découvert ces textes de la CEDEAO que, hélas beaucoup ne connaissent toujours pas..
CCN. Quel était le projet de ce film, le contexte ?
AMB. Le film FRONTIERES parle du non-respect des textes sur la libre circulation des personnes et des biens en Afrique : pour cela, la Réalisatrice et Scénariste Apolline Traoré, a choisi de faire voyager 4 commerçantes pour traverser 6 pays qui sont le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Bénin, et le Nigeria. 4 Actrices qui représentent chacune son pays : moi-même la Sénégalaise qui suit en quelque sorte la “porte-parole de la CEDEAO”, la seule parmi les commerçantes qui connaît ces textes sur la libre circulation; une Burkinabée, une Ivoirienne et une Nigériane. Ces 4 commerçantes vont voyager de Dakar jusqu’à Lagos, et à chaque frontière, sont confrontées aux problèmes liés à l’immigration, la douane, la police, les vols, les escroqueries, des tas de tracasseries que vivent la plupart des commerçants / es. C’est une fiction, et comme je le disais tantôt, il a été écrit avec un brin d’humour, qui décrit quand même le drame que vivent ces femmes qui bravent les routes pour subvenir aux besoins de leur famille….
Cela a été un vrai challenge, parce que nous avions tourné durant une période où il y avait beaucoup d’enlèvement de touristes et de journalistes, les problèmes de terrorisme surtout à la frontière entre le Mali et le Burkina.
CCN. Comment se porte le cinéma dans les pays Africains : Sénégal, Burkina, Côte d’Ivoire ? Nigeria ?
AMB. Le Cinéma se porte très bien en Afrique. Bien entendu, Nollywood au Nigeria est le numéro un, mais il est de très près suivi par le Ghana, le Burkina, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud… Je trouve qu’il y a encore des préjugés, des obstacles par exemple chez nous, au Sénégal : à cause de la religion musulmane qui est en majorité à 90 %, nous avons encore des freins, des barrières à respecter, ce qui est par exemple différent, de la mentalité et de la culture en Côte d’Ivoire. Par exemple au Sénégal, cela à mon avis est un frein à la libre expression cinématographique : une Actrice ne pourra pas interpréter certains rôles à cause de la culture, du qu’en dira-t-on au risque de se faire critiquer par le public….et je trouve cela dommage en tant qu’Actrice, de devoir un peu trop se limiter…. Mais cela n’empêche pas de faire de très belles productions, tout en restant dans la décence….
Au niveau de l’économie, au Sénégal, grâce à notre position géographique, le tourisme est en plein essor et grâce à la récente découverte du pétrole, nous espérons un avenir meilleur….
CCN. Que dire de la situation politique actuelle au Sénégal avant les élections du 25 mars ?
AMB. Je suis quelqu’un qui n’aime pas trop parler de la politique en général. Je défends la cause des femmes, je suis à 100 % pour la formation professionnelle car c’est cela qui fait avancer l’économie d’un pays, je suis pour la protection de la femme et de l’enfant, je lutte contre la violence sous toutes ses formes surtout celles faites aux femmes. Je n’aime pas trop me prononcer en matière de politique. La (nouvelle) date de nos élections présidentielles approche et je prie de tout cœur que cela se passe dans la Paix car en ce moment le pays est en quelque sorte en phase de pause: des investisseurs attendent le « moment propice pour (re) venir , les maisons de Production de même attendent avant de commencer les grands tournages …..Alors prions pour le Sénégal qui a toujours été connu comme un exemple de Paix, d’entente, d’hospitalité afin qu’il demeure et continue d’être ce pays stable de la « Teranga » Sénégalaise (hospitalité).
CCN. Votre prochain film post produit en Gwadloup ?
AMB. Je suis venue en Guadeloupe pour la post production de mon propre film. Pour la première fois j’écris, je réalise et j’interprète un film dont je suis la Productrice. Un énorme challenge. il s’agit d’un court-métrage sur la santé mentale et la violence faite aux femmes.
Un court métrage qui aboutira, j’espère, au tournage d’un long-métrage qui débutera justement ici en Guadeloupe, très prochainement…
Je suis enfin arrivée à la fin de ce travail et suis ravie de pouvoir le présenter, sous peu, aux festivals. Je suis en coproduction en Guadeloupe avec Golden Planet Picture qui est en charge du mixage du film, avec le soutien du Conseil Départemental de la Guadeloupe. A Dakar tout a commencé avec MD PRODUCTION mon Co Producteur au Sénégal.
CCN. Quelles sont les difficultés rencontrées qui ont engendré cet énorme retard ?
AMB. J’ai choisi de venir en Guadeloupe pour la post production de mon film pour plusieurs raisons. La première parce que je n’avais jamais visité la Guadeloupe auparavant et qu’à cause de la situation politique assez délicate au Sénégal, je ne voulais pas me retrouver « bloquée » alors que j’avais besoin d’avancer très vite pour finaliser mon film.
La 2eme raison, pour les projets d’échanges culturels que je veux développer avec la Guadeloupe, et qui sait entreprendre des démarches pour un futur jumelage….
Sur ce je suis allée à Paris puis enchaîné en Guadeloupe avec des contacts recommandés par mon Agent.
Une fois arrivée à Pointe-à-Pitre, avec l’internet parfois coupé depuis Dakar, il y a eu quelques soucis pour communiquer avec mon Co Producteur sur place.
Et la situation ayant évolué, on a pu avancer ; mais des promesses d’assistance qui m’avaient été faites, avant même mon départ de Dakar, n’ont pas toutes été tenues , j’ai eu quelques déceptions sur l’avancée de mon travail, j’avais une deadline à respecter que j’ai failli rater pour le dépôt de mon film à un festival, j’ai donc été obligée de prolonger mon séjour en Guadeloupe. Ceci occasionnant un bouleversement total dans mon calendrier, des dépenses imprévues qu’il a fallu assurer de tous les côtés (Paris, Dakar et sur place pour la survie quotidienne). Sans compter un moral proche de la déprime, avec le goût amer dans la bouche de me retrouver dans une île, seule, avec très peu de connaissances et le regret d’avoir accompli ce voyage…. Jean-Marc Cassin, est resté mon Co Producteur et ne m’a pas jamais lâchée. Nous avons terminé la post production de justesse mais pas comme je l’aurais réellement souhaité.
Je dirai que toutes choses arrivent pour une raison, car de tout ce qui s’est passé, j’ai tiré des leçons, j’ai fait de très bonnes rencontres, qui m’ont dirigée vers le Conseil Départemental de la Guadeloupe, qui m’a soutenue, et accompagnée jusqu’à présent, ne me faisant pas regretter d’être venue sur cette belle île. Comme dit mon Agent, on pense connaître des personnes et on se rend compte de la réalité une fois sur place, surtout lorsque des informations parviennent à vos oreilles sur place, quand il est déjà trop tard….
Aujourd’hui, je garde la tête hors de l’eau avec l’espoir de revenir en Guadeloupe pour d’excellents projets qui se construisent avec les personnes qu’il faut…
Tout arrive pour une raison…
Guadeloupe, Mars 2024.