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Bénin. Au coeur d’une vibrante mosaïque d’histoires et de cultures

Bénin. Au coeur d’une vibrante mosaïque d’histoires et de cultures

Cotonou. Jeudi 19 juin Mai 2025. CCN. Le mois qui vient de s’écouler m’a menée à la découverte de deux pays que tout semble opposer : le Bénin et le Brésil. Et pourtant, au fil des kilomètres parcourus, un fil rouge s’est imposé à moi — inattendu, mais lumineux : une quête d’identité, une quête de vérité. 

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1/ Premiers pas sur une terre de mémoire et de fierté

Réservé  plus d’un an à l’avance, ce voyage au Bénin s’est présenté comme une opportunité, saisie en plein vol presque par hasard. Pour mon tout premier séjour sur le continent africain, je suis arrivée sans attente, sans préjugés, simplement avec le cœur et l’esprit grands ouverts. Et quel spectacle ! J’ai découvert un pays vibrant, profondément attaché à son histoire, aussi riche culturellement qu’humainement. Le temps de quelques pages, je vous invite à me suivre sur ce chemin de découverte — un voyage autant extérieur qu’intérieur, initiatique à bien des égards.

Dès la sortie de l’aéroport international de Cotonou, le ton est donné : une statue imposante de Bio Guéra vous accueille. Ce héros national, mort en 1916 en résistant farouchement à la domination coloniale française, est ici célébré comme une figure de courage, de fierté et de dignité. Chasseur, paysan, commerçant, Bio Guéra est celui qui, dans la région de Parakou, sut mobiliser la jeunesse pour repousser l’envahisseur. Érigée à cet emplacement stratégique, la statue a été pensée pour inspirer les jeunes générations béninoises. Elle incarne un appel à ne jamais céder face à l’adversité et à marcher, la tête haute, dans les pas de ceux qui ont défendu leur terre au prix de leur vie.

La statue, haute de sept mètres, se dresse non seulement comme un hommage aux luttes passées, mais aussi comme un message adressé à tous les visiteurs, et en particulier à ceux qui posent le pied sur cette terre pour la première fois : ici, la souveraineté n’est pas un concept abstrait, elle est vécue, honorée, transmise. Elle affirme, sans détour, l’attachement profond du peuple béninois à sa liberté et à sa souveraineté. Ce premier arrêt, chargé de symbole et de sens, me saisit avec une intensité que je n’avais pas anticipée. Je prends soudainement conscience de là où je suis arrivée : sur la terre des ancêtres, une terre de lutte, où le combat contre la colonisation et la réduction du peuple en esclavage n’a jamais cessé.

Cotonou, capitale économique du Bénin, déploie d’autres monuments tout aussi puissants : la place des Amazones, en hommage aux redoutables guerrières du royaume du Dahomey, ou encore la place des Martyrs, encore en travaux lors de mon passage. Ici, l’histoire coloniale n’est pas reléguée aux manuels, elle est inscrite dans toute la ville. Elle est dans les rues, sur les places, dans les regards.

2/ Dans le tissu d’un peuple

J’ai été frappée par la profusion de wax dans les tenues quotidiennes, inondant les rues d’un arc en ciel de couleurs. Hommes, femmes, enfants : tous le portent avec une élégance naturelle. Il n’est d’ailleurs pas rare de croiser une famille entière habillée du même tissu, choisi par le père à l’approche de Noël selon une tradition bien ancrée. Si le wax est d’origine néerlandaise, hérité de techniques indonésiennes, les Africains se le sont pleinement réappropriés, jusqu’à en faire un emblème de leur identité. Les célèbres Nana Benz du Togo, femmes d’affaires visionnaires, en ont d’ailleurs dessiné des motifs devenus iconiques, comme « Mon mari est capable », « Les yeux de ma rivale » ou encore « Si tu sors, je sors ».

J’ai été ravie de pouvoir choisir mes pagnes au marché de Dantokpa, immense et bouillonnant, même si l’étiquette “HollanWax” cousue dessus m’interroge. Mais au-delà du tissu, c’est l’expérience du lieu qui marque. Ce dédale vibrant d’allées déborde de couleurs, d’odeurs, de voix. Des hommes, des femmes, souvent venus de loin avec leurs enfants, vendent fruits, poissons fumés, pagnes, racines médicinales ou encore leurs productions agricoles. On y négocie, on y rit, on y vit. Ce marché, à ciel ouvert et aux mille visages, est le cœur battant de Cotonou, un lieu où s’exprime la vitalité d’un mode de vie qui ne ressemble en rien au nôtre.

3/ Porto-Novo et Ouidah : récits d’une mémoire vivante

En quittant cette effervescence, je poursuis mon voyage vers Porto-Novo, la capitale administrative du pays. Là, le rythme change, mais la mémoire reste vive. J’y découvre le Panthéon Négro-Africain, un bâtiment modeste, presque discret, mais profondément chargé de sens. Ce lieu rend hommage aux grandes figures noires de la lutte contre l’oppression, de Toussaint Louverture à Nelson Mandela. Malgré sa petite taille, il mérite d’être davantage reconnu, car il donne à voir les visages, les voix, les combats de celles et ceux qui ont marqué l’histoire du continent et du monde.

Dès l’entrée, une œuvre marquante accueille le visiteur un arbre majestueux, enraciné au cœur d’une carte de l’Afrique, illustrant les mots de l’intellectuel béninois Paulin J. Hountondji : « Nous sommes tous les branches d’un même arbre. ». Une vérité simple, universelle, qui m’a profondément touchée. Grâce à une guide remarquable, j’ai pu saisir toute la portée symbolique de ce lieu chargé de mémoire et traversé par une volonté d’unité. Les récits qui m’ont été transmis se sont présentés à moi comme un rappel silencieux à ne jamais oublier les racines de nos luttes, ni la puissance des liens qui nous unissent.

Le point culminant de ce voyage a été, sans aucun doute, la ville de Ouidah — Xwéda en langue locale. Ancien comptoir esclavagiste, Ouidah fut l’un des plus importants ports de déportation vers les Amériques entre le XVIIe et le XIXe siècle. Le parcours de mémoire y est saisissant : la place des Chachas, où les personnes réduites en esclavage étaient vendues, marque le début d’un chemin tragique. De là, elles devaient parcourir quatre kilomètres, menottées, enchaînées aux poignets et aux chevilles, jusqu’au rivage. Un rivage qui, en ligne droite, fait face aux Antilles, révélant ainsi la proximité troublante entre l’Afrique de l’Ouest et les Caraïbes — une proximité qui facilita cette entreprise funeste. C’est précisément à cet endroit que se dresse aujourd’hui la Porte du Non-Retour : un monument solennel tourné vers l’océan, là où les navires emportaient les personnes captives vers une vie de misère, de souffrance et d’aliénation.

Je ne pourrais pas vous en donner tous les détails, mais cette journée fut éprouvante, tant physiquement que émotionnellement. Était-ce la chaleur accablante, ou le poids de l’histoire ? Lorsque nous étions sur la place du marché, l’atmosphère était presque irrespirable. Une chape pesante, presque étouffante, semblait recouvrir ce lieu chargé de mémoire, encore imprégné de la souffrance de nos ancêtres.

Aujourd’hui, le site de la Porte du Non-Retour est en travaux, dans l’objectif d’améliorer l’accueil des visiteurs. Mais une décision du gouvernement m’a glacée : la pose de dalles rouges tout au long du chemin menant à la mer, pour symboliser le sang versé par les personnes captives. Du rouge, partout, jusqu’à la porte. Il suffit de fermer les yeux pour entendre les cris, les sanglots, le cliquetis des chaînes traînant sur le sol…

Il est important de se rappeler que, jusqu’au bout, ces hommes et ces femmes ont résisté. Certains allaient jusqu’à s’étouffer avec du sable, préférant la mort à l’asservissement. Ce lieu ne devrait pas être une simple attraction touristique, mais un espace dédié au recueillement, à la mémoire et à la prise de conscience. Je tiens à partager avec vous la démarche de notre guide ce jour-là, qui nous a invités non pas à franchir la porte vers la mer, mais dans le sens inverse, celui du retour vers la terre d’Afrique, la terre des ancêtres. J’ai trouvé cette initiative profondément porteuse de sens et particulièrement émouvante.

4/ La fierté des langues, la puissance des arts

Mais le Bénin, ce n’est pas seulement un pays de résistants. En arrivant ici, j’ai découvert un peuple profondément ancré dans son histoire, fier de ses racines, et éminemment riche sur le plan culturel. C’est un pays traversé par une culture foisonnante, vivante, portée par des langues qui résonnent dans les rues — le fon, le yoruba, le mina — bien plus souvent utilisé que le français. Lorsque l’on déambule dans les rues, il est frappant de constater que personne ne parle français dans la vie courante. La langue principale, le fon, est parlée avec fierté, et chaque dialecte a sa place, sa légitimité, sa musicalité. Je trouve cela formidable. Voilà ce dont je rêve pour mon île.

Le peuple béninois est aussi d’une richesse culturelle immense, notamment en matière d’artisanat et d’arts vivants. J’ai découvert des marchés artisanaux parmi les plus beaux que j’aie jamais vus : des objets uniques, porteurs d’âme, de mémoire, de récits. L’art, ici, n’est pas une vitrine réservée aux musées, il fait partie du quotidien. Au Centre international d’art et de musique de Ouidah, ou encore à travers la troupe Pépit’art, j’ai rencontré une jeunesse vibrante, engagée, passionnée. Ils utilisent la percussion comme un langage universel, une manière de raconter le monde autrement. L’art, ici, éduque, soigne, rassemble.

5/ Ganvié et Songhaï : deux visages d’une même résilience

Le Bénin est un pays à fort potentiel de développement, porté par une richesse culturelle exceptionnelle, un savoir-faire remarquable dans les arts et l’artisanat, une profonde maîtrise de son histoire et une capacité de résilience impressionnante. À Ganvié, surnommée “la Venise de l’Afrique”, j’ai découvert un village lacustre fascinant, né de la résistance d’un peuple ayant fui l’esclavage en se réfugiant sur le lac Nokoué. Là, j’ai rencontré une communauté qui vit littéralement sur l’eau, dans un écosystème qu’elle a su apprivoiser. Les maisons, construites sur pilotis, ne sont accessibles qu’en pirogue. Les enfants y apprennent à nager avant même de savoir marcher. L’ingéniosité de ce mode de vie, adapté à un environnement unique, témoigne d’une formidable capacité d’adaptation.

Cette résilience se manifeste aussi dans des initiatives novatrices comme le centre Songhaï. Véritable modèle d’agriculture durable, ce centre autosuffisant applique les principes de la permaculture à grande échelle. Il fonctionne en circuit fermé : les déchets organiques issus des cultures servent de compost, les déjections animales sont transformées en biogaz pour la cuisine ou en engrais pour les cultures, l’eau est recyclée, les poissons sont nourris avec les résidus agricoles… Aucun intrant chimique, aucun gaspillage. Rien ne se perd, tout se transforme. Et le résultat est là : des produits alimentaires transformés sur place, des jus, des huiles, des savons, tous issus de cette boucle vertueuse. Le centre Songhaï est la preuve vivante qu’il est possible de produire, de nourrir, de créer de la valeur en respectant la nature et en coopérant avec elle.

6/ Le Bénin, là où toutes les croyances se tiennent la main

Le Bénin est aussi un pays profondément habité par la spiritualité. Celle-ci imprègne la vie quotidienne, bien au-delà des lieux de culte. Elle s’affiche jusque dans les noms des enseignes, avec une sincérité touchante et parfois déconcertante : « Jésus est au contrôle » pour un centre de contrôle technique, « Rose couture à la gloire de Dieu », ou encore « Broderie Dieu te voit ». Des noms qui rappellent combien la foi est présente, intime et assumée.

Du fait de son histoire coloniale, toutes les religions cohabitent sur le territoire : le catholicisme, l’islam, et bien sûr le vaudou. Ce pluralisme religieux, non seulement accepté mais intégré au paysage, peut surprendre de prime abord. À Xwéda, par exemple, j’ai été frappée de voir, d’un côté de la rue, une église catholique aux dimensions imposantes, et lui faisant face, un petit temple vaudou. Petit par la taille, certes, mais immense par sa portée symbolique : c’est le célèbre temple des pythons. Les adeptes du vaudou y vénèrent les pythons royaux, considérés comme des protecteurs de la ville. Une centaine de serpents y vivent, paisiblement, sous la garde d’une tradition millénaire.

Avant ce voyage, ma vision du vaudou était brouillée par les clichés et les discours diabolisant que l’on entend souvent en dehors du continent. Mais au Bénin, j’ai découvert une spiritualité riche, puissante, ancrée. J’ai été bouleversée par la force des symboles, la beauté des rituels, la ferveur et la dignité des adeptes. Le vaudou, religion ancestrale du peuple béninois, porte en lui une sagesse, une mémoire, une résistance. J’ai ressenti beaucoup d’émotion à voir ces hommes et ces femmes pratiquer, sans honte ni peur, la foi de leurs ancêtres. J’aurais aimé pouvoir en faire autant…

Je ne l’ai pas précisé, mais je voyageais avec un groupe d’une cinquantaine de personnes. Lors d’une visite, l’un d’entre nous a posé cette question à notre guide : « Quelle est la religion majoritaire au Bénin ? » Il a souri, et répondu : « Aujourd’hui, c’est sans doute le catholicisme. Mais dans le sang de chaque Béninois coule encore la religion des ancêtres : le vaudou. » Une réponse que j’ai beaucoup appréciée.

Remerciement

Me voilà arrivée au terme de cette chronique. Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers l’association Mi Nan Leko, qui nous a offert l’opportunité de vivre ce voyage de dix jours au Bénin — un voyage intense, nourri d’émotions, de découvertes, mais aussi de remises en question. Je tiens tout particulièrement à remercier l’association d’avoir mis à notre disposition, tout au long du séjour, des guides d’une qualité exceptionnelle, passionnés et profondément investis. Grâce à eux, nous avons pu accéder à une connaissance vivante et sincère de leur histoire, de leur culture, et de leur quotidien. Leur authenticité et leur générosité ont donné à ce voyage une dimension profondément humaine, que je n’oublierai pas.

J’espère de tout cœur avoir réussi, à travers ces mots, à vous faire voyager un peu avec moi, à éveiller votre curiosité, vos réflexions, peut-être même vos émotions. Merci à vous d’avoir choisi de suivre notre chronique, de nous avoir accompagnés dans ce parcours.

On continue ensemble ? 

Et qui sait… Peut-être vous laisserez-vous tenter, très bientôt, par une nouvelle escale à nos côtés, cette fois à la découverte du Brésil. 

S.B

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