Déclaration politique de Sanblé pou Nasyon Gwadloup
Pointe-à-Pitre. Mardi 26 mars 2024. CCN. L’ouverture de la campagne sucrière 2024, voit s’opposer deux visions de l’avenir de la filière canne-sucre. En effet les planteurs proposent des solutions différentes, voire opposées à la question de la répartition de la richesse tirée de la transformation de la canne.
Si nous devons trouver un règlement immédiat à cette situation, au risque d’un effondrement de la filière, nous devrons tourner notre regard vers sa refondation.
Les organisation signataires, ayant entendu les protagonistes du côté des planteurs et exploitants agricoles, consulté attentivement les documents qui nous ont été transmis par les parties et auditionné des experts, relevons les positions suivantes :
- La position défendue par le “collectif des planteurs”, de la direction de l’UDECAG, et des syndicats agricoles, qui pour la plus-part ont signé la convention canne 2023-2028 et validé le démarrage de la campagne sucrière 2024. La revendication initiale de cette partie portait sur un prix de la tonne de canne à 160€, sans prise en compte de la richesse saccharine. Celle-ci a été ramenée à 120€. Cette revendication est présentée comme transitoire, dans l’attente d’une décision de fixation d’un prix qui prenne en compte les trois principaux composants sucre, mélasse et fibre. Cette période transitoire est estimée à trois ans.
La position exprimée par l’UPG, les autres SICA, les opérateurs de coupe et de transports et l’IGUACANNE étant la poursuite de la négociation entamée depuis la signature de la convention de 2023 – 2028, qui a décidé :
La fixation d’une tonne de canne à 110,90€ selon la répartition suivante : un prix fixe de 78,56€/tonne et 32,34€ à la richesse 9 pour la part usine, sur :
Un nouveau protocole de paiement prenant en compte la valeur de tous les coproduits d’ici le 30 juin 2024 avec effet rétroactif sur la récolte actuelle et un partage des bénéfices réalisées sur la récolte 2024 applicable dès cette année,
Une étude sur l’impact de la sole cannière en tant que « puits de carbone » en Guadeloupe pour imposer une taxe prélevée sur les pollueurs au profit des planteurs de canne,
La mise en place d’un comité de suivi avec toutes les parties concernées pour élaborer un plan de relance de la filière.
NOTRE ANALYSE DES POSITIONS
La campagne semble en cours de redémarrage. Et nous aurons probablement évité le pire : une année sans récolte.
En effet, nul n’ignore (surtout ceux qui ont connu les conséquences des cyclones sur la production sucrière), qu’une année sans récolte ferait comme victimes principales les producteurs agricoles, en particulier ceux qui ont comme culture pivot la canne : faillites liquidations…, les opérateurs de coupe, et tout le système d’organisation de la production cannière, telles les, SICA. Mais au-delà, c’est tout le pays qui en pâtira.
Une année sans production aurait aussi, et sans nul doute des conséquences quasi irréversibles sur l’avenir de l’activité canne-sucre. Elle provoquerait ainsi, une détérioration irrattrapable des parcelles plantées. En conséquence, la disparition de l’économie sucrière précéderait la spéculation foncière sur les terres laissées en friche.
C’est aussi les résultats des luttes menées dans le secteur de la canne depuis des décennies pour permettre une maitrise du foncier agricole par la collectivité guadeloupéenne, sortir du prix de la tonne de canne basé uniquement sur la richesse saccharine, avec un véritable partage des bénéfices réalisés et une réorganisation de la filière canne qui seront remis en cause.
A l’analyse des positions qui nous ont été exprimées, nous considérons qu’une revendication (temporaire ou permanente) qui ne prend pas en compte la richesse saccharine serait contre-productive.
Elle aurait pour conséquence immédiate de créer un système inéquitable entre les zones de production : le bassin de la Basse-Terre qui produit en moyenne 80T/ha toucherait 9 600€, avec une pointe haute de 14000€ pour les plus gros qui produisent 120T/ha, et les bassins de grande-Terre et de Marie-Galante qui produisent 60T/ha toucheraient 7 200€, avec une pointe basse de 6 000€ pour ceux qui produise moins de 60T/ha).
Pire encore, elle entrainerait rapidement la fermeture des usines qui vivent principalement de la production de sucre tirée de la canne.
Les négociations entamées dans le cadre de la « Convention 2023-2028 », nous paraissent une base sérieuse pour une valorisation économique et sociale de la filière canne-sucre.
Avec les apports des négociations en cours, nous devons tout mettre en œuvre entre guadeloupéens pour qu’elles aboutissent à des avancées significatives : au profit des planteurs et des autres intervenants de la filière canne. Au profit de l’économie de la Guadeloupe.
Nous appelons tous les acteurs à favoriser cette démarche. La lutte sociale prend son sens lorsqu’elle sert les intérêts fondamentaux de notre peuple et s’inscrit dans la lutte pour avancer dans la maitrise de notre destin.
Cependant, la criminalisation des actions de revendication des agriculteurs ne sont pas acceptables. Les agriculteurs mobilisés qui n’ont pas porté atteinte au matériel de l’Usine Gardel se voient menacés d’une amende. Le réflexe colonial qui consiste à punir pour contraindre à l’obéissance au plus puissant est un réflexe archaïque. Les organisations patriotiques s’insurgent contre ce procédé et appellent à la relaxe des agriculteurs concernés.
KANN POU NOU KA KONSTWI GWADLOUP
Le conflit né de la confrontation de visions différentes de la place et de l’avenir de l’économie canne-sucre dans notre pays, met aussi en évidence la nécessité d’une nouvelle refondation du système, avec en point de mire notre souveraineté alimentaire.
Cette refondation doit viser à renforcer l’apport de ce secteur dans notre économie, et redéfinir le rapport des acteurs de la filière canne-sucre-rhum avec les unités de production : Nou pépa ni on lizinn an Gwadloup,ki ka fè sik é dòt pwodwi avè kann annou, san nou tini pa menm pa an-nou adan.
Pointe-à-Pitre, le 26 mars 2024