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Europe/Caraïbe. Réparations et Esclavage : Vers un changement des mentalités

Une reconnexion avec nos lignées ancestrales se révèle indispensable pour retrouver un ancrage psychique perdu

Europe/Caraïbe. Réparations et Esclavage : Vers un changement des mentalités

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Pointe-à-Pitre Lundi 18 décembre 2023 CCN. L’idée d’accorder des réparations aux afrodescendants issus des déportations dues à la traite négrière commence à faire son chemin en Occident et en Afrique. Mais de quoi parle-t-on lorsque l’on évoque les réparations ? Peuvent-elles être de nature financière, économique ou psychologique ? Le retour aux origines peut-il être un chemin de résilience ?

Si, ici et là autour de la diaspora, l’idée de réparations aux dommages de l’esclavage et de la colonisation a pris de l’ampleur c’est en grande partie grâce à l’action du MIR. 

Après plus de 40 ans de combats de militants d’associations telles que le MIR (Mouvement International pour les Réparations) en Martinique, en Guadeloupe, en France et ailleurs, l’idée a enfin fait son chemin dans l’esprit de tous les acteurs concernés et commence à prendre forme.

Mais quelles formes et surtout quelles finalités ? S’agit-il de pouvoir permettre à une catégorie de population de sortir de la précarité économique ? Aux USA ou en Amérique du Sud par exemple il est noté un retard économique notoire de certaines populations afrodescendantes pour cause de discrimination structurelle, et quant aux Antilles on sait qui est aux commandes à ce niveau.

La démarche de fond semble tourner autour de la réparation de l’impact psychologique de cette funeste période de l’histoire sur nos populations caribéennes. Sachant que tous les acteurs de notre société sont concernés par les traces des traumas de l’histoire, consciemment ou inconsciemment, mentalement et émotionnellement, descendants des anciennes victimes et des anciens oppresseurs également. 

Évident, puisque c’est toute la société antillaise entre autres qui s’est construite mentalement et économiquement sur des présupposés discriminatoires. Une violence imposée par pure cupidité colonisatrice, qui soit dit en passant sévit encore dans quelques pays du continent africain.

– Un changement des mentalités autour de ces questions est maintenant visible à l’internationale 

Quelques faits marquants récents :

– Le 14 novembre dernier, le président du Ghana Nana Akufo-Ado a exhorté toute l’Afrique à se mobiliser pour obtenir des réparations pour la traite transatlantique et les dommages causés par la colonisation tout en disant qu’aucune somme d’argent ne pourrait réparer la souffrance.

Il faudra voir qui le suit réellement, lui qui avait déjà fait de 2019 l’année du retour aux afro-descendants. En ouvrant son pays à tous les afro-descendants en quête d’une nouvelle vie et en leur accordant la nationalité. 

C’est en se faisant ainsi connaître que le pays a aussi développé son tourisme mémoriel ; ainsi le château de Cape Coast, ancien comptoir esclavagiste, est devenu un lieu de pèlerinage pour tous les afro-descendants qui terminent leur visite par la porte symbolique du retour (après avoir vu l’ancienne porte du non-retour).

le château de Cape Coast, ancien comptoir esclavagiste, est devenu un lieu de pèlerinage pour tous les afro-descendants

Notons en passant que les pays africains anglophones sont plus avancés que les francophones dans la démarche. Car du côté de l’occident, ces dernières années en Angleterre et en Écosse il y a eu des initiatives de demandes de pardon ou sous forme de subventions. Par exemple, en 2018, l’Université de Glasgow, reconnaissant s’être enrichie grâce à la traite, a promis de donner 250 millions de dollars à l’Université des West-Indies de Barbade. On sait que des firmes et même des banques britanniques se sont engagées à payer des réparations à des organismes de soutien aux minorités ethniques en 2020.

Plus récemment, le 2 décembre, déclarée “journée Internationale pour l’abolition de l’esclavage” au niveau mondial, le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guttierez a invité tous les pays ( et acteurs privés) ayant un lien avec l’esclavage colonial à reconnaitre et présenter des excuses. Cette reconnaissance devant aussi souligner selon lui la lutte contre la persistance de l’esclavage moderne.

Nous assistons peut-être enfin à une prise de conscience au niveau mondial, au moins quant à l’attention à accorder à ce phénomène, qui par ailleurs sévit toujours sous d’autres formes.

Mais ensuite, qu’en est-il de cette prise de conscience ici dans nos îles quant à l’impact de notre histoire sur nos mentalités ? 

Pouvons-nous être les acteurs de notre propre reconstruction mentale ?

L’année 2016 a vu la tenue d’un colloque en Martinique et en Guadeloupe autour des recherches du professeur Aimé Charles-Nicolas, auteur d’un ouvrage publié en 2018 ‘L’esclavage : “Quel impact sur la psychologie des populations ?’” (Ed. Idem). Ceci était organisé dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance Africaine entamée en 2015 par l’ONU. Décennie dont on a peu entendu parler en fait par ailleurs, or il s’agissait de creuser les thèmes suivants : considération, justice et développement. 

En réalité, aucun de ces domaines ne pourra avancer pour nous-mêmes sans notre propre détermination. 

Avant d’exiger la reconnaissance des autres il faut déjà se reconnaître soi-même. Pour cela plusieurs voies sont possibles, mais on ne pourra pas faire l’économie de la connaissance de notre histoire, ni d’une remise en question personnelle de nos modes de pensée.

Notre réparation psychologique passera aussi par l’acceptation et la connaissance de nos origines africaines. 

Une reconnexion avec nos lignées ancestrales se révèle indispensable pour retrouver un ancrage psychique perdu au cours des siècles. 

Tout le monde ne peut pas prendre l’avion pour se reconnecter au continent Mère, mais d’autres initiatives nous sont accessibles : la connaissance de notre patrimoine, de notre histoire (y compris celle de nos aïeux avant l’esclavage et la colonisation) et la pratique de notre culture (musiques traditionnelles). Un travail comme la recherche et le tracé de notre arbre généalogique par exemple peut être un voyage passionnant pour se relier de l’intérieur à nos ascendants. Pour réaliser ainsi d’où nous venons et rendre hommage à la force de résilience de ceux qui nous ont précédés et qu’ils nous ont léguée.

A ce propos, il faut reconnaître l’exploit de l’association CM98, Comité Marche 1998, qui a fait un gros travail pour aider aux recherches généalogiques de nos parents (voir le site Anchoukaj). L’idée de l’installation d’une antenne en Guadeloupe dans le but de mettre en place des ateliers de recherche généalogique sera certainement bientôt concrétisée pour un accès plus facile sur place. 

Des lieux de mémoire et des stèles dédiés à nos ancêtres déportés ont déjà commencé à voir le jour ici et là dans la Caraïbe et en France. Ces lieux de pèlerinage devraient inclure les nombreux sites ayant fait office de cimetières d’esclaves à l’époque ; en effet nombre de nos ancêtres réduits en esclavage gisent sans sépulture à divers endroits de notre île, souvent non loin des anciennes ‘habitations’. 

C’est donc une démarche plurielle, indispensable à l’équilibre psychique de toute une société qui a besoin de se rebâtir sur des bases et relations plus saines.

En fait, nous avons surtout besoin de reconnaissance et de respect de soi pour aller vers une reconstruction psychique. 

Pour cela il faut d’abord décoloniser nos esprits, oser déconstruire les schémas négatifs qui limitent notre perception du monde et de nous-mêmes. 

Pour enfin évoluer et faire évoluer le monde. 

Pour nous réconcilier avec nous-mêmes et avec les autres.

Comme disait le grand Mandela : ‘Voir petit ne sert pas le monde’’.

En somme un but essentiel pour tous : Sortir de l’aliénation, de l’auto-dénigrement pour aller vers plus de résilience et d’estime de soi.

Maryse Isimat-Mirin
Auteure, PsychorelaxologueAuteure de Lettre d’une future ancêtre à ses afrodescendants.
thebookedition.comFacebook et YouTube : An ke a jiwomon-là
Instagram : @mon.ancetre.africain
Maryse Isimat-Mirin,

Auteure, Psychorelaxologue

 

Auteure de Lettre d’une future ancêtre à ses afrodescendants. 

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