Partagez sur

Actualité en Guadeloupe, Martinique, Guyane et dans la Caraïbe !

France. Politique.  Jean Luc Mélenchon (LFI) :  Un poids ou une chance pour la gauche 

Jean Luc Mélenchon (LFI) : Un poids ou une chance pour la gauche ?

France. Politique. Jean Luc Mélenchon (LFI) : Un poids ou une chance pour la gauche ?

4/5

Paris Jeudi 17 octobre 2024. CCN. Cette question revient souvent dans le discours médiatique : « la France Insoumise ne plombe-t-elle pas la gauche ? ». Elle s’accompagne généralement de cette autre question : « Jean-Luc Mélenchon n’est-il pas un poids pour la gauche ? ». Le sous-entendu est clair. Au fond, la gauche avancerait mieux sans la FI et son imposant dirigeant. Ceux qui posent ces questions en présupposent déjà les réponses. Or, qui soulève ces questions ? Rarement le camp progressiste. Essayons toutefois de nous prêter au jeu et d’y répondre, non pas de façon superficielle, soit en acquiesçant machinalement, soit en les congédiant d’un revers de main, mais avec une certaine honnêteté, qui oblige à un minimum de développement.

L’analyse de Dimitri Lasserre


  1. Les perroquets de médias

 

Certes, dans la mesure où ceux qui interrogent la capacité de la FI à représenter correctement la gauche sont, pour l’écrasante majorité, des conservateurs ou des réactionnaires, on pourrait être tenté de ne même pas prêter attention à leurs tergiversations, et de les laisser entre eux entretenir des débats creux et vides de sens – puisque c’est cela qu’ils font le mieux. Mais là où la question est intéressante, ce n’est pas tant en elle-même que dans le fait qu’elle existe et soit répétée ad nauseam par les perroquets des médias de masse ainsi que par leurs relais, acteurs et spectateurs, sur les réseaux sociaux. Il se joue là quelque chose qui dépasse de loin les enjeux réduits et absurdes de cette question, et qui touche à ce que Gramsci appelle l’hégémonie culturelle.

 

Prenons la première question dans ce sens : « la gauche doit-elle, pour se constituer en force progressiste, répondre aux attentes de la droite ? » On pourrait voir ici un raccourci lapidaire, mais il n’en est rien. Cette impression de raccourci vient du fait tout à fait avéré que les progressistes qui soutiennent la FI sont acculés. Et alors la question se justifie d’elle-même. Le problème viendrait de la FI, et non du progressisme. Mais c’est là une illusion absolue. Les progressistes, dans l’histoire sociale, sont acculés. Ils le sont par définition. C’est presque, pour le dire de manière abusive, une loi de l’histoire. Cette loi, Marx et Engels l’appellent la lutte des classes. Si le camp progressiste était dominant sur le plan matériel, s’il était hégémonique sur le plan des idées, il n’y aurait aucun conservateur, ni aucun réactionnaire pour l’acculer en aucune façon que ce puisse être. Or, par définition, encore, les progressistes ne sont pas en situation de domination à l’intérieur de la lutte des classes. Ils veulent renverser la table, pas nourrir ses convives.

 

  1. La bourgeoisie impose sa ligne.

 

En fait, la question de la place de la FI à gauche réside dans la lutte pour l’hégémonie culturelle. Les marxistes les plus orthodoxes ont tendance à prendre leurs distances avec ce genre de problème. Pour eux, il se résout de lui-même : la bourgeoisie impose sa ligne idéologique, laquelle ne peut être subvertie autrement que par, en premier lieu, des luttes matérielles concrètes. Passez votre chemin, il n’y a rien à dire de plus. Mais Marx, dans sa Contribution à la critique de l’économie politique, rappelle que la superstructure idéologique n’est pas réductible à un effet mécanique de l’infrastructure économique, mais qu’elle contribue à maintenir et façonner cette infrastructure, en même temps qu’elle est façonnée et maintenue par elle. Et même s’il ne peut émerger de nouvelles formes idéologiques dominantes sans renversements matériels fondamentaux, on ne peut a priori supposer que le rôle des superstructures est négligeable. La critique de Gramsci vise à interroger ce rôle en ce qu’il consiste à asseoir une certaine hégémonie culturelle, laquelle est constitutive d’un certain rapport du sujet vis-à-vis de la conscience de classe ou, pour le dire autrement, constitutive d’une fausse conscience.


Un des principaux enjeux pour l’hégémonie culturelle est la capacité d’un camp politique à imposer ses questions au champ social. L’immigration n’est pas un problème tant qu’on ne considère pas qu’elle en est un. Si la classe dominante et ses représentants politiques acceptent le problème de l’immigration en tant que question crédible, alors ils contribuent à l’hégémonie culturelle de l’extrême droite. C’est d’autant plus vrai qu’il n’y a pas de problème de l’immigration à proprement parler, sauf à tenir pour vrais l’ensemble des fantasmes racistes des réactionnaires. Quand on se questionne sur la place de la FI à gauche, sur sa propension à la plomber ou non, on soulève indirectement une question normative : « la FI doit-elle conserver sa radicalité ou bien l’infléchir ? » Cela sous-entend que de cette inflexion pourraient s’ensuivre, ou non, des résultats positifs pour les progressistes. Renoncer à la radicalité et faire ce que la droite attendait d’eux afin de se rendre présentables, certains ont essayé. Cela a été notamment la stratégie de Fabien Roussel, secrétaire national du PCF. Les médias conservateurs et leurs relais n’ont eu de cesse de flatter son caractère présentable, sa modération, sa compatibilité-avec-les-valeurs-de-la-république. Stratégie gagnante ? Il faut croire que non. Fabien Roussel, lors des dernières élections législatives, a perdu dans une circonscription qui est un fief communiste depuis près de soixante-dix ans. Etonnamment, faire ce que les néolibéraux et les racistes attendent de nous ne fait pas gagner à gauche. Dans la même veine, une stratégie similaire a failli mener François Ruffin à la défaite, et a conduit à son ostracisation à gauche. Est-ce la faute de la France Insoumise ? C’est une manière de considérer le problème. Mais on peut aussi s’entendre sur le fait que, lorsqu’un député prend ses distances avec les valeurs progressistes afin de racoler certains électeurs réactionnaires, il s’éloigne de facto du combat de la gauche. Et il ne suffit pas de lui coller une étiquette rose pour qu’il serve concrètement, comme par enchantement, les intérêts de la gauche. Il ne s’agit là que de deux exemples, à partir desquels il n’est pas possible de tirer de conclusions générales. On peut toutefois émettre une hypothèse : accepter la question de la radicalité de la FI à gauche, c’est faire perdre la gauche. Si cette hypothèse est vraie, elle s’explique très simplement. Les conservateurs et les réactionnaires ne voteront jamais pour un candidat de gauche, même s’ils le jugent présentable. Pourquoi ? Parce que leurs intérêts matériels sont ailleurs.

  1. LFI est un mouvement violent

Ce qui compte, pour les adversaires de la gauche, c’est-à-dire pour la bourgeoisie, c’est de faire entrer la question de la radicalité de la gauche dans le champ des questions politiques pertinentes. Il s’ensuit une nécessité d’accoler aux radicaux réels une radicalité imaginaire dans le but de jeter l’opprobre sur les militants de gauche pour les écarter du pouvoir politique. Si on pose la question de savoir si la FI plombe ou non le combat de la gauche, c’est qu’on suppose par ailleurs qu’il y a des choses dans la FI qui sont susceptibles de plomber ce combat. Peu importe si ces choses correspondent de près ou de loin à des faits réels. Ce qui compte, c’est que le public le croie ; que la FI inspire tant la peur et le dégoût que l’électeur moyen, qui tient à sa bonne moralité, s’en écarte, quand bien même cela serait radicalement contraire à ses intérêts matériels. Ici il convient bien de parler de fausse conscience. Ainsi, si on en croit les médias de masse et leurs fidèles adeptes, la France Insoumise est un mouvement violent, passablement tyranique et éminemment antisémite. Rien que ça. A côté, les néonazis et racistes concrets du rassemblement national passent pour des anges. Serge Halimi a publié, dans le Monde diplomatique, un article qui montre de manière convaincante à quel point ces procès en antisémitisme sont fallacieux et diffamatoires. Mais qu’importe. Ce qui compte, c’est que le public y croie. La calomnie et le mensonge sont permis. Un bourgeois, au service d’un parti politique dont la fonction unique est de servir la bourgeoisie, peut se permettre tous les mensonges et toutes les calomnies sans risquer jamais aucune représaille, sans avoir à rendre aucun compte. La raison en est simple : ce bourgeois appartient à la classe dominante, et sa domination n’est pas formelle, elle est réelle. C’est la domination de la bourgeoisie qui est en jeu dans les mensonges de la bourgeoisie. Pour reprendre les mots de Marx, la bourgeoisie façonne une conscience inversée du monde parce qu’elle domine les rapports productifs concrets. C’est parce qu’elle est dominante dans la sphère matérielle qu’elle peut façonner la sphère intellectuelle. La classe bourgeoise n’est tenue par aucune forme d’impératif de vérité. Au contraire, elle ment nécessairement. Tous les bourgeois sont des menteurs structurels.

Jean Luc Mélenchon (LFI) : Un poids ou une chance pour la gauche ?
HANOUNA

 

  1. Le discours des médias mainstream

Non seulement dire que la France Insoumise plombe la gauche est une mystification, mais poser la question de savoir si c’est le cas ou non est déjà une mystification. Une mystification de la bourgeoisie. Pensez-vous un seul instant que Gilles Bouleau, Apolline de Malherbe, Cyril Hanouna, Anne-Sophie Lapix, Pascal Praud ou Léa Salamé en ont quelque chose à faire de la gauche, de ses valeurs, de ses combats, et qu’ils seraient prêts à combattre la bourgeoisie si les militants ou représentants politiques de gauche étaient un peu moins virulents ? Ces valets de la bourgeoisie, parfois bourgeois eux-mêmes, voient en la gauche leur ennemi juré, le danger qui les guette, la force politique qui menace leurs intérêts. En cela, ils n’ont pas tort. Ce sont eux, pourtant, qui voudraient d’une gauche plus présentable, moins radicale, moins violente, etc. En disant cela, ils affirment que la gauche n’est pas présentable, qu’elle est trop radicale et trop violente. C’est là que tout se joue ; non pas dans la question, mais dans ce qu’elle suppose. Et ce que suppose cette question n’est rien rien sinon un lot de préjugés bourgeois, comme une affirmation de l’hégémonie bourgeoise. Il n’y a pas de solution nécessaire à ce problème. Refuser la question, partout où elle est posée, est un début. La refuser, non pas parce qu’elle est idiote, mais pour ce qu’elle présuppose.

  1. Bernard Cazeneuve: un dinosaure neoliberal.

On trouve un exemple récent de ce genre de problème dans la nomination de Michel Barnier au poste de premier ministre. Combien de voix a-t-on entendu expliquer que, si la FI s’était montrée plus conciliante, si la gauche avait été plus raisonnable, le président Macron aurait nommé un premier ministre de gauche en la personne de Bernard Cazeneuve ? Sans mentir, c’est une histoire que j’entends fréquemment. Mais je ne l’entends pas n’importe où. C’est une histoire qui se répète partout où vivent en bonne intelligence des communautés de conservateurs et de réactionnaires. C’est aussi le discours des médias de masse, ainsi que celui des militants politiques de droite et d’extrême droite sur les réseaux sociaux. Etrangement, on n’entend pas un militant de gauche défendre ce genre de discours. Et pour cause, à gauche, personne ne veut de Bernard Cazeneuve comme premier ministre. Pourquoi ? Parce que Bernard Cazeneuve a déjà montré qu’il était tout sauf un homme de gauche qui défend des politiques de gauche. Le narratif qui consiste à justifier la nomination de Barnier à la place de Cazeneuve au poste de premier ministre par la radicalité de la FI ne prend que chez les conservateurs. Aucun militant progressiste, absolument aucun, n’aurait jamais plébiscité un dinosaure néolibéral tel que Cazeneuve. Bernard Cazeneuve n’a jamais été un candidat pressenti au poste de premier ministre à gauche. Il a été le candidat pressenti par la droite pour être premier ministre, et désigné comme homme de gauche par cette même droite. Tout le reste n’est que balivernes. Si le président de la république avait voulu nommer un premier ministre de gauche, il avait tout loisir et tout pouvoir de le faire. Or il a fait précisément le contraire. La France Insoumise n’a rien à voir dans les décisions de ce chef d’Etat isolé, qui a décidé de s’asseoir sur les résultats d’élections qu’il a lui-même déclenchées contre l’avis de tous. Le président a décidé de ne pas respecter les urnes. Qu’y peut la FI ? Qui peut croire que c’est à cause de la FI ?

Jean Luc Mélenchon (LFI) : Un poids ou une chance pour la gauche ?
MICHEL BARNIER

 

  1. Marine Le Pen, pourrait être de “gauche” ?

Une objection peut néanmoins venir. Certains diront que c’est à gauche que se pose la question de la radicalité de la FI, et pas seulement à droite. Mais de quelle gauche parle-t-on ? Celle d’Enthoven et de Fourest ? Du Printemps Républicain ? Mieux, celle de Naulleau et d’Hanouna ? La « vraie gauche », comme on l’entend ici ou là ? Cette « vraie gauche », la « gauche à l’ancienne », qui peste contre les minorités, lutte contre le féminisme, qui fait de l’immigration un problème majeur, de la sécurité un autre, qui n’a aucune peine à tenir pour légitime l’agenda politique du rassemblement national, qui diabolise toute action militante progressiste parce que jugée trop violente (« vous condamnez les violences, hein ? Vous les condamnez ? ») ; cette vraie gauche, à y regarder de près, penche très à droite. Curieusement, on peine à trouver, dans les cercles militants, quiconque qui se reconnaisse dans cette « vraie gauche ». Enthoven, Fourest, Naulleau et tous les autres imaginent qu’être de gauche relève d’une opération auto déclarative. S’il en était ainsi, même Marine Le Pen pourrait être de gauche : il suffirait qu’elle le dise ! Ces gens-là n’ont rien à voir avec les combats progressistes. De fait, ce sont, au mieux des conservateurs, au pire, quand ils déroulent le tapis rouge au candidat Zemmour, des réactionnaires au service de politiques néolibérales et racistes. Et oui, cette pseudo-gauche de droite et d’extrême droite pose la question de la radicalité de la FI, et de sa propension à plomber le camp progressiste. Sauf que, à gauche, personne ne reconnaît à ces militants la moindre légitimité.

Jean Luc Mélenchon (LFI) : Un poids ou une chance pour la gauche ?
MARINE LEPEN
  1. La FI,  un parti trop radical

On peut conclure, à partir de ces modestes réflexions, quelque chose au sujet de l’hégémonie culturelle telle qu’elle se manifeste actuellement. Les conservateurs et réactionnaires considèrent à n’en pas douter que la FI est un parti trop radical. Selon eux, il s’agit même de « l’extrême gauche ». Pourtant, à y regarder de près, le programme économique et social de la France Insoumise n’a rien de véritablement « extrémiste ». La révolution, la nationalisation des banques et des entreprises, la mise en commun des moyens de production, l’abolition du capitalisme, ne sont pas du tout inscrits dans son programme. Ce qui s’y trouve, ce sont plutôt des mesures keynésiennes de redistribution et de justice sociale, de lutte et de sensibilisation contre le racisme, l’antisémitisme, les violences faites aux femmes. Pas grande-chose à voir avec « l’extrême gauche ». Il faut dire que le capital s’est tellement radicalisé à droite qu’il considère qu’une augmentation du salaire minimum de 15% et un retour à l’âge de départ à la retraite à 62 ans, c’est carrément Staline. Ces libéraux autoritaires et leurs alliés fascistes sont devenus les caricatures d’eux-mêmes. Devenus ? Ont-ils jamais été autre chose ? Une dernière conclusion est possible. Pour les capitalistes, il est moins acceptable d’augmenter les salaires, et donc de renoncer à une partie de leurs profits, déjà colossaux, que de faire travailler des gens jusqu’à la maladie ou la mort, et de mettre en place des lois qui punissent les gens de ne pas être blancs. Les patrons du MEDEF, les députés centristes, de droite et d’extrême droite, ont beaucoup plus de sympathie pour le racisme que pour la justice sociale. Entre les deux, ils choisiront toujours le premier.

Dimitri Lasserre

Jean Luc Mélenchon (LFI) : Un poids ou une chance pour la gauche ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ccnfirst.COM

Bienvenue sur le portail

Actualité, Événements,
Bons plans des Îles du Sud
Les acteurs du développement
de la Guadeloupe de demain.
Le festival de la
bande-dessinée et du manga .
Portail Caribéen
Média et Com
   
Vérifié par MonsterInsights