Guadeloupe. Colloque. Le carnaval peut-il créer des emplois ?
Abymes. Lundi 6 février 2023. CCN. Du 23 au 24 janvier 2023 s’est tenu un colloque sur le thème du carnaval en Guadeloupe et dans la Caraïbe”. L’occasion de rassembler différents chercheurs en gestion, en économie ou provenant des Industries Culturelles et Créatives (ICC), ce colloque avait pour objectif de mettre en avant les recherches menées sur notre carnaval ces dernières années, car celui-ci pourrait réellement devenir un vecteur principal de l’économie guadeloupéenne sur le long terme.
Durant ces deux journées de travail, d’échanges d’idées et de connaissances sur le sujet, les chercheurs présents ont pu mettre en avant les enjeux culturels, sociaux, environnementaux et économiques du carnaval.
Jo-Anne Tull, chercheuse au département de recherche sur les arts créatifs à l’université des West Indies de Trinidad a soulevé les spécificités du carnaval de Trinidad devenu une réelle ressource économique pour l’île. En effet, le mode de fonctionnement de ce carnaval fait appel à plusieurs grandes industries telles que l’industrie du transport de fret, l’ingénierie et le sponsoring. C’est grâce à ces trois grands axes que se sont développés les systèmes de camions carnavalesques où musiciens, danseurs, stands de nourritures et autres activités d’animation sont devenus les références du carnaval trinidadien. De plus, ce type de système permet de créer de l’emploi stable pour des milliers de trinidadiens qui peuvent à présent vivre du carnaval même en dehors de la période carnavalesque.
Le carnaval guadeloupéen pour l’heure ne bénéficie pas encore de cette opportunité économique à cette échelle bien qu’il permette de générer des revenus non négligeables dans le secteur du service.
En effet, l’engouement que crée le carnaval guadeloupéen participe à l’économie des services dans les domaines de l’hébergement (hôtels, clubs de vacances…), du transport (location de voiture, VTC..), du voyage (avions et croisières) , de la restauration, du commerce mais aussi de la communication (présence sur les réseaux sociaux et recherches Google) selon Deborah Allam Firley, docteure en science de gestion.
En ce sens, les arrivées touristiques massives durant la période carnavalesque sont extrêmement profitables à l’économie du pays en sachant que 62,8% de celle-ci est basée sur le service. C’est également dans cette même optique qu’il devient urgent de pouvoir mesurer l’impact réel qu’à le carnaval en Guadeloupe afin de mieux organiser les ressources qui sont mises à disposition et les rendre profitable à la création d’emplois stables, et ce, même en dehors de la période carnavalesque.
En 2011, ce type de colloque avait déjà eu lieu et a permis la création d’un ouvrage de recherche intitulé « Le Carnaval et la folie imaginaire des peuples » écrit par Joël Rabotteur, ancien président de l’Office du Carnaval de Guadeloupe. Cet ouvrage était déjà une première approche mettant en avant les spécificités de notre carnaval mais aussi analysant les retombées sociales, historiques et économiques de celui-ci.
Cette année, l’objectif était d’approfondir les recherches déjà entamées afin de produire, dans un second temps, un ouvrage de recherche plus complet et ainsi pouvoir recréer une organisation au bénéfice de l’économie guadeloupéenne sur le long terme.
Cependant, la chercheuse Jo-Anne Tull ainsi que d’autres chercheurs présents ont soulevé l’une des problématiques majeures freinant la progression de cette réorganisation : un manque de cohésion entre les données collectées par les chercheurs et les acteurs du développement du carnaval guadeloupéen. En effet, le docteur Tull a expliqué que les statisticiens ne s’intéressent que très peu au carnaval car la dimension superficielle de celui-ci (performance, paillettes, beauté…) seraient trop mis en avant, éludant ainsi la dimension économique inhérente à celui-ci. Du côté des acteurs du carnaval, ces derniers n’auraient pas les ressources nécessaires pour collecter efficacement les données ou les interpréter en faveur d’un nouveau développement économique. C’est en ce sens qu’une cohésion entre la recherche et les acteurs du carnaval s’avére indispensable.
Néanmoins, une nouvelle organisation est déjà en cours depuis quelques années à travers la création de l’Office du carnaval de Guadeloupe. Celui-ci rassemble ainsi toutes les fédérations, les comités et les 130 groupes de carnaval du territoire dans le but de créer une réelle cohésion en termes d’organisation des circuits carnavalesque, plannings des « déboulés » mais aussi en termes de sécurité au sein et en dehors des groupes.
La dimension environnementale a également commencer à prendre forme car aujourd’hui il existe beaucoup de groupes qui choisissent d’utiliser des matériaux de récupération pour les déguisements ou encore les fouets afin de diminuer l’utilisation de tissus qui, bien souvent, ne sont portés qu’une fois.
Enfin, en terme de communication, le carnaval de Guadeloupe bénéficie beaucoup de l’univers de l’image et du cinéma qui lui permettent une visibilité à l’échelle mondiale. D’après le cinéaste Tony Coco-Viloin, 65% des français viennent en Guadeloupe après avoir vu des images du Carnaval. . Le monde des médias et du cinéma constitue donc un moteur d’activité non négligeable pour le tourisme, participant ainsi d’autant plus à la création d’emploi dans le domaine tertiaire.
En définitive, l’objectif de ce colloque n’est pas de recréer l’écosystème carnavalesque trinidadien en Guadeloupe, mais bien d’analyser les opportunités économiques et sociales que peut avoir le carnaval sur notre territoire. En ce sens, une réorganisation des ressources grâce à un travail de recherche poussé mais aussi une cohésion entre la collecte des données et leur utilisation pourraient, sur le long terme, permettre à la Guadeloupe de s’appuyer sur les ressources économiques du carnaval tout au long de l’année.
N’Juana Flandrina
