Guadeloupe. Enquête. Comment une jeune femme percevant le RSA a réussi à surmonter toutes les galères
Sainte Rose. Mercredi 10 avril 2024. CCN. Après Lyanna, la semaine dernière, c’est au tour de Sabine. Elle a tout juste 38 ans. Elle a beaucoup galéré car à 18 ans, enceinte d’un gars qui l’a aussitôt abandonné. Pour autant, elle ne s’est pas découragée. En dépit de la faiblesse d’accompagnement des organismes sociaux de l’époque, Sabine ne lâche rien. Elle se bat seule avec son gamin. Aujourd’hui, elle a enfin un emploi convenable. Elle a raconté sans aucun voile à CCN son parcours. C’est la preuve qu’il y a des jeunes qui peuvent se donner les moyens de leur propre réussite.
CCN. Vous avez été bénéficiaire du RSA depuis quelle époque ?
Sabine. C’était en 2003… j’avais 18 ans, j’étais en terminale, mais j’ai été obligée de quitter le lycée, car je me suis retrouvée enceinte. Entre ma grossesse et mon accouchement, ce n’était pas la joie avec ma mère.
CCN. Cela a-t-il été compliqué pour vous ?
Sabine. Ben oui, je faisais avec les moyens du bord…
CCN. C’est-à- dire ?
Sabine. Il me fallait trouver des petits boulots à droite, à gauche… dans la restauration, m’occuper de personnes âgées… des jobs au noir car à l’époque, la CAF ne me versait que 580 euros, ce qui était très insuffisant pour mon bébé et moi. Au total, j’atteignais à peine 900 euros par mois.
CCN. Vous viviez chez votre mère ?
Sabine. Pas du tout. J’étais chez mes beaux-parents ? mais ça n’a pas duré longtemps. J’ai dû partir car ça avait commencé à ne plus le faire avec le père de mon enfant. Donc je suis revenu chez ma mère.
CCN. Cet enfant c’était un « accident » ou une décision mûrement réfléchie ?
Sabine. On va dire que c’était les 2 à la fois, un “accident” que j’assume.
CCN. A quel moment décidez-vous de vous inscrire au RSA
Sabine. En fait, l’inscription s’est faite au moment où j’ai déclaré ma grossesse ; je deviens donc allocataire à la CAF, je perçois le RSA et je reçois aussi la prime de naissance d’un montant autant que je me souvienne d’environ 700 ou 800 euros.
CCN : Moins de 1000 euros par mois pour votre enfant et vous, c’est très peu ?
Sabine. Je vous assure c’était très stressant, très difficile, car ma priorité c’était l’enfant. De plus, j’avais des charges à payer comme ma voiture, l’essence…
CCN. Le père de l’enfant vous aidait-il financièrement
Sabine : Pas du tout, il n’avait peut-être pas les moyens, mais il n’avait pas surtout pas la volonté de m’aider.
CCN. Que vous propose-t-on comme accompagnement durant votre période au RSA pour vous aider à sortir de cette situation misérable ?
Sabine. Très sincèrement, pratiquement rien, contrairement à ce qui se passe maintenant. Je n’ai pas eu de véritable accompagnement. Je galérais avec ces petits jobs au noir dont je vous ai parlé.
CCN. Aviez-vous quand même un projet professionnel ?
Sabine. Pour tout vous dire, je voulais bosser dans l’hôtellerie ou dans les métiers de bouche. Mais, j’ai dû prendre une autre voie, celle du secrétariat, de la compta, car dès la seconde au lycée, je m’étais retrouvé dans cette branche. J’ai eu mon BEP compta. J’ai donc décidé de suivre une formation en complément et pour ce faire, j’ai quitté la Guadeloupe et je suis partie en France. J’y suis restée 4 mois avant de revenir. Mais cela dit, si j’avais pu trouver un bon plan au niveau du travail je serais restée là-bas.
CCN. Comment cela s’est-il passé votre voyage pour votre hébergement ?
Sabine. A l’époque il y avait un organisme un peu comme Ladom qui a payé mon billet aller-retour, qui a pu me trouver un hébergement, où j’étais en coloc, dans un petit studio ; mais j’ai eu de la chance, car étant à proximité de mon lieu de formation, j’y allais à pied. J’étais bénéficiaire d’une somme de 750 euros par mois, ce qui me permettait de payer mon loyer.
CCN. A votre retour, vous êtes de nouveau bénéficiaire du RSA ?
Sabine. En fait depuis la France, mon dossier a été basculé et mes droits ont continué. Arrivée en Guadeloupe, le Pôle emploi ne fait pas grand-chose, aucune convocation ; rien… qui puisse me permettre de progresser. Alors je me prends en main, je postule un peu partout… mais malgré ma formation, les réponses sont toutes négatives
CCN. Aucune porte ne s’ouvre pour vous ?
Sabine. Je vous assure M. Zandwonis, ça devient décourageant, on a l’impression qu’on n’est pratiquement rien… quand vous avez enfin, un entretien, on vous explique que comme vous n’avez pas d’expérience professionnelle et donc on ne peut donc pas vous employer. Comme je vous l’ai dit, je suis revenue en 2006. Figurez-vous que jusqu’en 2018, je suis restée dans cette galère. Pour survivre, j’étais obligée de « djober » et me contenter de promesses, mais qui ne débouchent sur rien de concret. Certains chefs d’entreprises vous font miroiter des contrats qui n’aboutissent jamais. J’étais totalement découragée, au point que j’ai même un instant voulu créer mon entreprise, un projet avec le pôle emploi… car j’avais vraiment assez de servir de “bouche trou”. J’ai de nouveau accepté de me former pendant un an. Enfin, il y a eu cette opportunité d’être recrutée par une collectivité. J’y suis en CDD depuis un peu plus de 2 ans suite à une formation digitale.
CCN. Que diriez-vous à une jeune bénéficiaire du RSA qui comme vous a un bébé et semble n’avoir aucune perspective ?
Sabine. Ce qui ’est qui est important, c’est que cette jeune ne brise pas ses rêves; elle ne devrait pas avoir peur de parler ! Avoir un enfant n’est pas un handicap !