Baie-Mahault. Jeudi 23 juin 2022. CCN. Le photographe nous présente une exposition intitulée de Basse-Terre à Kiev : Street Art et émotions”. C’est une histoire photographique qui fait référence aux origines de Michel Gogny-Goubert né d’une mère guadeloupéenne et d’un père ukrainien. Cette exposition est un véritable regard croisé sur deux territoires en noir et blanc ou en couleurs. C’est une cartographie de l’art urbain à travers des pans de murs, des portes, des fenêtres, des gouttières toutes décrépies qu’expriment les artistes du street-art de la guadeloupe et de l’Ukraine, avec des clichés qui cherchent à interpeller. Rencontre avec l’artiste.
CCN : Qui êtes-vous Michel Gogny-Goubert ?
Michel Gogny-Goubert : Je suis en Guadeloupe depuis plus de 40 ans. Ma mère est une guadeloupéenne et mon père un ukrainien. Ce qui explique que j’ai fait le melting pot entre l’Ukraine et la Guadeloupe avec cette exposition sur le street-art. J’ai été vétérinaire pendant 45 ans dont 40 en Guadeloupe. Quand j’ai pris ma retraite, je me suis dit que je ne voulais pas veillir idiot, donc je me suis remis à mon premier métier : la phographie, que j’avais pratiqué entre 15 et 22 ans pour me payer mes études. Depuis que je suis à la retraite il y a 8 année de cela, je fais de la photo, de la photo et de la photo.
CCN : Quelle est l’influence de votre épouse sur votre travail artistique?
MiGG : Mon épouse est artisan peintre, elle passe des jours, des semaines, voire des mois pour réaliser un petit tableau. Tout est fait à l’ancienne, comme au XVIIème, XVIIIème et XIXème siècles. Elle a exposé à deux reprises à la médiathèque de Baie-Mahault tout comme moi maintenant. Ma femme est ma muse, elle m’inspire beaucoup, elle m’enrichit, elle m’ouvre des portes.
CCN : Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de faire de la photographie?
MiGG : Dans la photographie il y a à la fois la technique et l’accès à l’émotion. Je suis d’abord un technicien, j’aime la chimie et la physique. Il y a la technique scientifique et en même temps une ouverture sur la poésie sur le ressentie. C’est ce qui m’a fait venir à la photographie.
CCN : votre façon de travailler ?
MiGG : Je me balade dans des endroits improbables et je regarde tout en détail, des coins de mur, des serrures, des boîtes aux lettres. Je cherche un sens, une harmonie, des objets qui se mettent en valeur les uns des autres et l’ensemble prend tout d’un coup une signification. Je regarde des choses que les gens ne regardent pas et j’y trouve beaucoup de beauté. J’ai toujours considéré que dans ce que l’on croit être décatie, vieux pourris, il y a de la beauté. Il suffit d’ouvrir les yeux et d’être réceptif et surtout ne pas juger.
CCN : Votre intérêt pour la poésie?
MiGG : Je suis un “poégraphe”. J’ai inventé ce mot en associant photographie et poésie. Car mon objectif premier est de faire de la poésie par l’image. C’est-à-dire de provoquer des émotions, des réflexions des déstabilisations avec un côté esthétique et flatteur doux pour l’âme. Je veux donner du plaisir, j’essaie de déconcerter, de faire ce qui n’est pas fait de façon poétique. Je suis émue quand je vois des choses qui semblent bizarres, qui m’interpellent et qui sont harmonieuses à mes yeux de photographe et encore une fois qui ne sont pas regardés par le commun des mortels. Finalement, je photographie des choses moches qui deviennent belles.
CCN : Un regard croisé entre le street art en Guadeloupe et en Ukraine?
MiGG : Le street art en Guadeloupe est absolument magnifique, il est du niveau mondial. Il est reconnu comme un des plus beaux, des plus créatifs et l’un des plus séduisants, depuis que Dan Groover est arrivé dans les années quatre-vingt et a commencé à faire des graffs. Il a été poursuivi par la police comme de nombreux artistes urbains de son époque. Son matériel était systématiquement confisqué. Il a été suivi par beaucoup d’artistes de très haut niveau. Et maintenant ce graffeur est reconnu au niveau international et le graff n’est plus considéré comme un délit en Guadeloupe. Alors qu’en Ukraine les graffeurs sont moins nombreux qu’en Guadeloupe et existent depuis moins longtemps. De plus, il y une répression qui existe depuis l’ère soviétique. Les artistes qui osaient tagger les murs se retrouvaient en prison ou en Sibérie. A la libération de l’Ukraine, il y a trente un an, les artistes se sont jetés sur les murs de leur ville pour exprimer leur désir de liberté. Mais aussi, de communiquer avec l’extérieur en faisant des graffitis. Ça n’a pas du tout la valeur artistique du graff de la Guadeloupe. C’est une expression artistique ou j’ai quand même trouvé de la beauté. C’est pour cela que j’ai photographié ces graffs.
CCN : Comment déterminez-vous les lieux à photographier?
MiGG : A part mon île que je sillonne depuis plus de dix ans en faisant des photos, je vais toujours dans des pays étrangers peu touristiques voire même dérangeants. Par exemple en Ukraine, il n’y a pas de touristes. Par ailleurs, j’ai une passion pour le Japon, c’est le pays des arts avec la France et l’Italie. L’art japonais est considéré comme dérangeant et ça j’adore!
CCN : Quel matériel pour votre travail?
MiGG : Je suis un perfectionniste et complètement obsessionnel dans la qualité du matériel utilisé. Je travaille qu’avec du matériel Leica qui est la Rolls des appareils photographiques. Ensuite, j’utilise l’application Photoshop pour développer mes photos. Pour finir, j’imprime sur des papiers de qualité musée et j’ai obtenu le label mondial digigraphie, qui est reconnu mondialement. Il y a entre huit et dix mille photographes qui l’ont obtenu dans le monde. Chaque tirage réalisé est une création originale numérotée et signée. Les galeries peuvent ainsi vendre une œuvre unique en édition limitée.
L’exposition est présente à la médiathèque Paul Mado à Baie-Mahault jusqu’au 25
Site internet : https://gogny-goubert-artphoto.com/
Email : michel.gogny@orange.fr
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