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Guadeloupe. Le retour au pays, un défi nécessaire !

Guadeloupe. Le retour au pays, un défi nécessaire

Guadeloupe. Le retour au pays, un défi nécessaire

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Pointe-à-Pitre. Mardi 1 octobre 2024. CCN. Le retour au pays est une réalité de plus en plus discutée par nos compatriotes. De nombreux Guadeloupéens ont dû quitter leur île pour rejoindre la France, que ce soit pour poursuivre des études, travailler ou être proches de leur famille.

1/ Vais-je trouver un travail ? Serais-je correctement rènimèrè ? Où vais-je habiter ? etc… etc…

Selon les données récentes de l’Observatoire des « Outre-mer », plus de 40 000 étudiants poursuivent actuellement leurs études en France. Ce chiffre montre l’ampleur du phénomène de mobilité, notamment chez les jeunes, qui voient peu d’opportunités de formation en Guadeloupe, les poussant à s’exiler pour acquérir des compétences professionnelles.

Là-bas, plus ou moins rapidement, mais toujours, se pose la question du retour.

Le pays, ses mœurs et traditions, le lien familial ou le mal du pays finissent par conduire le Guadeloupéen ou la Guadeloupéenne exilé(e) à envisager une démarche de retour au pays.

Et c’est là que commence le questionnement : Vais-je retrouver un travail ? Serai-je correctement rémunéré(e) ? Où vais-je habiter ? Et les enfants ? Qui pour m’aider dans mes démarches ? Comment vais-je faire pour payer tout cela ?

Au-delà du choc culturel et du sentiment d’isolement, les difficultés économiques et structurelles du territoire se font sentir dès l’arrivée. Le marché de l’emploi est particulièrement tendu : le taux de chômage en Guadeloupe est d’environ 17% en 2023, soit plus du double de celui de la France ce qui rend l’insertion professionnelle d’autant plus difficile pour les « Retours au Pays » (RAP)

C’est autour du dernier repas en famille chez mamie ou papi, autour du sorbet au coco et du ti punch, que le cœur serré, la discussion s’entame sur le retour. *Ki tan ou ka retouné o péyi* ? L’échange démarre souvent sur les clichés tenaces entre la Guadeloupe et la France : « je veux bien rentrer mais il n’y a pas de travail ici pour moi » ou « la vie est chère ici » alors que les conditions de vie seraient meilleures de ce point de vue en France,

La majorité des Guadeloupéens qui ont quitté l’archipel l’ont fait pour améliorer leur situation professionnelle, soit par le biais de la formation, soit pour une recherche d’emploi. En effet, s’il est acquis que le voyage forme la jeunesse, cette expression est particulièrement vraie pour nous, insulaires et habitants des territoires dits « d’outre-mer. » Conduits vers des formations universitaires toujours plus longues (et déconnectées des besoins du territoire, mais nous y reviendrons), les jeunes de notre pays Guadeloupe sont vite limités par l’offre (pourtant de qualité) de notre université ou des centres de formation locaux.

La réputation de la formation joue aussi beaucoup : alors que l’UA a fait son entrée dans le classement des universités de Shanghai en 2023, les diplômes universitaires des Antilles ont souvent eu, à tort, mauvaise réputation, les familles préférant se sacrifier et envoyer leurs rejetons à pétaouchnoc plutôt qu’à Fouillole, pensant mieux garantir leurs chances d’insertion

2/ Le dechoukaj que vivent nos frères et sœurs est violent

Mais l’insertion n’est pas que professionnelle, elle est aussi sociale et culturelle. Le *déchoukaj* que vivent nos frères et sœurs guadeloupéens est d’une violence inouïe, entre les différences profondes qui peuvent exister entre nos cultures et modes de vie.

Tant et si bien qu’une fois accommodé, le Guadeloupéen exilé, bien que se sentant incomplet, se complaît dans un métro-boulot-dodo comptant certains avantages, il est vrai, acquis dans les métropoles : un service de transport public bien organisé, un service public globalement plus rigoureux ou une plus grande simplicité pour avoir accès aux cultures du monde, par des voyages à bas coût et un accès simplifié à l’offre culturelle mondiale à travers concerts, expositions, musées et autres biens de consommation culturelle vulgarisés à Paris et dans les autres métropoles françaises sont un gage d’un épanouissement individuel et manquent cruellement chez nous.

De retour au pays, l’isolement du territoire se fait tout de suite sentir sur tous ces aspects.

3/ L’insertion sociale et les défis de l’entrepreneuriat

Le plus grand défi d’un candidat au retour au pays, un RAP comme on l’appelle chez nous, c’est bien de s’insérer professionnellement. La Guadeloupe étant un territoire rural, avec une économie loin d’être celle d’une grande ville, le tissu économique y est très largement composé de TPE, comptant peu de salariés. Cela a pour impact direct de ne pas offrir un grand nombre de postes de cadres, et peu sur les fonctions supports (RH, Finances, Compta…) qui sont le plus souvent externalisées en cabinet.

La taille humaine des entreprises a aussi pour conséquence que le chef d’entreprise guadeloupéen est beaucoup plus attentif au recrutement qu’il ne le serait dans une très grande entreprise. 

Forcément, dans une boîte où il y a 2 ou 3 salariés, on est plus regardant sur le recrutement, qui va impacter fortement la masse salariale, le management, le résultat de l’entreprise et la survie du projet du chef d’entreprise. Ainsi, les patrons guadeloupéens recrutent plus dans leur réseau, ce qui va créer un marché de l’emploi parallèle et qui donnera l’impression qu’il n’y a pas de travail, puisque les réseaux principaux ne communiquent pas toute l’offre d’emploi sur le territoire.

Le sentiment que tout fonctionne par « filon » n’est finalement que la conséquence d’un manque de confiance des Guadeloupéens dans leurs institutions, ici celles qui mènent les politiques de l’emploi, pour trouver leurs futurs collaborateurs. Heureusement, les générations Y et suivantes l’ont bien compris et développent massivement leurs réseaux, en participant aux *afterworks*, ou en réseautant sur les réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn.

4/ Des étrangers qui reprennent les activités

Par ailleurs, la Guadeloupe est une terre d’entrepreneurs : il y a beaucoup d’activités sur le territoire qui se portent bien, mais qui sont portées par un artisan ou un commerçant, qui n’a pas eu nécessairement besoin de développer son activité au-delà ; arrivé à la retraite, faute de repreneur, il ferme, ce qui masque la visibilité pour les jeunes ou les RAP sur les opportunités professionnelles que le territoire peut offrir, alors qu’elles existent bel et bien. Conséquence, ce sont des étrangers qui reprennent les activités, surtout si les enfants sont partis à l’étranger pour étudier autre chose que ce que les parents gérants de ces activités produisaient. La notion d’empire familial est encore marginale sur notre territoire, alors qu’elle gagnerait à se répandre comme cela peut exister ailleurs, pour transformer de petites affaires familiales en multinationales guadeloupéennes.

Autre difficulté rencontrée, c’est la capacité du RAP à répondre aux besoins du marché de l’emploi guadeloupéen. En effet, dans le parcours d’orientation du jeune lycéen, l’établissement ne lui propose pas, et ce n’est pas forcément son rôle, de vision du marché du travail de l’archipel. Ainsi, il va faire son projet de formation professionnelle en lien avec ses désidératas, ses capacités scolaires, et dans la plupart des cas sans jamais observer l’évolution de l’économie guadeloupéenne comme une opportunité pour développer son projet. La conséquence directe est de trouver de nombreux RAP qui sont bardés de diplômes, parfois jusqu’au Master, sans pour autant trouver chaussure à leur pied ici, faute de disposer de formations qui répondent aux besoins du territoire.

5/ le logement : un autre défi de taille

Le logement est aussi de plus en plus une difficulté que rencontrent les Guadeloupéens de retour, car pour beaucoup, quand ils ont quitté le nid, ils étaient chez leurs parents, et en revenant 10 ans plus tard, ils ont eux-mêmes une famille et ont développé une certaine autonomie qui ne leur permet pas de revenir chez leurs parents pour une durée trop longue. La problématique de l’indivision, la tension sur le logement social et la hausse des contraintes fixées par les banques locales pour l’accession à l’immobilier sont autant de contraintes qui viennent s’ajouter au parcours du combattant souhaitant rentrer chez lui.

Alé Vini, Guadeloupe : association du retour au pays

6/ En Guadeloupe tout reste à faire

Les coûts du déménagement peuvent aussi rendre le projet complexe, car revenir après 10 ans ou moins peut être une contrainte quand on a accumulé du patrimoine, du mobilier, un véhicule ou un logement. Il s’agit de bien l’anticiper quand on veut rentrer, car le fret peut coûter très cher.

En face, on ne manque pas d’arguments : « la Guadeloupe sé tan nou ! » 

La Guadeloupe reste un territoire d’opportunités malgré les défis qu’elle présente. Les outils statistiques et les programmes d’accompagnement que nous tentons de mettre en place avec institutions publiques ( Cadres d’avenir, Passeport Mobilité Retour) offrent des pistes pour une meilleure insertion des RAP dans l’économie locale. La clé réside dans l’anticipation, la formation et la capacité à transformer ces difficultés en tremplin pour bâtir une carrière ou un projet entrepreneurial en phase avec les besoins de l’île. Les générations futures ont un rôle très important à jouer dans le développement d’une Guadeloupe plus dynamique et attractive pour ceux qui souhaitent y revenir

De plus, tout reste à faire. La Guadeloupe est un pays en développement dans un pays développé. Quand un Guadeloupéen expatrié se dit qu’il manque ceci ou cela en Guadeloupe, il faut transformer notre mentalité et fonctionner un peu comme le colon conquérant : s’il manque ceci ou cela, créons-le !

Yann CERANTON

Président de Alé Vini Guadeloupe

Débat Retour au Pays sur ZCL

1 réflexion sur “Guadeloupe. Le retour au pays, un défi nécessaire !”

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