Guadeloupe. Médias. Hommage : Pourquoi 2023 aura été une mauvaise année pour le journalisme guadeloupéen ?
Pointe-à-Pitre. Mardi 3 janvier 2021. CCN. Afin que nul n’oublie ou n’ignore, il convient de rappeler que l’année qui vient de se terminer aura été terrible pour des confrères qu’on n’entendra plus jamais en live. C’est vrai que 2023 a connu la disparition de confrères qui ont tous apporté leur contribution à ce journalisme guadeloupéen qui n’a pas été à son meilleur niveau.
En réalité, les mauvaises nouvelles ont commencé le 19 octobre 2022 lorsque le monde de la télévision et des médias en général apprenait la soudaine et brutale disparition de Mario Moradel qui fut jusqu’à son dernier souffle, l’inspirateur, l’animateur et le patron d’Eclair Télévion (ETV). Mario Moradel qui n’avait que 60 ans, s’en va en laissant quasiment orpheline une chaîne de télévision qu’il avait créé avec son frère Alain, en 1985, à Basse-Terre.
Dans les faits, l’aventure avait commencé au début des années 80 avec une « radio libre », Éclair FM. Dans la foulée, Télé Éclair faisait son apparition sur les petits écrans avant d’obtenir enfin, au tournant de 1998, le blanc-seing du CSA, l’autorité de régulation de l’audiovisuel français. Exit les télés pirates, Canal 10 de Michel Rodriguez est « légalisée ». De son côté, Télé Éclair devient Éclair Télévision (ETV) . Sous l’impulsion de la famille Moradel, ETV se développe et rayonne sur le Sud Basse-Terre et devient, pour ainsi dire, « Télé a moun Bastè ».
10 ans plus tard, ETV essuie sa première crise sociale. Le personnel se met en grève. Mario Moradel s’enlise dans ce conflit. ETV cesse pendant près de 5 ans ses émissions. Après moult démêlés judiciaires et administratifs, Mario Moradel revient à la charge en s’alliant avec Jean-Yves Frixon, un pionnier de l’e-commerce en Guadeloupe. Le duo déménage EFM et ETV à l’autre bout de la Basse-Terre, à Jarry (Baie-Mahault). Mario Moradel ne sait pas encore qu’il vient de signer l’arrêt de mort d’ETV.
Le 20 juin 2023, c’est le reporter sportif devenu journaliste d’infos générales, présentateur du journal de RCI, Rodolphe Beppo qui tire sa révérence. Cet ex-footballeur professionnel s’est surtout fait connaître au cours de ses dernières années d’activités comme l’homme des scoops judiciaires. Généralement très bien renseigné, et même trop bien renseigné, Beppo « bénéficiait » d’informations sur les affaires sensibles avant tout le monde.
Le 21 juillet 2023, c’est une autre grande et majestueuse figure de la télévision qui s’en allait au panthéon du journalisme guadeloupéen. Âgé de 77 ans, Gérard César a d’abord été un sportif de très haut niveau sur les pistes d’athlétisme. C’est à Trinidad-et-Tobago, à l’occasion des Southern Games, qu’il deviendra « The biggest sprinter », en terrassant à deux reprises, les meilleurs sprinters américains et caribéens de l’époque. Gérard César était encore junior. Après sa remarquable épopée d’athlète perturbée par une blessure mal soignée, il entre en journalisme en 1971 et fera une remarquable carrière qui s’achèvera en 2016. César qui avait « découvert » notre Caraïbe grâce à l’athlétisme, y multipliera les séjours et reportages. Parmi les nombreux documentaires réalisés, on notera un sur la communauté indo-guadeloupéenne qui doit bien figurer dans les archives guadeloupéennes de l’INA. Si en matière de journalisme culturel, Gérard César a marqué son époque, il faut tout de même constater qu’il a toujours su demeurer relativement éloigné du traitement de l’actu politique de la Guadeloupe. Visiblement, ce n’était pas son « truc ».
Le 13 octobre 2023, depuis Paris, le monde de la presse guadeloupéenne apprenait le décès de Jean-Jacques Seymour. Installé et officiant dans la capitale française, ce journaliste né en France en 1949 d’un père guadeloupéen, a été journaliste-éditorialiste, directeur de la rédaction de RCI Martinique qu’il a rejoint en 1978 après la disparition de Radio Jumbo. Seymour effectuera une grande partie de sa carrière à RCI Martinique qu’il quittera en 1993 pour le Titanic local, TCI. Parallèlement, il investit la petite radio ICS Radio qu’il portera vite l’audience confidentielle à un audimat à deux chiffres. Après l’échouage de TCI, il rejoint un temps La Une Guadeloupe. En 2004, Jean-Jacques Seymour quitte définitivement la Caraïbe et part s’installer en France, plus précisément en région parisienne. Là, il lance le journal « Kankan Infos », collabore au mensuel panafricain Amina et amorce un retour à la radio (Tropiques FM, Globe Radio, Fusion).
J.J Seymour, guadeloupéen né en France et ayant travaillé à la Dominique et Sainte-Lucie, prit très tôt conscience qu’au-delà de la Guadeloupe et de la Martinique, nos pays faisaient partie d’un environnement à explorer. Au contraire de ses confrères guadeloupéens et martiniquais, il publia des ouvrages démontrant sa pertinence et sa volonté de bien faire connaître la Caraïbe : “La Caraïbe face à la mondialisation (1998), « Une obsession nommée Hugo Chavez (2007) », « Les Chemins de proies : une histoire de la flibuste (2010), Cuba, l’odyssée médicale (2017) ».
DZ