Guadeloupe. Mémorial Act. Esclavage transatlantique : un trauma encore vivant ?
Pointe-à-Pitre. Mercredi 18 juin 2025.CCN. Samedi dernier le Mémorial ACTe a accueilli une journée d’échanges et de réflexions exceptionnelles autour des conséquences psychologiques de l’esclavage transatlantique. Organisée en collaboration avec l’UNESCO, cette initiative a rassemblé chercheurs, jeunes participants et grand public autour d’un objectif clair : « Dépasser le passé pour libérer le futur » : explorer les racines historiques des injustices d’aujourd’hui, comprendre les mécanismes de transmission des traumatismes, et surtout, envisager des pistes pour devenir acteur du changement..
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Entre science et témoignage
Le soir, une conférence publique gratuite a réuni deux figures d’exception :
- Teddy Riner, champion olympique, qui a partagé son regard de sportif mondialement reconnu, mais aussi de père engagé.
- Pr. Aimé Charles-Nicolas, psychiatre émérite, spécialiste des traumatismes transgénérationnels
Ils ont abordé sans tabou les conséquences psychologiques qui persistent dans nos communautés afro-descendantes.
La santé mentale comme enjeu central
L’héritage de l’esclavage ne se limite pas à une mémoire historique. Il affecte encore aujourd’hui la santé mentale des descendants des peuples réduits en esclavage. Plusieurs symptômes sont régulièrement observés : fatigue chronique, pertes d’humeur, troubles dépressifs, anxiété, sentiment d’infériorité ou de vulnérabilité.
La question se pose : sommes-nous en train de payer la facture psychique de ce passé ?
Le racisme, fait social structurant, souvent transmis inconsciemment à travers des générations, de manière épigénétique, par mutation de l’ADN, mais aussi par conditionnement psychologique ou social.
Bonne nouvelle : cette transmission est réversible. Un environnement sain et un accompagnement psychothérapeutique peuvent inverser certains effets.
Les impacts identitaires et émotionnels sont multiples: Fragilisation de l’identité, troubles anxieux, dépression, méfiance, susceptibilité, difficulté à éduquer sereinement.
Ces maux sont souvent liés à une intériorisation de l’infériorité, préparée dès le débarquement.Le traumatisme esclavagiste a façonné des psychismes marqués par l’humiliation.
L’enjeu est aujourd’hui d’ouvrir les yeux sur ses propres mécanismes inconscients, notamment dans la relation à soi et aux autres. Une approche familiale, incluant les enfants, est essentielle pour briser les cycles.
Connaître ce passé, c’est déjà commencer à le guérir. La quête de santé mentale est aussi une quête de dignité, d’espérance et de réconciliation. Il est urgent de faire de cette mémoire une ressource de reconstruction individuelle et collective.
Un fardeau, mais pas une fatalité
La clé ? La connaissance, l’écoute, l’action collective, et la valorisation de soi.
La présence de Teddy Riner a profondément marqué les esprits. Modèle de réussite et de force tranquille, il a partagé un message porteur d’élan : « Je ne pars pas avec des chaînes. Aucune montagne n’est trop grande. Il ne s’agit pas d’oublier, mais d’avancer. »
Un véritable appel à cultiver un mindset positif malgré le poids de l’histoire. Ce n’est pas une injonction à tourner la page, mais à la réécrire avec courage.
Une piste concrète de réparation : la création d’un fonds dédié au soin psychologique des descendants, pour traiter les blessures invisibles.
Car ouvrir les yeux sur ses propres schémas intérieurs, sur les mensonges intégrés au fil des générations, est déjà un pas vers la guérison. Et parfois, consulter un psychologue, c’est un acte de résistance autant qu’un geste de réparation intime.
Placer la santé mentale des Afro-descendants au cœur des débats et rendre visible l’invisible, ouvre une voie pour guérir sans oublier, réparer sans renier, transmettre autrement.
Imane Sioudan ( CCN)
