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Guadeloupe. Musique. Le Bouyon est-il à la fois « malélivé » et anticolonial ?

Guadeloupe. Musique. Le Bouyon est-il à la fois « malélivé » et anticolonial ?

Guadeloupe. Musique. Le Bouyon est-il à la fois « malélivé » et anticolonial ?

Pointe-à-Pitre, vendredi 12 décembre 2025. CCN. “Après 40 ans d’évolution de Bouyon, les artistes d’aujourd’hui ont enfin atteint un point où les réservations internationales sont normales. Ils se produisent lors d’événements de la diaspora afro-caribéenne, souvent aux côtés d’artistes de la Soca en Amérique du Nord, en Europe et dans les Caraïbes. C’est un accomplissement majeur.” Ces mots sont ceux de Gordon Henderson, ce musicien dominiquais qui a longtemps séjourné en Gwadloup avec son groupe mythique Exile One. Faut-il rappeler que Gordon a été l’inventeur de la Cadence Lypso, un rythme des années 70 qui a semble-t-il influencé le Zouk.
Aujourd’hui, le Bouyon, malgré des textes qu’on dit “malélivé”, résonne un peu partout. Les jeunes Afro-caribéens en Gwadloup et ailleurs qui “bouyonnent” commencent à être porteurs d’un message social, pas très éloigné d’une dénonciation du système colonial français. Les textes le plus volontairement en mode “parental advisory”, grivois et pouvant choquer, ne sont-ils pas la preuve que le Bouyon chanté en Kreyol ne respecte en rien les codes de la société coloniale ? Mais à l’écoute, on se rend compte que les textes évoluent : certains jeunes bouyonnais dépassent les termes crus et se montrent de plus en plus critiques à l’égard du système colonial, ce que le zouk n’a jamais réussi.
Au plan économique, Maïté Berchel-Bordin, PDG de l’Agence Lakaz Awtis et que CCN a rencontrée, a bien compris la force potentielle du Bouyon. Interview.

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CCN. Pourquoi le bouyon a-t-il pris un tel essor au niveau musical ?

Maïté Berchel-Bordin. Le bouyon connaît un essor spectaculaire parce qu’il s’adapte parfaitement aux nouveaux modes de consommation musicale. C’est une musique directe, énergique et immédiatement identifiable, qui correspond à une génération habituée aux formats courts, au streaming et aux contenus viraux. Le rythme puissant, la construction répétitive, les basses très présentes et l’identité culturelle forte du genre créent un impact immédiat. Le bouyon possède aussi cette capacité rare à absorber d’autres influences — dancehall, soca, afro, électro — tout en conservant une signature propre. Cette souplesse lui permet de rester moderne, attractif et connecté à son époque.

CCN. Comment définir l’artiste bouyon de 2025 ?

MMB. L’artiste bouyon de 2025 est un créateur spontané, intuitif et pleinement ancré dans l’ère digitale. C’est souvent un artiste jeune, très connecté, qui maîtrise les réseaux sociaux et qui comprend l’importance du rythme de production. Sa force réside dans sa capacité à créer rapidement, à expérimenter et à rester proche de son public. Il enregistre, tourne des contenus, gère sa communication et surveille les tendances en temps réel. Sur scène, il mise sur l’énergie, la performance et l’interaction. Son identité se construit à la fois dans l’espace urbain, dans la culture des quartiers et dans les dynamiques numériques. Il incarne une génération qui revendique sa créativité et son authenticité.

CCN. Comment juger l’importance économique du bouyon aujourd’hui, alors que les CD n’existent plus ?

MMB. L’importance économique du bouyon se mesure d’abord à travers le streaming, qui représente une source de revenus substantielle. Mais la véritable force du genre se manifeste surtout dans le live : soirées, clubs, fêtes patronales, festivals, événements privés et tournées. Les artistes bouyon font partie des plus sollicités du moment, ce qui génère une activité importante pour les DJs, les techniciens, les vidéastes, les musiciens, les salles et l’ensemble des acteurs de l’événementiel. L’économie créée par le bouyon dépasse même le cadre musical, puisqu’elle dynamise aussi la restauration, les transports, l’hébergement et les services associés lors des grands événements. Le bouyon génère une économie en voie de structuration, jeune et en pleine croissance.

CCN. Qu’est-ce qui vous a décidé à investir dans le bouyon ?

MMB. J’ai choisi de m’investir auprès des artistes bouyon parce que j’y vois la voix d’une génération entière. C’est une musique vivante, brute, sincère, qui traduit l’énergie et les réalités de la jeunesse guadeloupéenne. J’ai observé le dynamisme des artistes, leur détermination et leur créativité, mais aussi leur besoin d’accompagnement professionnel. Le bouyon possède un potentiel immense, tant sur le plan artistique que sur le plan économique. L’accompagner, c’est contribuer à structurer une filière culturelle locale, à créer des opportunités pour les jeunes talents et à soutenir une esthétique musicale qui peut rayonner bien au-delà du territoire.

CCN. La Dominique a inventé le bouyon, mais la Guadeloupe semble aujourd’hui prendre l’avantage. Pourquoi ?

MMB. La Dominique est le berceau historique du bouyon, mais la Guadeloupe a su engager ce genre vers une véritable industrie. Le territoire dispose d’un écosystème artistique plus large, d’une diaspora très active et d’une exposition médiatique plus importante. Les artistes guadeloupéens bénéficient d’un accès plus direct au marché français et européen, ce qui facilite la diffusion. La Guadeloupe possède également une tradition d’hybridation musicale qui permet au bouyon d’évoluer rapidement et de se renouveler sans cesse.
La structuration professionnelle — producteurs, managers, vidéastes, ingénieurs du son, influenceurs — a donné au bouyon guadeloupéen une puissance d’expansion remarquable.

CCN. Le bouyon existe aussi en France. Comment se porte-t-il et envisagez-vous de produire ces artistes ?

MMB. Le bouyon en France se porte très bien. Il bénéficie de la présence de la diaspora antillaise, des soirées afro-caribéennes et de l’engouement croissant pour les musiques festives et percussives. Les DJs jouent un rôle essentiel en intégrant le bouyon dans leurs sets, ce qui élargit son audience. Sur les réseaux sociaux, la viralité permet à des titres issus de la diaspora de gagner en visibilité.
Plusieurs jeunes artistes basés en France explorent désormais un bouyon hybride, influencé par le rap, l’électro ou l’afro. Je suis ouverte à les accompagner, à condition que leur démarche artistique soit claire, sérieuse et alignée avec les valeurs que je défends dans mon travail de développement.

CCN. Que faut-il pour que le bouyon devienne aussi populaire que le zouk, et qu’il ne reste pas seulement associé aux très jeunes ?

MMB. Pour que le bouyon accède à une popularité comparable à celle du zouk, il devra élargir son propos, diversifier ses textes et proposer davantage de mélodies accessibles à un public adulte. Le genre gagnera en maturité grâce à des thèmes plus universels, mais aussi grâce à des collaborations intergénérationnelles et intergenres.
Son expansion passera également par une meilleure présence dans les médias traditionnels, par une programmation dans des contextes culturels ou familiaux et par une stratégie visant à valoriser le bouyon comme un patrimoine musical contemporain, et non uniquement comme une musique festive.

CCN. Quels sont aujourd’hui les artistes bouyon les plus en vue, en Guadeloupe et en France ?

MMB. En Guadeloupe, les artistes les plus emblématiques du moment sont Lejuh, 1T1, Theomaa, Piscine OSP, Aknose, Shanika pour ne citer qu’eux. Ils dominent la scène par leur créativité, leur originalité et leur capacité à fédérer un public toujours plus large. Les Holly G, qui ont décroché un disque d’or, illustrent parfaitement l’impact que peut avoir le bouyon lorsqu’il atteint un haut niveau de structuration artistique et professionnelle.
En France, plusieurs artistes issus de la diaspora contribuent à porter le genre dans les grandes métropoles, où le bouyon s’intègre naturellement à la culture urbaine et aux soirées afro-caribéennes. Leur travail participe activement à l’expansion du genre sur le territoire européen.

CCN. Le shatta va-t-il dépasser le bouyon ?

MMB. Le shatta et le bouyon ne sont pas dans une relation de compétition directe. Le shatta, plus ancré dans la culture street, bénéficie d’une identité très marquée qui séduit une partie importante de la jeunesse. Le bouyon, quant à lui, possède une dimension plus fédératrice et festive qui lui permet de toucher un public plus varié. Les deux styles évoluent parallèlement et s’influencent mutuellement, chacun répondant à des codes et des besoins différents.
Il est plus juste de dire qu’ils coexisteront durablement, tout en continuant d’être des moteurs majeurs de la créativité caribéenne.

CCN. Va-t-on vers un bouyon plus engagé politiquement ?

MMB. Il est très probable que le bouyon évolue vers une expression plus engagée. Comme pour de nombreux genres musicaux, la maturité entraîne souvent une réflexion sur les réalités sociales, économiques et culturelles du territoire. Certains artistes bouyon commencent déjà à aborder des thèmes liés à la société, à l’identité ou au quotidien des jeunes. Le bouyon pourrait donc devenir un espace d’expression politique, sociale et culturelle, tout en conservant son essence festive et énergique. Cette évolution serait naturelle pour un genre qui gagne en visibilité et en poids dans l’espace public.

ITW : DZ

MMB. En Guadeloupe, les artistes les plus emblématiques du moment sont Lejuh, 1T1, Theomaa.
DZ CCN de Maïté Berchel-Bordin


PDG | CEO — Maison d’Édition | Publisher ThLab R&P
Commissaire | Commissioner — Formation Professionnelle SACEM
Directrice Régionale | Regional Director — Agence LAKAZ AWTIS
Administratrice | Board Member — UPMAE

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