Guadeloupe. Politique. Alain Plaisir (CIPPA) : Un Programme Commun des organisations anticolonialistes
Basse-Terre. Capitale. Mercredi 10 avril 2024. CCN. Depuis des années Alain Plaisir, leader du Comité d’Initiative pour un Projet Alternatif (CIPPA) milite activement pour un projet d’évolution statutaire pour la Guadeloupe Son combat a beaucoup porté sur la fiscalité. Dans ses ouvrages, et prises de positions Il est l’un de ceux qui a toujours défendu l’octroi de mer, qui est on le sait la principale ressource des collectivités en pays colonisé. Une fois de plus le gouvernement colonial français, souhaite supprimer cette taxe. Alain Plaisir a accepté de répondre aux questions de CCN sur l’actualité politique de notre pays.
CCN. Sur la question de l’octroi de mer ressource fiscale historique de la Guadeloupe, pourquoi l’Etat cherche à l’éliminer ? Quelles en seront les conséquences immédiates ?
Alain Plaisir (AP). L’élimination de l’octroi de mer, est la phase finale de l’assimilation. En effet malgré la loi du 19 mars 1946 faisant de la Guadeloupe, un département français, l’octroi de mer qui n’existait que dans les quatre vieilles colonies (Guadeloupe, Guyane, Martinique, la Réunion) a perduré… à titre provisoire. Cette taxe a demeuré, grâce à la volonté des conseils généraux, qui voulaient garder cette petite autonomie fiscale
En voulant reprendre le contrôle de l’octroi de mer, le pouvoir central, veut siffler la fin de la récréation. Il rend l’octroi de mer, responsable de la vie chère, et veut remplacer cette taxe par une autre la TVA, dite locale, dont il aurait le contrôle.
En réalité la vie serait encore plus chère, car l’octroi de mer ne taxe que les marchandises, alors que la TVA impacte toute l’activité économique (services etc…)
CCN. Quelle devrait être la réponse des élus ? (On a le sentiment d’une sorte de résignation) les présidents des collectivités vous ont-ils consulté ?
AP. Apparemment les élus de Guadeloupe se contenteraient d’une dotation de l’Etat qui garantirait les recettes actuelles de l’octroi de mer et de l’octroi de mer régional. Ils n’ont pas l’air de se préoccuper de la question politique. Or l’enjeu est bien là. Le petit pouvoir qu’ont actuellement les conseillers régionaux pour fixer les taux et accorder ou non des exonérations disparaîtrait, au profit du pouvoir central.
CCN. Quel type d’autonomie faudrait-il pour la Guadeloupe ? Comment aider les Guadeloupéens à y voir plus clair ?
AP. Il faut pour la Guadeloupe accéder à une large autonomie. Avec la compétence fiscale et douanière qui sont les vrais symboles d’une vraie autonomie.
- Avoir les moyens de mettre en place sa propre fiscalité, pour augmenter les recettes du pays autonome sans pour autant pénaliser, les contribuables et les consommateurs.
- Un tarif douanier guadeloupéen pour faire émerger une production guadeloupéenne et la protéger.
Si nous voulons sortir de l’économie de rente actuelle qui ne profite qu’aux importateurs (les rois de la pwofitasyon) et aux exportateurs étrangers, la compétence douanière est indispensable. Pour cela, il faut sortir du grand marché intérieur européen qui préconise la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des services.
Dans le contexte du libre-échange généralisé et de mondialisation capitaliste, le meilleur statut actuel pour la Guadeloupe, est le statut de Pays et territoire d’Outre-Mer (PTOM), car il nous permet, à la fois, de sortir du droit commun français et de l’intégration européenne
CCN. Tous ces courants autonomistes pourront-ils (doivent -ils) s’accorder sur une sorte de « Programme commun autonomiste » ? Le CIPPA va-t-il être la passerelle ?
AP. Oui je pense indispensable un consensus de toutes les organisations anticolonialistes. Pour une fois, les conditions objectives et subjectives sont réunies pour rédiger un programme commun.
Pour avoir travaillé depuis 15 ans sur la question de l’autonomie et ayant toujours été ouvert à un débat fraternel mais sans concession, sur les valeurs de justice et de progrès social, le CIPPA peut être, en effet, le trait d’union entre toutes les organisations qui militent pour un vrai changement pour l’archipel de la Guadeloupe
CCN. Qu’espérez-vous du congrès de juin qu’organise le Pdt Losbar ? Peut-il à votre avis être « conclusif » ?
AP. La bataille est ici et maintenant. Pendant tous les jours qui précédent le Congrès. Le rapport de force ne doit pas se jouer entre élus hyper conservateurs et élus moyennement conservateurs Les organisations anticolonialistes et les forces du progrès doivent, dès à présent, porter le débat dans la population, pour éviter un nouveau Congrès, vide de sens
CCN. Compte-tenu de la situation réelle du pays, sentez-vous, les guadeloupéens prêts pour un changement : Assemblée Unique ? Autonomie ? Indépendance ?
AP. Il faut un travail d’explication politique pour faire comprendre aux guadeloupéens les enjeux. Le temps des slogans est terminé, il faut pourvoir répondre à toutes les questions des citoyens. Expliquer que l’autonomie ce n’est pas « chat an sak», mais véritablement réunir les conditions : juridique et politique pour un mieux-être de la population. Et pour cela, il y a une nécessité de rassurer sur la question légitime de la préservation des conquêtes sociales. Le droit, à la sécurité sociale, à un système de santé performant, le droit à un retraite digne, des revenus pour les sans-emplois etc…
Alain Plaisir. Fondateur du CIPPA a publié plusieurs ouvrages illustrant parfaitement ses convictions et ses propositions pour son pays
- Propositions pour le changement – 2000
- L’Octroi de mer – 2006
- Conquête du marché intérieur – 2008
- ZEE – 2012
- Les fonds européens – 2016
- La préférence guadeloupéenne – 2017
- Les voies et les moyens de l’autonomie de l’archipel de la Guadeloupe – 2019
- 2006-2016. Du LKP à la Géothermie : 10 ans de luttes – 2021
- L’autonomie est viable – 2022
Le nerf de la guerre est la finance . La volonté d’un changement ne peut passer que par le processus proposé par Alain PLAISIR et le CIPPA .
Tous ses écrits étants fondés sur la connaissance du terrain et du mécanisme économique.
Il ne reste que la volonté politique d’appliquer ce processus à l’image du LKP de 2009