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Guadeloupe. Politique. Les défis de la souveraineté pour notre archipel

Guadeloupe. Politique. Les défis de la souveraineté pour notre archipel

Guadeloupe. Politique. Les défis de la souveraineté pour notre archipel

Lamentin. Vendredi 12 décembre 2025. CCN. La Guadeloupe, « département » français situé dans les Caraïbes, est un exemple parfait des défis auxquels sont confrontées les petites économies insulaires. Depuis la colonisation, l’économie guadeloupéenne a été façonnée par des facteurs tels que la spécialisation dans la production de matières premières, le caractère extraverti de l’économie et les caractéristiques insulaires de l’île. Ces facteurs ont contribué à créer une dépendance économique et à limiter le développement économique de la Guadeloupe. Dans ce contexte, la question de la souveraineté économique de la Guadeloupe est au cœur des discussions politiques et sociales de l’île. Ce texte de David Boucaud vise à analyser les facteurs qui influencent les relations économiques de la Guadeloupe avec la métropole et à explorer les alternatives pour un développement économique durable et équitable.

By David Boucaud
Économiste-Psychanalyste

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1/ Les relations entre les anciennes colonies et la France : une analyse économique et théorique

Les anciennes colonies, devenues départements, entretiennent des relations complexes avec leur métropole. Cette étude vise à analyser les facteurs qui influencent ces relations, notamment la spécialisation des anciennes colonies, le caractère extraverti de leurs économies et les caractéristiques insulaires des petites économies. Nous démontrons que ces facteurs ont contribué à créer une dépendance économique et à limiter le développement économique des anciennes colonies. La Guadeloupe, « département » français situé dans les Caraïbes, est un exemple parfait de cette situation. La question de savoir si la Guadeloupe doit rester française, devenir autonome ou indépendante est au cœur des discussions politiques et sociales de l’île. Cette histoire a laissé des traces profondes sur l’économie, la société et la culture de l’île. Comme le souligne l’historien guadeloupéen Oruno D. Lara, « la colonisation a créé une dépendance économique et culturelle qui persiste encore aujourd’hui » (1).

La spécialisation des anciennes colonies dans la production de matières premières a conduit à une dépendance économique vis-à-vis de la métropole. Cette spécialisation a été imposée par la France pour répondre à ses propres besoins, plutôt que pour répondre aux besoins de l’économie locale (2). Par exemple, la Guadeloupe a été spécialisée dans la production de sucre, qui représentait 80 % des exportations en 1960 (3). Cette spécialisation a limité la diversification de l’économie locale et a rendu l’économie guadeloupéenne vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux.

Le caractère extraverti des économies des anciennes colonies a également contribué à limiter leur développement économique. Les économies des anciennes colonies sont fortement dépendantes des échanges avec la métropole, ce qui se traduit par une forte proportion d’importations et d’exportations dans le PIB (4). Par exemple, la Guadeloupe a un taux d’ouverture de 60 % (3), ce qui signifie que 60 % de son PIB est lié aux échanges avec la France. Cette dépendance a limité la capacité de l’économie guadeloupéenne à se diversifier et à développer ses propres industries.

Les petites économies insulaires, comme la Guadeloupe et la Martinique, présentent des caractéristiques spécifiques qui influencent leurs relations avec la France. Selon Hoarau (5), ces économies sont vulnérables en raison de leur petite taille, de leur éloignement et de leur isolement. Les économies insulaires sont souvent caractérisées par une petite taille, ce qui limite leur capacité à diversifier leur production et à réaliser des économies d’échelle (5). L’éloignement des économies insulaires par rapport aux marchés internationaux augmente les coûts de transport et réduit leur compétitivité (5). L’isolement des économies insulaires peut également limiter leur accès aux ressources et aux marchés.

La question du statut de la Guadeloupe est avant tout un enjeu de souveraineté. Les partisans de l’indépendance arguent que la Guadeloupe a les capacités et les ressources pour se gérer seule et prendre des décisions qui conviennent à ses intérêts et à son avenir. Comme le déclare le militant indépendantiste Luc Reinette, « l’indépendance est la seule voie pour que la Guadeloupe puisse prendre son destin en main » (6). Cependant, les opposants à l’indépendance soulignent les risques de déséquilibre budgétaire et de dépendance à l’égard des bailleurs de fonds internationaux. Ils arguent que la Guadeloupe est trop petite et trop vulnérable pour se permettre de prendre des risques économiques et politiques.

Entre le statu quo et l’indépendance, il existe des alternatives qui pourraient permettre à la Guadeloupe de concilier souveraineté et développement. L’autonomie, par exemple, permettrait à la Guadeloupe de gérer ses propres affaires et de prendre des décisions qui conviennent mieux à ses besoins spécifiques. Comme le propose le politologue martiniquais Justin Daniel, « l’autonomie est une voie médiane qui permettrait à la Guadeloupe de conserver les avantages de la citoyenneté française tout en ayant une plus grande marge de manœuvre » (7).

Le débat sur le statut de la Guadeloupe est complexe et nécessite une réflexion approfondie. Les Guadeloupéens doivent peser les avantages et les inconvénients de chaque option et prendre une décision qui convienne à leurs intérêts et à leur avenir. Comme le déclare l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau, « la Guadeloupe est à un carrefour de son histoire. Il est temps de prendre des décisions qui permettront à l’île de se développer et de prospérer » (8).

2/ Le caractère extraverti de l’économie guadeloupéenne

Aucune perspective politique ne peut ignorer la réalité d’une économie extravertie de Guadeloupe. En effet :

Les agrégats économiques qui soulignent l’extraversion de l’économie guadeloupéenne sont :

  1. Taux d’ouverture : Le taux d’ouverture de la Guadeloupe est de 60 % (INSEE, 2022), ce qui signifie que 60 % de son PIB est lié aux échanges avec la France. Cela indique une forte dépendance de l’économie guadeloupéenne vis-à-vis de l’extérieur.
  2. Importations et exportations : La Guadeloupe importe une grande partie de ses biens et services, notamment des produits alimentaires (1,2 milliard d’euros en 2022), des produits pétroliers (800 millions d’euros en 2022) et des biens d’équipement (500 millions d’euros en 2022). Les exportations de la Guadeloupe sont principalement composées de sucre (150 millions d’euros en 2022), de bananes (100 millions d’euros en 2022) et de rhum (50 millions d’euros en 2022).
  3. Dépendance aux transferts de fonds : La Guadeloupe reçoit des transferts de fonds importants de la part de la France, qui représentent environ 20 % de son PIB (INSEE, 2022).
  4. Faiblesse de la production locale : La production locale de la Guadeloupe est faible, avec un taux de couverture des besoins de seulement 30 % (INSEE, 2022).
  5. Concentration des échanges avec la France : Les échanges commerciaux de la Guadeloupe sont fortement concentrés avec la France, avec 70 % des importations et 80 % des exportations réalisées avec la France (INSEE, 2022).
  6. Dépendance aux investissements étrangers : La Guadeloupe est fortement dépendante des investissements étrangers, notamment en provenance de la France, qui représentent environ 50 % des investissements totaux (INSEE, 2022).
  7. Faiblesse de la diversification économique : L’économie guadeloupéenne est peu diversifiée, avec un indice de diversification de 0,4 (INSEE, 2022), ce qui la rend vulnérable aux chocs externes et limite ses capacités de développement.

Ces agrégats économiques soulignent l’extraversion de l’économie guadeloupéenne et sa forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur, ce qui constitue un frein à son développement économique.

3/ Les singularités des petites économies insulaires contraignent tout autant tous choix d’évolution politique

Les petites économies insulaires, comme la Guadeloupe, présentent des spécificités uniques qui les distinguent des autres économies. Voici quelques-unes de ces spécificités :

  • Petite taille et éloignement : Les petites économies insulaires sont souvent caractérisées par une petite taille et un éloignement des marchés internationaux, ce qui augmente les coûts de transport et réduit leur compétitivité.
  • Dépendance aux transferts de fonds : Les petites économies insulaires sont souvent dépendantes des transferts de fonds de la métropole, ce qui peut créer une dépendance économique.
  • Spécialisation dans les produits primaires : Les petites économies insulaires sont souvent spécialisées dans la production de produits primaires, tels que le sucre, la banane et le rhum, ce qui les rend vulnérables aux fluctuations des prix mondiaux.
  • Faiblesse de la diversification économique : Les petites économies insulaires ont souvent une économie peu diversifiée, ce qui les rend vulnérables aux chocs externes.
  • Vulnérabilité aux catastrophes naturelles : Les petites économies insulaires sont souvent exposées aux catastrophes naturelles, telles que les ouragans et les séismes, qui peuvent avoir des impacts dévastateurs sur l’économie.
  • Dépendance à l’égard de l’aide étrangère : Les petites économies insulaires sont souvent dépendantes de l’aide étrangère pour financer leurs projets de développement.
  • Faiblesse des infrastructures : Les petites économies insulaires ont souvent des infrastructures faibles, ce qui peut limiter leur capacité à développer leur économie.

Ces spécificités créent des défis uniques pour les petites économies insulaires, mais elles offrent également des opportunités pour développer des stratégies de développement innovantes et adaptées à leurs besoins spécifiques.

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4/ Alors, quelle(s) solution(s) ? De la méthode, du pilotage de l’économie et de la régulation

Les petites économies insulaires, comme la Guadeloupe, nécessitent une approche spécifique en matière de planification économique. En effet, les modèles traditionnels de planification économique, conçus pour les économies continentales, ne sont pas adaptés à la réalité insulaire (17, 18, 19). Il est donc essentiel d’inventer une méthodologie économique de pilotage et de régulation qui prenne en compte les spécificités de ces économies.

Cela suppose la création d’un organe politique ad hoc, capable de prendre des décisions éclairées et de mettre en œuvre des politiques économiques adaptées aux besoins de l’île (20, 21). Cet organe devra être doté de compétences et de ressources suffisantes pour mener à bien sa mission.

5/ Les défis de la planification économique insulaire

Les petites économies insulaires sont confrontées à des défis spécifiques, tels que :

  • La dépendance aux importations et aux transferts de fonds
  • La vulnérabilité aux chocs externes (catastrophes naturelles, fluctuations des prix mondiaux)
  • La faiblesse de la diversification économique
  • La limitation des ressources humaines et financières

Les principes de la régulation économique insulaire

Pour relever ces défis, il est nécessaire de mettre en place une régulation économique insulaire qui repose sur les principes suivants :

  • La prise en compte des spécificités insulaires
  • La promotion de la diversification économique
  • Le développement des ressources humaines et financières
  • La mise en place d’une gouvernance transparente et efficace

Les outils de la régulation économique insulaire

Pour mettre en œuvre ces principes, il est possible d’utiliser des outils tels que :

  • Les plans de développement économique et social à court/moyen termes
  • Les politiques agiles de soutien à l’économie locale
  • Les mécanismes locaux de régulation des prix et des marchés
  • Les institutions euro-guadeloupéennes (partenariat) de financement et de garantie des investissements

De quelques outils du corpus théorique des sciences économiques pour la conduite économique des petites économies insulaires

L’économie insulaire est un sujet complexe qui nécessite une approche pédagogique pour comprendre les enjeux et les défis qui la caractérisent. Dans cet article, nous allons explorer les concepts clés de l’économie insulaire, notamment les valeurs d’usage et d’échange, l’utilité marginale et l’égalisation des recettes marginales et des coûts marginaux.

D’une manière générale, même pour une économie continentale, comme celle de la France métropolitaine, se focaliser sur la seule évolution de la croissance est une hérésie, dans le moyen ou long terme, pouvant aboutir à un goulot d’étranglement (un double squeeze), une impossibilité fonctionnelle, mécanique et mathématique de croissance.

Mon propos, ici, est de montrer que les petites économies insulaires ont des caractéristiques spécifiques qui nécessitent une approche particulière.

6/ Les valeurs d’usage et d’échange

Les valeurs d’usage et d’échange sont deux concepts fondamentaux en économie qui se réfèrent respectivement à la satisfaction que les individus tirent de l’utilisation d’un bien ou d’un service et à la valeur marchande de ce bien ou de ce service. Dans le contexte d’une économie insulaire, il est essentiel de comprendre comment ces deux valeurs interagissent pour maximiser le bien-être des habitants.

Selon Mankiw (9), les valeurs d’usage et d’échange sont importantes pour comprendre les décisions économiques des individus et des entreprises. De même, Samuelson et Nordhaus (10) soulignent l’importance de prendre en compte les valeurs d’usage et d’échange pour évaluer les politiques économiques.

L’utilité marginale

L’utilité marginale est un concept clé en économie qui se réfère à la satisfaction supplémentaire que les individus tirent de la consommation d’une unité supplémentaire d’un bien ou d’un service. Dans une économie insulaire, il est essentiel de comprendre l’utilité marginale des différentes activités économiques pour allouer les ressources de manière efficace.

Selon Varian (11), l’utilité marginale est un concept important pour comprendre les choix économiques des individus. De même, Pindyck et Rubinfeld (12) soulignent l’importance de prendre en compte l’utilité marginale pour évaluer les décisions économiques.

7/ L’égalisation des recettes marginales et des coûts marginaux

L’égalisation des recettes marginales et des coûts marginaux est un principe clé en économie qui stipule que les entreprises devraient produire jusqu’à ce que la recette marginale soit égale au coût marginal. Dans une économie insulaire, il est essentiel de trouver ce point d’équilibre pour maximiser les profits et minimiser les coûts.

Selon Krugman et Wells (13), l’égalisation des recettes marginales et des coûts marginaux est importante pour comprendre les décisions économiques des entreprises. De même, Stiglitz et Walsh (14) soulignent l’importance de prendre en compte l’égalisation des recettes marginales et des coûts marginaux pour évaluer les politiques économiques.

8/ En guise de conclusion

En conclusion, la Guadeloupe est à un carrefour de son histoire. Les défis économiques et sociaux auxquels elle est confrontée sont complexes et nécessitent une réflexion approfondie. La souveraineté économique de la Guadeloupe est un enjeu crucial qui nécessite une approche spécifique et adaptée aux besoins de l’île. Les alternatives telles que l’autonomie ou l’indépendance doivent être explorées et discutées de manière démocratique et transparente. Il est essentiel de prendre en compte les spécificités de l’économie guadeloupéenne et de développer des stratégies de développement innovantes et adaptées aux besoins de l’île. La Guadeloupe a les ressources et les capacités pour prendre son destin en main et construire un avenir prospère et équitable pour tous ses habitants.

Selon Taglioni (22), les petits espaces insulaires (PEI) disposent, avec les ZEE, d’une source potentielle importante de revenus et de développement économique. Serait-ce là la voie du take-off de la Guadeloupe ?

Références :

(1) Lara, O.D. (2009). Guadeloupe : faire face à l’histoire. Éditions L’Harmattan.
(2) Frank, A. G. (1967). Capitalisme et sous-développement en Amérique latine. Éditions Maspero.
(3) INSEE (2022). Données économiques de la Guadeloupe et de la Martinique.
(4) Amin, S. (1970). L’accumulation à l’échelle mondiale. Éditions Anthropos.
(5) Hoarau, J. (2008). Les économies insulaires : une analyse comparative. Revue d’Économie Régionale et Urbaine, (3), 395-414.
(6) Guillerm, F.X. (2007). * (In) dépendance créole : brève histoire récente du nationalisme antillais*. Pointe-à-Pitre : Éditions Jasor. (Préf. Reinette L.).
(7) Daniel, J. (2012). Les outre-mer à l’épreuve du changement. Éditions L’Harmattan.
(8) Chamoiseau, P. (2022). D’un imaginaire colonial à un imaginaire de la relation. France Culture.
(9) Mankiw, G. (2019). Principles of Economics. Cengage Learning.
(10) Samuelson, P. A., & Nordhaus, W. D. (2010). Economics. McGraw-Hill.
(11) Varian, H. R. (2014). Intermediate Microeconomics: A Modern Approach. W.W. Norton & Company.
(12) Pindyck, R. S., & Rubinfeld, D. L. (2013). Microeconomics. Pearson Education.
(13) Krugman, P. R., & Wells, R. (2015). Economics. Worth Publishers.
(14) Stiglitz, J. E., & Walsh, C. E. (2014). Economics. W.W. Norton & Company.
(15) INSEE. (2022). Le tourisme en Guadeloupe.
(16) Hoarau J.F. & Angeon V. (2016). Les petites économies insulaires : nouveaux regards conceptuels et méthodologiques.
(17) Dupont, L. (2024). L’efficacité de la politique budgétaire et de la politique monétaire dans la gestion macroéconomique des petites économies insulaires en développement : application au cas de Sainte-Lucie. Études caribéennes, 59.
(18) Ernatus, H. (2009). Modèles et stratégies de développement des petites économies insulaires. Revue de la littérature et nouveaux paradigmes.
(19) Virapatirin, P.-J. (2022). Chapitre 1. Le contexte de la petite économie insulaire française de la Guadeloupe. La Petite Économie Insulaire de la Guadeloupe : Bilan, enjeux et perspectives.
(20) Briguglio, L. (1995). Small Island Developing States and Their Economic Vulnerabilities. World Development, 23(9), 1615-1632.
(21) Joubert, J., Fulconis, F., & Bousquet, P.-M. (2011). Performances économiques, gouvernance et vulnérabilité des petits États insulaires : quelles typologies ? Insularité et développement durable.
(22) Taglioni, F. (2007). Les petits espaces insulaires au cœur des revendications frontalières maritimes dans le monde.

 

David Boucaud

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