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Guadeloupe.  Sommes-nous vraiment prêts pour les catastrophes à venir?

Guadeloupe. Sommes-nous vraiment prêts pour les catastrophes à venir?

Guadeloupe. Sommes-nous vraiment prêts pour les catastrophes à venir?

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Pointe à Pitre Lundi 9 septembre 2024.CCN.La période cyclonique actuelle est loin d’etre achevée. Avec les changements climatiques qui  sont dans l’air du temps, jusqu’au mois de novembre  nous devons être  très vigilants. Mais outre les ouragans, tempêtes, notre archipel peut  aussi  subir un tsunami, un  séisme de forte magnitude , voire une eruption volcanique. Face à tous ces dangers  potentiels, quel est le niveau de préparation? 

*Max Dorville Membre de la Protection Civile de Guadeloupe  fait le  point

1/Le séisme  n’est pas prévisible

Je suppose que nul Guadeloupéen n’ignore que nous sommes exposés à des catastrophes naturelles qui résulteraient soit d’un ouragan majeur prévisible, soit d’un tsunami qui nous serait annoncé quelques heures avant, soit d’une éruption volcanique plus ou moins prévisible, ou d’un séisme qui nous surprendrait. Car, contrairement aux autres phénomènes ce dernier n’est pour l’instant absolument pas prévisible. 

Comme tous ces phénomènes sont probables et que ce qui est probable est possible, pourquoi ne pas imaginer la survenance de deux ou trois de ces phénomènes Concomitamment ? À supposer que cette idée relève de la science-fiction, même dans le cas d’un seul phénomène d’une gravité exceptionnelle que faisons-nous ? Chacun est-il prêt ?

Depuis que j’ai quitté mes anciennes fonctions, je m’intéresse à ces questions et pour ma part je dis que la Guadeloupe vit dans l’illusion d’être préparée pour faire face à des événements catastrophiques importants.

Une catastrophe quand elle survient crée une situation de crise car, toujours on se retrouve devant des situations sortant du cadre habituel et des besoins souvent non prévus par la gestion des risques ; quand celle-ci a fait l’objet d’un travail en amont.

La gestion des risques est une obligation qui est de la responsabilité des autorités politiques, le maire étant en première ligne. Mais, c’est aussi la responsabilité de chacun d’entre nous qui ne doit pas prendre de risque. Et pour cela, il ne s’agit pas uniquement de se protéger et de protéger ses biens mais aussi ne pas générer des risques pour les autres.

Depuis le cyclone Hugo de 1989 au moins, il y a chaque année, dans le cadre du plan ORSEC cyclone, un travail de préparation de la saison cyclonique. Si au début il y avait un certain engouement pour cette activité de prévention, au fil des années comme le pays n’a pas eu à affronter un ouragan majeur, la routine a repris le dessus et on constate lors des réunions de préparation organisées par la préfecture, l’absence de beaucoup trop de municipalités.

S’agissant des autres risques répertoriés supra, malgré les nombreuses mises en garde de citoyens de l’espace public, le travail de prévention reste timide. Or, la crise sanitaire qui ébranle aujourd’hui nos sociétés montre s’il le fallait la nécessité qu’elles soient toujours prêtes à faire face à tout risque répertorié comme étant possible.

2/Que signifie se préparer ?

Gérer les risques consiste à mettre en place les moyens humains et matériels afin, soit d’empêcher une situation de crise, sinon d’être en mesure d’en diminuer l’intensité. C’est aussi mettre en place et tester préventivement, une organisation administrative et opérationnelle de la crise qui doit permettre au plus fort de celle-ci, de prendre en charge les citoyens impliqués qui ne doivent pas se sentir abandonnés et éviter ainsi de créer une crise dans la crise.

Les moyens humains sont indispensables. Les acteurs doivent être bien informés de leur rôle et pour certains avoir reçu une bonne formation et être à jour de leur formation continue. Tous doivent être préparés à se mobiliser dans un délai court.

Dans le système actuel, il faut distinguer deux groupes possibles d’opérateurs en cas de catastrophe. Le premier est constitué de ce que l’on peut qualifier comme étant les Officiels car ce sont des fonctionnaires d’État ou des collectivités. Le deuxième est composé de citoyens, de bénévoles.

Qui sont-ils ? Ce sont pour le premier groupe, les agents de la sécurité civile, l’armée, les services d’incendie et de secours, la gendarmerie, la police. À leurs côtés on trouvera des bénévoles qui sont pour certains les membres des réserves civiques des communes et pour d’autres des membres d’Associations Agréées Sécurité Civile (AASC).

Si les effectifs du premier groupe sont limités pour des raisons budgétaires, le groupe des bénévoles peut prétendre à mobiliser des effectifs très importants et être en mesure de jouer un rôle non négligeable en cas de crise en fonction de l’équipement en matériel dont ils disposent. Il s’agit là d’hommes et de femmes, de travailleurs manuels et d’intellectuels, qui s’engagent à mettre au service de tous, sans contrepartie, leurs compétences et leurs disponibilités en cas de crise. On pense souvent s’agissant des AASC, qu’il s’agit de secouristes, mais non ! En cas de crise toutes les compétences sont nécessaires de l’ingénieur au maçon, du médecin urgentiste au secouriste en équipe, du chauffeur de véhicules légers au conducteur d’engins, et la liste est longue.

Se préparer c’est donc disposer d’effectifs d’Officiels convenables mais aussi, encourager le bénévolat, recruter et répertorier les bénévoles, leurs compétences, leurs disponibilités et les former si besoin. En résumé, aux côtés des Officiels, il convient d’impliquer le citoyen dans la gestion d’éventuelles crises.

 3/En sommes-nous là aujourd’hui en Guadeloupe ?

Je fais partie de l’une des associations : La Protection Civile. Je dis qu’il nous reste un long chemin à parcourir pour atteindre un niveau acceptable de préparation des moyens humains qui nous permettraient de prendre en charge de manière autonome une crise majeure. Je ne dis pas que nous n’avons pas le potentiel humain pour le faire, je constate simplement que ce potentiel est sous exploité, il est à l’état de friche et mérite d’être cultivé (rassemblé, instruit, formé) pour produire, c’est-à-dire être parfaitement opérationnel en cas de besoin.

Une organisation à l’échelle du territoire s’impose. Par exemple, ne pouvant prévoir le lieu du plus fort impact d’une catastrophe, il serait nécessaire que dans chaque quartier de chaque commune une équipe de citoyens réservistes et membres d’AASC soit disponible. Cela permettrait à la Guadeloupe de bénéficier d’une couverture opérationnelle quasi totale. Elle disposerait ainsi de moyens qu’elle pourrait projeter sur des opérations de secours chez nos voisins caribéens. Nous serons alors en mesure, tout en mettant en place la nécessaire solidarité alimentaire et financière, de faire preuve d’une solidarité active dans la reconstruction effective, indispensable lors de grandes catastrophes, en mobilisant des hommes et des femmes volontaires et formés.

Si les moyens humains sont incontournables, tant que les robots ne nous supplanteront pas, les moyens matériels sont tout aussi nécessaires. Malheureusement, disposer de matériels adaptés nécessite un investissement relativement coûteux. En effet on n’acquiert pas le matériel nécessaire à la gestion d’une crise lors de sa survenance mais on s’équipe bien en amont de matériels qui souvent n’ont qu’une durée de vie limitée et qu’il faut donc renouveler sans que l’on ait eu un usage effectif. L’exemple le plus simple la pharmacie de première urgence. En prévision de la crise on s’équipe de tous les produits de soins nécessaires en souhaitant de ne jamais avoir à les utiliser. Et, quelques mois après, il faut remplacer tous les produits périmés.

Cet équipement préventif dont il est question ici dépend des risques répertoriés. Au même titre qu’en prévision de cyclone je me constitue une réserve d’eau et d’aliments car il y a un risque que je ne puisse m’approvisionner avant plusieurs jours, une municipalité, par exemple, doit s’équiper en prévision de devoir héberger des sans-abri pendant plusieurs jours. C’est un investissement qu’elle devra consentir au départ mais surtout renouveler pour une part en fonction de l’état du matériel et de l’effectif de citoyens qu’elle serait amenée à prendre en charge chaque année. Donc il ne s’agit pas d’un investissement une fois pour toutes. Il faut disposer d’un équipement complet mais il faut aussi s’assurer en permanence que le matériel est disponible, fonctionnel et accessible. Donc, il convient de prévoir de les entretenir,(révision, réparation) et de les remplacer quand il le faut.

S’agissant des matériels de secours et d’aide aux populations, les AASC sont soumises aux mêmes exigences que les Officiels et les communes. Elles doivent disposer de matériel leur permettant d’intervenir sur des opérations à la demande des autorités. Mais, elles sont souvent confrontées à un problème de financement de ces matériels. En effet quand elles ne bénéficient pas de subventions, ce sont les dédommagements qu’elles reçoivent pour leurs prestations en temps ordinaires qui leur permettent de financer l’achat et la remise en état quand cela s’avère nécessaire, de ces matériels indispensables, qu’il faut après entreposer en des lieux sûrs, sains et accessibles. Ce lourd investissement n’est pas toujours facilement réalisable. Par exemple, en cette période pandémie et donc de diminution des manifestations festives et sportives, le financement de nouveaux matériels est particulièrement difficile pour certaines AASC.

Bénéficier d’un local est aussi une disposition logistique nécessaire. Non seulement cela permet d’une part de rendre visible l’association et d’autre part une meilleure gestion des matériels et des initiatives plus nombreuses en matière de gestion des formations.

Le cas de la Protection civile mérite ici d’être cité pour l’indigence de son local, réduit à un container où sont entreposés de nombreux matériels.

    *****     

4/Que peut-on faire en plus des actions de l’État ?

Il est évident que les hommes et le matériel ne suffisent pas s’il n’y a pas une organisation parfaite. La sécurité est certes au plus haut niveau une compétence régalienne de l’État mais, pour ce qui concerne nos propos ici, il y a avec l’implication des bénévoles un aspect lié à la solidarité et là, les collectivités ont un rôle primordial à jouer.

J’entends par solidarité ici, la fusion des responsabilités individuelles des éléments d’un groupe en une responsabilité collective. En restreignant le groupe à une petite communauté telle une section dans une commune, je parlerai de solidarité de proximité. C’est de cette forme de solidarité qui m’intéresse en premier lieu ici. Mais je n’exclus pas des formes plus larges de solidarité nationale et voire internationale. Dans le premier cas nous avons coutume de dire « sé on men ka lavé lot » ce qui n’est possible que si les deux mains appartiennent au même corps, c’est la solidarité de proximité. Pour l’autre cas, je renvoie à l’image de la jarre percée où, plusieurs mains, appartenant donc nécessairement à plusieurs corps, sont rassemblées tout autour dans le but d’obstruer tous les trous et l’empêcher de se vider.

De tous les évènements récents dont nous sommes informés en temps réel, on voit bien que les premières interventions sont du fait des voisins, des gens de son quartier. Cette solidarité de proximité est donc essentielle et mérite d’être organisée sinon sécurisée. Les collectivités doivent pouvoir mesurer à tout moment, les solidarités à venir en cas de catastrophe et leur possible organisation et implication, afin de pouvoir infléchir si besoin est les décisions de l’État en termes de gestion des risques voire de gestion de crises. Pour cela, une vision exhaustive des possibilités de mobilisation des bénévoles dans le pays est nécessaire. C’est une pièce importante que les collectivités peuvent ajouter à leur dispositif de gestion de crise. Mais encore faut-il qu’elles y attachent une importance en s’inquiétant des besoins des AASC et en valorisant le bénévolat.

La vision de la solidarité caribéenne que ce dernier séisme a réveillée en moi, m’incite à avancer cette proposition. Et, pour user d’une formule consacrée je dirai : « s’il s’avérait que cette organisation est en encours de réalisation alors je vous prie de ne pas tenir compte de cette proposition ! ».

J’espère un jour voir notre solidarité se concrétiser pas seulement par des dons, qui tout en étant d’une grande importance, peuvent malheureusement être assimilés à de la charité, mais par des aides concrètes impliquant physiquement et intellectuellement le Guadeloupéen sur le terrain des opérations d‘aide aux populations. Ce sera aussi pour nous, parce qu’il n’existe pas d’autres moyens pour acquérir une formation pratique, l’occasion de fréquenter cette école de l’apprentissage de la gestion de crise que sont les participations, sur le terrain, à la gestion de grandes catastrophes.

*Max Dorville est Membre de la Protection Civile de Guadeloupe., Association affiliée à la Fédération Nationale de Protection Civile. article déjà publié sur CCN  en Aout 2021

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