Gwadloup/France. Fin de l’État-Providence, l’heure de nous-mêmes a sonné !
Jeudi 3 octobre 2024. CCN. La déclaration de politique générale du Premier ministre souligne l’importance de prendre ses responsabilités et de tracer son propre chemin.
L’analyse de Teddy Bernadotte
« Chak bougo ka alé zekal a’y »
Ce discours s’inscrit dans un contexte de fort endettement public et de réduction des dépenses, annonçant la fin de l’État-providence et le début d’une nouvelle ère d’évaluation des politiques publiques.
Une crise révélatrice
Alors que l’État traverse une crise institutionnelle et budgétaire, les régions, dont la part de la dette publique ne représente que 8%, se montrent résilientes. Grâce à des partenariats efficaces, leurs investissements ont augmenté de plus de 26% en quatre ans, démontrant leur rôle dans la relance économique. Les dépenses régionales, représentant seulement 20% des dépenses publiques, témoignent de leur maîtrise budgétaire.
La fin de l’emploi public ?
Il est temps d’explorer de nouvelles voies pour la création d’emplois. La culture de la fonction publique a engendré une peur du risque, freinant les initiatives innovantes. Les délais de financement et la complexité des aides publiques nuisent au dynamisme entrepreneurial, illustré par un taux de chômage élevé et une faible pérennité des entreprises créées en Guadeloupe.
Les entreprises ne disposent pas toujours des ressources pour le faire. Il ne s’agit pas d’un manque de volonté mais bien souvent d’une incapacité, ce qui revient à mettre l’accent sur un besoin primordial d’accompagnement, solide, dynamique, réactif, des entreprises pour explorer ces nouvelles voies.
L’indispensable partenariat public-privé intégrant le monde associatif et la société civile permettrait d’accroître l’efficacité des politiques publiques.
Augmenter le nombre de couveuses pourrait aider à surmonter ces obstacles.
Responsabilité et performance
Pour répondre aux défis du troisième millénaire, tels que le réchauffement climatique et la transition énergétique, il est crucial de changer de paradigme. La mise en place d’outils réglementaires et fiscaux est essentielle pour optimiser les compétences transférées et améliorer la qualité des services publics.
Évaluer et co-construire
Il n’existe pas d’évaluation chiffrée des impacts des transferts de compétences depuis la décentralisation. Il est impératif de concevoir des indicateurs fiables pour mesurer la qualité des services. De plus, la co-production des politiques publiques avec les citoyens et les associations est désormais nécessaire pour renforcer la légitimité des collectivités.
Vers un nouveau modèle de développement
Le caractère archipélagique, l’opportunité de la riche biodiversité et de l’agro-transformation, la dimension internationale des laboratoires scientifiques, le prochain campus universitaire de santé, tourné vers le bassin caribéen, qui vise à promouvoir l’économie de la santé… Autant d’atouts sur lesquels il convient de s’appuyer désormais.
L’histoire a montré que les crises sont incontournables, mais les changements cassent les codes, les habitudes et engendrent des peurs, voire certaines résistances.
La crise offre une opportunité de transformation de l’action publique. Un modèle qui respecte l’autonomie des collectivités et favorise une coopération locale adaptée à la Guadeloupe est primordial. Ce modèle doit s’appuyer sur la science administrative, privilégiant l’efficacité et la confiance citoyenne.
Toutes idéologies confondues, ces constats sont assez partagés. Avec le recul de mon expertise territoriale et les enseignements tirés de la recherche universitaire, je considère que la principale difficulté réside désormais dans la manière d’y parvenir : avec quels moyens, quelles priorités et dans quelles temporalités ?
La question centrale demeure celle de la qualité des ressources humaines et invite à interroger la formation et les modes de gouvernance des structures publiques et privées, d’où la nécessité de promouvoir
un THINK TANK, lieu d’échanges et de « fertilisation croisée » des idées, des ambitions, pour rationaliser et réussir l’action publique locale.
« L’heure de nous-mêmes a sonné. » Cette pensée de Pierre Aliker exprimée lors du décès d’Aimé Césaire n’a jamais été aussi prophétique.
Teddy Bernadotte
Enseignant et Chercheur
Université Toulouse 1
Capitole – Ecole doctorale de Droit et Science politique
Unité de recherche : IMH – Institut Maurice Hauriou EA