Quand j’ai entendu successivement Victorin Lurel (Sénateur Neo-LREM), Ronan Ponnet (journaliste résident franco-Français de Guadeloupe1ère), Patrick Vial-Collet (Président de la C.C.I.G.) et même PBT une prétendue « sociologue » guadeloupéenne, qualifier les jeunes qui ont commis des actes de violence dans les rues et commerces de Pointe-à-Pitre, de Basse-Terre, mais aussi à Fort-de-France, de « voyous » de « délinquants » etc., je me suis d’abord interrogé sur l’origine de ces « jeunes » et sur les causes réelles de toute cette violence ?
Ensuite, je me suis posé la question du lieu où s’exprime ces violences ?
J’ai attendu que des confrères ou des « intellos », plutôt que de condamner sans expliquer tentent d‘y apporter des réponses : Ayen !
La désormais néo-sociologue officielle du pouvoir colonial, français s’est répandue lamentablement dans tous les médias qui l’accueillaient, en allant dans le sens du vent pour condamner, stigmatiser, les jeunes, sans vraiment expliquer les raisons de cette poussée de fièvre et de toutes ces violences urbaines (elle n’est pas qu’urbaine, car même loin des centres urbains, la violence est identique).
1/ Ces jeunes, qui sont-ils ? Des extra-terrestres ? Jusqu’à preuve du contraire, ils sont tous des guadeloupéens ou des martiniquais. Je tiens à le préciser, car dans les décennies précédentes, en Guadeloupe, dans les médias officiels, le quotidien France Antilles surtout, aimait titrer sur les « dominicains » exilés ou clandestins en Guadeloupe, ils étaient selon ce journal, à l’origine des braquages, des violences etc.
Aujourd’hui on en parle moins…
2/ Pourquoi des jeunes guadeloupéens/martiniquais sont-ils devenus des casseurs, des incendiaires, des dévaliseurs de magasins ? Est-ce un virus ? Ou à cause du virus qui depuis deux ans perturbe notre vie sociale, culturelle, économique ?
Non, si ces jeunes ont agi de la sorte, c’est qu’ils sont très mal dans notre société. Laissés pour compte depuis des années, ils n’existent pas vraiment socialement, et encore moins au plan économique.
Oui de temps à autre on entend une initiative prise ici ou là, mais à notre connaissance, un plan destiné à prendre réellement en charge des jeunes guadeloupéens qui sont pour certains « hors système”, n’a jamais été pensé et mis en place.
Ary Chalus que nous avons récemment interrogé (#ZCLNEWS) à propos de « Guadeloupe Formation”, n’a pas semblé être très emballé sur le bilan de cette structure. Mais pas de généralisation, il ne faut pas pour autant penser ni laisser croire que TOUTE notre jeunesse soit à la rue et prête à tout casser. Nos jeunes diplômés, ne prennent pas le chemin de la rue, ils prennent l’avion et s’exilent en espérant pouvoir revenir…, mais les chances de retour s’amenuisent, car le pays n’offre pas de réelles perspectives.
On comprend alors que ceux qui n’ont ni emploi, ni possibilité de travailler, sombrent parfois petit-à-petit dans des déviances, même si tel n’est pas à priori, le but de leur vie.
En 2009, en pleine crise sociale il y avait et on s’en souvient, des violences similaires. Elie Domota avait été interrogé et répondait déjà de cette façon :
« Ce sont des petits Guadeloupéens en désespérance dans ce pays, tout simplement parce que toutes les politiques de l’État ou des collectivités n’ont jamais répondu aux problèmes de priorité d’emploi, de formation et d’insertion professionnelle ».
12 ans après, il pourrait re dire la même chose.
3/ Dans quel pays vivons-nous ? En dépit des termes utilisés par les politiques et une majorité de journalistes guadeloupéens et étrangers à la Guadeloupe qui nient la réalité en disant que la Guadeloupe est une « région française », un « département français », une région ultrapériphérique etc…
Force est de constater qu’à la lecture de notre réalité quotidienne, la Guadeloupe de 2021 est toujours une colonie. Feu patriote Raoul Cyrille Serva (Philosophe patriote) disait que nous étions « une colonie départementalisée« . Aujourd’hui, on devrait dire « une colonie régionalisée ».
La Guadeloupe est colonisée depuis 1635 par la France, et en dépit des combats menés à toutes les époques, notre pays est encore sous domination coloniale. Bien entendu, les structures ont évolué, mais le rapport avec la France coloniale et impériale est demeuré le même.
Nos politiques, malgré les efforts de certains, sont restés très dépendants du pouvoir Parisien, donc souvent inefficaces. Notre économie, notre système scolaire, notre biodiversité, bref toutes les décisions fondamentales, sont prises à 8000 km. La constitution française a bien laissé quelques petits attributs aux politiques, mais l’essentiel est à Paris.
4/ Ce que dit Frantz Fanon sur la violence ? Quand la semaine dernière le premier ministre français a accepté de recevoir (en webinaire) les parlementaires, ses décisions n’ont souffert d’aucune contestation, il a décidé et les parlementaires ne devaient qu’obéir. C’est un acte de violence de…
D’où le blocage de la situation !
Toujours en quête de réponses au problème de la violence des derniers jours, je me suis une fois de plus plongé dans l’ouvrage toujours d’actualité de Frantz Fanon « les Damnés de la terre » et le psychiatre anticolonialiste et toujours visionnaire permet à ceux qui le souhaitent, de mieux comprendre et d’interpréter cette violence en pays colonisé.
Ainsi, il écrivait en 1961 : « Le colonialisme n’est pas une machine à penser, n’est pas un corps doué de raison. Il est la violence à l’état de nature et ne peut s’incliner que devant une plus grande violence ».
Alors que la Guadeloupe, la Martinique sont en proie à de grosses difficultés sociales et sociétales, que proposent Macron-Castex-Le Cornu ? L’envoi de policiers anti-terroristes, GIGN et RAID. Cela signifie-t-il que ces jeunes qui cassent et qui brûlent, sont des terroristes ? Doivent-ils être traités de cette manière ?
Mais ces jeunes n’ont pas lu Fanon, j’en suis presque sûr, mais ils ont intuitivement compris, mieux que certains politiques, certains journalistes, philosophe ou sociologue, la vraie nature du système dans lequel ils vivotent. Leur violence qu’on ne justifie pas, est en fait leur réponse, leur manière de « survivre », leur manière de lancer des alertes…
Hélas pour les entreprises locales cassées, dévalisées et incendiées, ces individus qui ne sont pas tous « jeunes », ne font pas la différence. Pour eux TOUT est LE SYSTEME…
Encore, Fanon qui écrivait : « La violence assumée permet à la fois aux égarés et aux proscrits du groupe de revenir, de retrouver leur place, de réintégrer la violence qui est ainsi comprise comme la médiation royale. L’homme colonisé se libère dans et par la violence ».
A bien regarder la situation actuelle, les organisations en lutte aux côtés du L.K.P. ont débuté leur longue marche le 17 juillet 2021. Des courriers pour interpeller sur la situation sociale et faire des propositions ont été adressés aux élus, aux parlementaires, aux représentants de l’État, mais cela n’a rien donné, ils n’ont pas été entendus.
Mais la violence de ces jeunes, en dépit de tous les dégâts créés, a eu au moins le mérite de réveiller tous ceux qui ne voulaient rien entendre de la réalité de notre pays. Que doit-on en conclure ?
Faut-il dans la colonie une violence égale à celle du colon vis-à-vis des colonisés, pour être enfin entendu ?
DZ