Pawol Lib (Libre Propos) est une nouvelle rubrique de CCN. Notre rédaction propose donc à tous les progressistes qui le souhaitent un espace de communication, une tribune dont le but principal est de porter une contribution au débat d’idées qui fait cruellement défaut dans notre pays. Les points de vue exprimés dans « Pawol Iib » n’engageront pas nécessairement la ligne éditoriale de CCN mais il nous semble indispensable que les intellectuels, la société civile aient la possibilité de pouvoir très librement opiner dans nos colonnes. Cette fois, Jean marie Nol qui nous soumet son billet.
Malgré l’aide de plusieurs milliards d’euros alloués par la France, la Guadeloupe reste embourbée dans une situation financière difficile. Le problème numéro 1 de la Guadeloupe est désormais le manque d’argent sonnant et trébuchant, et cela entrave le bon fonctionnement du département.
Les collectivités locales sont asphyxiées financièrement et accusent presque toutes des situations budgétaires déficitaires, le CHU est gravement endetté et souffre d’un manque de ressources financières empêchant un fonctionnement optimal, les moyens financiers sont absents pour résoudre la crise de l’eau, des déchets et des sargasses, les délais de paiement aux entreprises s’allongent et les impayés flambent dans toutes les strates de l’économie guadeloupéenne … Etc..
S’en suivent des saupoudrages d’aides financières diverses qui ont une propension naturelle à ne pas aboutir pour une meilleure régulation du système économique, le danger d’un endettement pléthorique est bien présent et la menace d’une bulle immobilière est prégnante, et pourtant toujours de bonnes intentions des élus mais tout le bazar financier continue de plus belle.
La mise en œuvre de plans de redressement tient rarement ses promesses et nous générons toujours peu de croissance au bout du tunnel. Tour d’horizon des plaies qui pèsent sur l’économie guadeloupéenne et qui risquent de nuire à la croissance future de la Guadeloupe.
La Guadeloupe doit désormais s’interroger sur sa croissance future à horizon 2030, car l’hypothèse d’un déclin durable n’est plus à exclure. On peut ironiser sur la fiabilité, voire sur la pertinence d’un exercice de projection à l’horizon 2030.
Mais l’exercice n’en est pas moins indispensable tant les enjeux sont importants pour une meilleure visibilité sur notre avenir. L’érosion de la productivité en Guadeloupe que les statisticiens de l’Insee constataient dès 2018 ira en s’accélérant et les interrogations lancinantes sur notre capacité à maintenir ou renouveler les avantages comparatifs de notre production locale sur le marché hexagonal voire mondial se doublent désormais de questions nouvelles sur l’impact technologique à long terme sur l’économie : impact sur notre appareil productif, sur nos emplois et sur notre capacité à innover.
Aucune de ces questions n’est spécifique à la Guadeloupe.
Elles trouvent cependant un écho particulier dans un pays soucieux de plus de gouvernance locale. La Guadeloupe connaît actuellement une période charnière de son histoire entre un monde de la départementalisation qui se meurt et le nouveau qui se cherche avec la différenciation ou encore l’autonomie.
La capacité de ce pays à s’adapter à ce changement déterminera grandement son avenir économique, démographique, social et societal. Et de fait, la vérité doit être dite sans fard : La richesse produite par le pays à savoir le PIB va drastiquement baisser dans la décennie à venir.Les derniers chiffres disponibles de l’Insee sur la situation macroéconomique de la Guadeloupe sont les suivants.
En 2017, le produit intérieur brut (PIB) de la Guadeloupe progresse de 3,4?% en volume. La population, estimée à 393?640 habitants au 1er janvier 2017, est en diminution depuis 2012.
Par effet mécanique, le PIB par habitant de 23?152 euros en 2017, est en hausse de 4,1?% en euros constants par rapport à 2016. En Martinique, il est de 23?188?euros, 15?339 euros en Guyane et 34?151 euros sur la France entière. Pourquoi cette situation va être amenée à évoluer dans la prochaine décennie et conduire selon toute vraisemblance à une diminution du produit intérieur brut (PIB) de la Guadeloupe ?
D’abord en raison du vieillissement de la population et ensuite de la forte réduction du poids de la production locale dans l’économie globale et de la diminution de la consommation, et puis enfin du fait de l’introduction massive des nouvelles technologies dans l’économie locale.
– Premier facteur qui va impacter le PIB de la Guadeloupe : Le vieillissement de la population et le départ massif des jeunes Guadeloupéens.
La Guadeloupe sera tout d’abord plus vieille à l’horizon 2025 . En effet, en dépit d’une immigration dynamique , elle va connaître au cours de la prochaine décennie un vieillissement d’autant plus rapide que les générations du baby-boom de la départementalisation finiront de sortir de la vie active. Par conséquent, cette évolution entraînera une vive remontée de la proportion d’inactifs dans la population totale via l’augmentation du nombre des retraités.
En 2025 , le taux de dépendance, c’est-à-dire le rapport du nombre d’inactifs (enfants et seniors) au nombre d’actifs, aura retrouvé son niveau des années 1960 mais cette fois ce seront les aînés qui se seront substitués aux enfants.
Le vieillissement de la population aura des conséquences inévitables. Tout d’abord, concernant les revenus, sans mesures capables de stimuler la croissance économique, ni report de l’âge légal de départ à la retraite et ni diminution des pensions de retraites, cela impliquera nécessairement une hausse très sensible des prélèvements (sur les actifs, les retraités et les entreprises).
Ensuite, cette évolution représentera également un défi pour le système sanitaire. En effet, les besoins en personnel d’accompagnement seront importants et nécessiteront un développement qualitatif de l’offre de services adressée aux personnes âgées.
– deuxième facteur qui va influer sur le PIB : La baisse du poids de la production locale dans l’économie et la réduction des transferts publics de la France hexagonale.
La décennie passée a vu la production locale perdre progressivement de son importance dans le total des richesses produites au niveau local . En effet, la croissance de la production locale a été particulièrement faible au cours de la dernière décennie, en partie sous l’effet de la crise globale que subit l’agriculture du pays Guadeloupe, mais également suite au ralentissement des gains de productivité concernant les cultures d’exportation de la canne à sucre et la banane (2 spéculations agricoles condamnés à terme) , lui-même conséquence d’un moindre investissement et d’un freinage des processus permettant de stimuler la production des entreprises et la concurrence.
Toute cette problématique financière va se trouver aggravée avec la réduction de la dépense publique en France et donc par voie de conséquence la baisse drastiques des transferts publics vers la Guadeloupe. Et que dire de la menace de disparition qui pèse sur la surrémunération des fonctionnaires. Beaucoup d’avantages sociaux acquis sous l’ére de la départementalisation risquent d’être mis à mal par un pouvoir central impécunier et donc aux abois sur la problématique de la dette et des déficits budgétaires . Tout cela entraînera mécaniquement une baisse de la consommation qui était jusqu’ici le facteur principal du dynamisme de la croissance en Guadeloupe.
– Troisième facteur qui influencera le PIB à la baisse : L’évolution technologique et la mutation du travail.
En Guadeloupe, la révolution numérique et l’intelligence artificielle est un thème particulièrement méconnu du grand public, mais il est déjà en vogue partout dans le monde : les médias y consacrent de nombreuses couvertures de presse, les politiques cherchent à l’appréhender davantage, notamment avec la publication récente du rapport du mathématicien et ancien député Cédric Villani, et les entreprises, en particulier du numérique, accroissent leurs efforts de recherche et développement dans ce domaine.
Parallèlement à cet intérêt grandissant, la révolution numérique et l’IA semblent menaçantes pour la Guadeloupe , en termes de destructions d’emplois, pour de nombreux secteurs de l’économie, suscitant des doutes quant à son potentiel de nuisances pour la croissance. En d’autres termes la croissance induite par le progrès technique ne tombera pas du ciel pour la Guadeloupe.
Dans la théorie économique néoclassique, le progrès technique et l’innovation sont exogènes à la croissance économique. Cette vision est étroitement liée au futur montant des investissements des acteurs économiques en Guadeloupe .
Et d’ailleurs, il y a fort à parier que les investisseurs seront plus frileux pour investir dans la relance de la production locale. Comme toujours dans les facteurs clés de l’innovation, la culture, le système de valeur, des institutions favorables à l’entrepreneuriat et l’état d’esprit collectifs comptent autant que les financements ou les compétences qui sont, à l’échelle mondiale, devenus des commodités. A nous guadeloupéens de créer un système de valeur permettant de valoriser une marque de fabrique locale Guadeloupe spécifique, et pourquoi pas instaurer un nouveau modèle économique et social pour faire mentir cette mauvaise prévision de croissance dans les années qui viennent !
Toi qui me lit :… « Garde en mémoire que l’avenir te sera plus doux si tu emploies bien le temps présent. » Proverbe grec ;
Jean marie Nol – économiste.
Source JD
Le Néolibéralisme comme Régime Féodal, Informatique et Financier.
- 13 déc. 2019
- Par Revue Du MAUSS
- Édition : Dossier David Graeber
LE REGIME D’ACCUMULATION INFORMATICO-FEODALO-FINANCIER
Le régime d’accumulation au croisement de l’informatisation, de la financiarisation et de la féodalisation.