Martinique. Décolonial. Le Front International de Décolonisation (FID)… Un an après
Martinique. Décolonial. Le Front International de Décolonisation (FID)… Un an après
Fort-de-France. Vendredi 12 décembre 2025. CCN. Le FID : Front International de Décolonisation, né en janvier 2025 en Kanaky de la volonté et à l’initiative de plusieurs organisations anticolonialistes de la Caraïbe, de l’Océan Indien et même au-delà. CCN souhaite faire le bilan de cette 1re année du FID avec les organisations de notre région. Nous débutons avec le Parti pour la Libération de la Martinique (PALIMA) ; son leader, Francis Carole, a répondu à toutes nos questions. C’est à lire.
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CCN. Comment est né le FID ? Avec quelles organisations ? D’où est venue l’idée ?
Francis Carole Le Front International de Décolonisation est d’abord le résultat d’un long processus de collaboration entre différentes organisations patriotiques des dernières colonies françaises.
Le soulèvement de Kanaky en 1984, la Conférence de Bonneveine en 1985 ou encore les Rencontres de Corte concourent à créer de solides liens entre les organisations et leurs dirigeants, et posent progressivement la question de l’organisation plus rationnelle de leurs relations. Sans ce processus historique sur une période relativement longue, la nécessité de la création d’une structure unitaire ne se serait même pas posée.
Un moment clef intervient en 2022, lors du Ralliement international sur le foncier organisé en Guyane, du 21 au 25 novembre, par le député du MDES, Jean-Victor CASTOR. Cette réunion constitue la rencontre la plus large entre nos différents pays depuis plusieurs années, avec les Guyanais, les Corses, les Polynésiens, les Martiniquais, les Guadeloupéens et les Kanaks, par visioconférence.
En marge des travaux de ce ralliement, des échanges importants auront lieu sur la possibilité d’une nouvelle Conférence des dernières colonies françaises, sur la conjugaison de nos forces ou encore sur l’inscription de nos pays sur la liste de l’ONU des territoires non autonomes. Cette réflexion s’avère d’autant plus importante que nous sommes bien conscients que les rapports de force mondiaux sont en train de changer et que l’impérialisme français est en voie d’affaiblissement.
Par la suite, à l’initiative des camarades du FLNKS, Guyanais (MDES), Martiniquais (PALIMA, MODEMAS), Kanaks (FLNKS), Polynésiens (TAVINI HUIRAATIRA) se rencontreront à Bakou.
Dans un second temps viendront des représentants de la Guadeloupe (UPLG) et de la Corse (Nazione). Ces rencontres entre organisations patriotiques renforceront et élargiront la volonté de travailler ensemble.
Des divergences de fond se manifesteront sur la nature de la structure à créer et sur les conditions qu’il convient de réunir pour constituer un front large que nous voulons, pour notre part, respectueux de chacune des nations qui le constitueraient et radicalement indépendant de tout groupe de pression ou État.
Durant 6 mois, de juillet 2024 à janvier 2025, un travail collectif de rédaction de la Charte et des statuts du FID est mené. C’est l’ensemble de ce processus, avec ses contradictions, qui conduira à la création du Front International de Décolonisation, à Nouméa, en janvier 2025.
Le FID est alors porté sur les fonts baptismaux par 8 pays et 14 organisations.
CCN. Les organisations qui y sont membres sont-elles satisfaites de son impact, de son mode de fonctionnement ?
- Depuis sa création, le FID a été rejoint par la Réunion et les Comores ainsi que par d’autres organisations originaires de certains pays fondateurs. D’autres nations colonisées demandent aussi leur adhésion.
Par ailleurs, le FID a participé à plusieurs événements à travers le monde. Mais, bien sûr, son impact reste à renforcer.
Le mode de fonctionnement du FID repose sur le principe du consensus. Il aurait été en effet absurde et dangereux de placer les décisions du FID entre quelques mains et d’instituer un principe de majorité et de minorité qui n’aurait absolument aucun sens dans la mesure où aucune structure ne saurait imposer à des organisations et des pays différents des décisions prises « majoritairement » par un bureau exécutif qui, à l’usage, deviendrait le centre de décision de l’organisation. Cette vision bureaucratique, fermée, irréaliste, nous aurait conduits à l’impasse.
C’est la raison pour laquelle le congrès de Nouméa a retenu, à l’unanimité, le principe du consensus dans les prises de décisions et l’idée d’une Coordination Générale composée de deux membres par pays plutôt qu’une organisation pyramidale dirigée par un bureau exécutif.
Ce choix est fondé sur la diversité des pays membres, la diversité idéologique des organisations membres, le respect de l’indépendance de chacun de nos peuples à l’intérieur du Front, et la volonté de maintenir la cohérence et la transparence dans le fonctionnement du Front. Pour ce qui nous concerne, nous ne déléguons à personne le droit de prendre des décisions pour nous. Nous faisons un choix ensemble, d’autant que notre action porte sur la solidarité entre nos peuples, la popularisation de nos luttes sur le plan international, l’inscription ou la réinscription de nos pays sur la liste de l’ONU des pays non autonomes et notre adhésion, en tant qu’observateurs, au Mouvement des Non-Alignés.
Ceci étant posé, dans le cadre de notre fonctionnement collectif, chaque organisation, chaque pays est libre de ses options et de ses alliances internationales. Rien ne peut être cependant imposé à l’ensemble du FID, aux organisations et aux pays qui le composent contre leur volonté.
Le congrès de Nouméa a donc fait le choix de regarder l’essentiel, c’est-à-dire la lutte pour la décolonisation de nos peuples, plutôt que de s’égarer dans des enjeux de pouvoir lilliputiens sans intérêt pour l’Histoire et, ce faisant, de faire le jeu du colon.
CCN. Au niveau international, le FID commence-t-il à être connu ?
- Je vous ai rappelé, plus haut, quelques acquis. Néanmoins, il convient d’être plus ambitieux et, surtout, d’avoir l’intelligence et la capacité de se concentrer sur l’essentiel. Il ne faut jamais confondre les luttes de nos peuples et les intérêts de personnes.
CCN. Le FID est-il sous contrôle ?
- Un des principes fondamentaux du FID, c’est son « indépendance à l’égard de tout État et/ou de tout groupe de pression ».
Nous l’avons écrit et unanimement voté dans notre Charte de fondation et dans nos statuts. C’est un principe sur lequel nous ne transigeons pas et n’entendons faire aucune concession.
Ce sont nos peuples qui ont créé le FID. Le FID est donc au service de leurs luttes. Ses enjeux stratégiques sont la décolonisation et la souveraineté de nos nations, pas d’être instrumentalisé dans d’autres paradigmes…
Nous y tenons comme à la prunelle de nos yeux.
Les dirigeants patriotes de nos pays ont le devoir de donner l’exemple de leur indépendance pour éduquer nos peuples dans l’esprit de fierté nationale et de dignité. Nous ne sommes pas d’immenses pays. Ce qui nous fera respecter partout, c’est notre travail, notre niveau de conscience, de clairvoyance, d’estime de nous-mêmes et une rigueur intellectuelle et éthique absolue.
Notre histoire, les défis que nous avons à surmonter dans un monde impitoyable exigent que nous ayons ce modèle de dirigeant·e·s. Ce n’est pas le plus simple, mais c’est la seule voie de la souveraineté.
Je peux aussi vous assurer que tous les événements organisés par le FID sont financés par le FID. Il faut se rappeler que celui qui finance dirige, c’est la raison pour laquelle notre position sur cette question est très claire : nous avons fait le choix de notre dignité.
CCN. Oui mais, tout de même, il va falloir voir comment améliorer le FID pour accroître son audience et sa visibilité ?
- En fait, le FID doit être une volonté politique pour la décolonisation. Ses objectifs sont clairs. Il n’y a donc rien d’autre à « améliorer » si ce n’est notre lucidité et notre détermination.
CCN. Visiblement, certaines organisations anticolonialistes n’ont pas voulu immédiatement adhérer au FID…
- Beaucoup d’organisations de Guadeloupe, de la Réunion, des Comores et de la Martinique y ont adhéré. C’est déjà très bien. Toutes, pour de multiples raisons, ne nous ont pas encore rejoints. Je ne saurais répondre précisément pourquoi à leur place.
Il reste que c’est en créant une dynamique positive d’actions que le FID accomplira les missions qu’il s’est fixées et parviendra à convaincre plus largement. Nos peuples ne nous pardonneront pas d’avoir fait le choix du subalterne plutôt que de nous élever au niveau des exigences de l’Histoire.
Interview de Francis Carole

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