Lima. Jeudi 29 juillet 2021. CCN/Bolivarinfos/Françoise Lopez. Extraits de son discours d’investiture : Je commence par saluer les frères descendants des peuples originaires du Pérou préhispanique, mes frères quechuas, aymaras et amazoniens, les afro-péruviens et les différentes communautés qui descendent de migrants et toutes les minorités démunies des champs et de la ville. Ensemble, nous disons, aujourd’hui : KASHKANIRACMI! Nous sommes toujours là !
Je m’adresse à vous en ce jour symbolique qui est le 22 ème anniversaire de la déclaration d’indépendance du Pérou, 2 siècles de vie républicaine. C’est une immense fierté pour moi d’être ici aujourd’hui.
Bien que nous commémorions une date aussi symbolique, notre histoire, sur ce territoire, vient de beaucoup plus loin. Nous sommes le berceau dcin fois millénaire d’une grande civilisation et de grandes cultures. Sur nos terres ont fleuri d’importants et de grands Etats comme le Wari et ensuite, le Tawantinsuyo. Pendant 4500 ans, nos ancêtres ont trouvé des façons de résoudre leurs problèmes et de coexister en harmonie avec la riche nature que la providence leur a donnée.
Il en fut ainsi jusqu’à l’arrivée des Castillans qui, avec l’aide de nombreux felipillos1, profitant d’un moment de chaos et de désunion, ont réussi à conquérir l’Etat qui jusque là dominait une grande partie des Andes centrales.
La défaite de l’empire inca a ouvert la voie à l’ère coloniale. Alors, avec la fondation de la vice-royauté, les castes et les différences qui persistent jusqu’à aujourd’hui, ont vu le jour.
Les 3 siècles pendant lesquels ce territoire a appartenu à la couronne espagnole lui ont permis d’exploiter les minéraux qui ont soutenu le développement de l’Europe, en grande partie grâce à la main d’oeuvre des grands-parents de beaucoup d’entre nous.
La répression de la juste révolte de Tupac Amaru et de Micaela Bastidas a fini de consolider le régime racial imposé par le vice-roi : il a détruit les élites andines et a soumis encore plus la plupart des habitants indigènes de ce pays riche.
40 ans plus tard, l’indépendance du vice-royaume du Pérou par rapport à l’Espagne n’a apporté aucune amélioration réelle à la plupart des Péruviens : ceux qu’on appelait les « aborigènes » ont continué à être exploités en tant que citoyens de seconde catégorie pour enrichir la nouvelle République du Pérou. Avec le temps, à la vieille communauté afro-péruvienne amenée de force s’est ajouté la communauté provenant de Chine et ensuite du Japon. Un sang qui a enrichi nos veines mais a aussi amené avec lui la douleur. Ce ne sont pas des histoires d’un passé révolu : jusqu’à une époque très récente du XX ème siècle,n ceux qui étaient qualifiés « d’indiens » continuaient à apporter à l’Etat une contribution en travail connue sous le nom de « conscripción vial. » Alors, en Amazonis, beaucoup de peuples se sont isolés volontairement face à l’avancée féroce des caoutchoutiers qui imposaient l’esclavage et la violence qui ont été largement enregistrés dans le rapport anglais intitulé « Livre bleu. »
Jusqu’aux années 60, beaucoup de grandes propriétés étaient vendues avec leurs paysans. D’innombrables Péruviens ont continué à vivre dans la servitude.
Ce n’est que grâce à la constitution de 1979 que nous tous, les adultes, avons pu exercer notre droit de vote.
L’organisation du peuple a obtenu des avancées dans l’accès aux droits, un processus qui a été interrompu par le coup d’Etat de 1992 qui a assis les bases d’une diminution des droits, d’un affaiblissement de l’Etat grâce aux règles qui sont encore en vigueur aujourd’hui.
Dès lors, notre pays a cru en divers gouvernements qui sont arrivés au pouvoir grâce au vote du peuple mais qui l’ont fait déçu.
Cette fois, un gouvernement du peuple est arrivé pour gouverner avec le peuple et pour le peuple, pour construire à partir de la base. C’est le première fois que notre pays sera gouverné par un paysan, quelqu’un qui appartient, comme beaucoup de Péruviens, aux secteurs opprimés pendant tant de siècles. C’est aussi la première fois qu’un parti politique qui s’est constitué à l’intérieur du pays gagne les élections démocratiquement et qu’un instituteur, plus précisément un instituteur de campagne, est élu président constitutionnel de la République. Il est difficile d’exprimer le très grand honneur que c’est pour moi.
Je veux que vous sachiez que la fierté et la douleur du Pérou profond courent dans les veines. Que moi aussi, je suis le fils de ce pays fondé sur la sueur et mes ancêtres, érigé sur l’absence d’opportunités qui ont été offertes à mes parents et que malgré cela, moi aussi, je les ai vus résister. Que ma vie s’est faite dans le froid des matins aux champs et que ce sont aussi ces mains de paysan qui ont porté et bercé mes fils quand ils étaient petits. Que l’histoire de ce Pérou si longtemps réduit au silence est aussi mon histoire. Que j’ai été cet enfant de Chota qui a étudié à l’école rurale N10475 du hameau de Chugur. Qu’aujourd’hui, je suis là pour que cette histoire ne soit plus une exception.
Je veux que vous sachiez que je tiens ma parole :
Nous ne vous avons pas déçus. Je ne vous décevrai pas.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
NOTE de la traductrice: