Marigot. Samedi 21 décembre 2019. Les voitures en flammes ont remplacé les décors de Noël à Saint-Martin ces derniers jours. La Collectivité avait annoncé ne pas être en mesure d’allumer l’esprit de Noel cette année dans les lieux publics en raison de ses difficultés à respecter les conditions de passation de marché public. Daniel Gibbs souhaite d’ailleurs de nouvelles règles de la commande publique adaptées aux réalités Saint-Martinoises comme il l’a indiqué lors de son Conseil Territorial de vendredi 20 décembre alors qu’en Guadeloupe se tenait le XVI é congrès des élus : L’analyse de CCN.
Année moribonde encore pour Saint-Martin, abattue depuis le passage de l’ouragan Irma en 2017, qui semble vivre au rythme des affaires et des complots. L’audience prévue jeudi 19 décembre s’est soldée par le renvoi, prévisible, en mars 2020 de la comparution en correctionnelle du Président de la Collectivité et de deux de ses vice-présidentes. Il sort victorieux de cet épisode en s’alliant des forces, même d’opposition, à en croire la constitution d’un Comité Opérationnel Territorial (COT), réunissant quelques âmes vives de Saint-Martin, en vue de régler la question brûlante du PPRN (Plan Prévention des Risques Naturels), parmi lesquels compte son adversaire Louis Mussington. A cela s’ajoute le millier de marcheurs dont il a pris la tête à l’occasion du rassemblement, prétendument apolitique, qui a eu lieu mardi dernier.
Daniel GIBBS 1 – État 0.
Les mauvaises langues auront eu à cœur de se gausser en insinuant que les vives protestations contre l’adoption anticipée du PPRN proposée par la Préfète déléguée pour les îles du Nord, Sylvie Feucher, avaient pour objectif, malsain, de protéger Daniel Gibbs. Un écran de fumée donc pour tenter de se prémunir de la possible sanction judiciaire qu’il encourt pour les faits reprochés entre autres ?
Daniel Gibbs serait donc la victime malheureuse d’un complot orchestré par l’État français pour obtenir son inéligibilité et concomitamment la propulsion d’un candidat aux ordres ! En Mars 2019, Le président de la Collectivité territoriale avait déjà exprimé un ras-le-bol des discours divergents de l’État colonial au sujet de la promesse d’une dotation de 50 Millions pour aider à la reconstruction. Entre temps l’État renonçait à verser le solde de 25 Millions restant compte tenu de la trésorerie jugée conséquente de la COM en décembre 2017.
État : Aucunes des promesses tenues !
Daniel Gibbs avait prévenu l’État pour ne pas dire menacé. « Quand on me cherche on me trouve » avait-il déclaré en mars dernier lors d’une séance plénière de son conseil territorial ! Et pour cause ! Aucune des promesses de l’État au lendemain d’Irma n’a été tenue (financement reconstruction écoles, logements sociaux, etc). Le seul bousculement de procédures auquel Saint-Martin a eu droit est celui des procédures judiciaires contre ses élus contrairement à celui « promis » par le Président Macron pour accélérer la reconstruction.
En septembre 2018, le Président français, Emmanuel Macron alors en visite dans les quartiers sinistrés de Saint-Martin avait humilié le Président de la Collectivité à la face des médias français accentuant l’affront à toute une population.
Il l’avait alpagué comme un vulgaire voyou et semblait sûr de son coup : Saint-Martin, TOUS pourris ! Dès le lendemain de cette entrevue Macron s’était fait plus doucereux et avait promis d’aider à « changer les choses ». Un deal semblait avoir été conclu imposant à la Collectivité de se laisser prendre en mains par l’État.
Dans la foulée, la jeune agence anti-corruption avait enquêté à Marigot renforçant l’image auprès de la population que ses élus seraient corrompus. Daniel Gibbs a dès lors tout accepté des conditions de l’État pour quémander de l’aide sachant que sa collectivité est structurellement en position de faiblesse depuis l’adoption de l’article 74 où le transfert de dotation globale de compensation avait été incomplet. En effet il avait mis à la charge de la COM alors balbutiante des compétences et dettes qu’elle ne pourra jamais assumer seule ainsi que le relève un rapport de la cour des comptes.
L’autonomie en France se paie au prix cher. Restez sous le joug colonial ou mourir !
Le Président de la COM avait donc fait contre mauvaise fortune bon cœur. Il avait accepté, en avance sur son timing, le changement de gouvernance à la SEMSAMAR qui avait conduit à l’éviction brutale, voilà un an jour pour jour, de l’ancienne Directrice Générale. Un PDG et un Directeur Général lui ont succédé depuis. Daniel Gibbs se devrait de conserver à leur égard toute sa vigilance compte tenu des grands chambardements à l’œuvre. Plus que tout, il s’était plié à l’inavouable mise sous tutelle de la COM avec l’arrivée d’envoyés de l’AFD et d’autres fonctionnaires de l’État français. Il avait même consenti à mieux s’entourer suivant les codes français et à embaucher deux ex-Préfets à son cabinet pour améliorer les relations avec l’État…hypertendues !
Daniel Gibbs avait aussi accepté la révision du PPRN de 2011 qui impliquait dans sa procédure d’élaboration normale une version anticipée dont il a semblé s’étonner pourtant par la suite. Et pour cause !
Qui pactise avec le diable périt !
Daniel Gibbs exige le départ de la Préfète !
Daniel Gibbs a tenu ses engagements envers l’État en faisant preuve au passage d’une rare grossièreté envers la Guadeloupe pourtant île amie et partenaire en affaires, envers sa propre population et ses propres élus. Il avait semblé au lendemain d’Irma pouvoir jouer solo, sans ses élus, se rendant seul lors des rencontres au sommet et autres réunions interministérielles. Il s’était privé par là même de la force du collectif à laquelle il semble vouloir se connecter désormais. En retour il avait été facile pour l’État de le considérer comme un paria. Pour certains, les relations entre la Préfète et Daniel Gibbs étaient à ce point sulfureuses ces derniers temps qu’ils avaient à cœur tous deux de « s’éviter soigneusement ».
L’incroyable silence du Néo gouverneur.
D’ailleurs le Président de la COM ne se cache pas désormais pour réclamer le départ anticipé de la Préfète Feucher ainsi qu’il en a fait part à Annick Girardin la Ministre des Dernières Colonies Françaises, (MDCF) presque sans détours. Il appelle ainsi de ses vœux à une préfecture de plein exercice. Pendant ce temps, le silence médiatique assourdissant de Philippe Gustin interpelle de la part de celui qui ne rechigne pourtant jamais à s’exprimer sur les ondes.
Aurait-il été purement évincé des discussions autour du PPRN car là encore Daniel Gibbs n’a pas conservé un bon souvenir de son passage à Saint-Martin et de ses méthodes musclées pour la moralisation de la vie publique. Promesse macroniste ! Il semble que ce soit désormais à Daniel Gibbs d’imposer ses conditions et cela semble fonctionner ! Ainsi le gouvernement hollandais de Sint Marteen a refusé d’autoriser l’amerrissage des escadrons de gendarmes envoyés en renfort, en soutien à ses cousins français. Une coalition caribéenne contre les anciens colons pourrait bien naitre !
Rappelons cependant que Sint-Marteen c’est toujours la Hollande et que les instances diplomatiques européennes devront s’interroger sur la portée de ce refus et de ses conséquences sur la frontière virtuelle avec la partie française de l’île et les avantages qu’elle offre !
La Préfète a voulu passer en force et s’est heurtée à des barrages à défaut de mur. Face à tous ces couacs, désormais l’interlocutrice valable de la COM est la MDCF qui s’est exprimée sur Youth Radio une radio Saint Martinoise La Ministre dont l’affaire sur certains marchés à Saint-Pierre et Miquelon consentis à son conjoint a tôt fait d’être étouffée. Cela pourrait-il expliquer ses motivations à arrondir les angles dans le dossier Saint-Martinois ? Malgré tout sa marge de manœuvre semble réduite.
Si enfin le gouvernement français cherche à adapter sa communication en se faisant plus proche et bilingue, ce simulacre de proximité a accouché d’une souris puisqu’Annick Girardin n’a rien dit d’autre que ce qui était prévu. Le nouveau PPRN devra être adopté avant la prochaine saison cyclonique soit en mai 2020. Le nouvel enrobage prévoit juste que la mise en œuvre d’un nouveau PPRN est suspendu pendant 3 mois ce qui devrait aussi laisser le temps à la Collectivité de plancher sur son plan d’aménagement du territoire. Pour autant qu’advient-il du PPRN anticipé ? La cacophonie ne se fait que plus sournoise.
En guerre contre l’État colonial ?
Il est vrai que les représentants de l’État à Saint-Martin mais aussi en Guadeloupe ont rarement fait preuve d’autant de mépris et de violence envers les peuples de ces pays. . L’instabilité juridique et institutionnelle provoquée par les revirements du gouvernement est sans précédent. Quant aux élus ils auront compris que les courbettes ne prospèrent pas. Même Chalus pourtant très proche du gouvernement en a été la victime. Emmanuel Macron, considérant ses sbires un peu zélés s’est d’ailleurs fendu d’un tweet après l’épisode malheureux du World Trade Center de Jarry. On le voyait en photo avec le Président de la Région. Une façon pudique de lui renouveler son amitié électoraliste.
Alors oui Macron avait promis de bousculer les procédures après Irma, de mettre en place les conditions d’une reconstruction exemplaire et en lieu et place les habitants ont vu débarquer des moralistes et détectives de haut vol plus portés sur les affaires que sur leurs conditions de vie.
Les Saint-Martinois se retrouvent à lutter, dépossédés de leur identité et de leurs terres par une immigration notamment européenne vindicative et ingrate envers la Friendly Island. Pour s’en convaincre la lecture des commentaires sur les réseaux sociaux des journalistes est profondément abjecte et traduit un malaise puant de colonialisme déchainé, voir du racisme à peine voilé.
La communication de Daniel Gibbs, prolifique depuis qu’il a débauché Françoise Moutou, l’ex-Directrice de la communication de la Région Guadeloupe en tant que Chef de Cabinet à ses côtés, tente de recréer une visibilité plus positive de l’action de la Collectivité. En dépit des circonstances, la situation de la COM serait en voie d’amélioration si on en croit les dernières déclarations de Daniel Gibbs en Conseil Territorial se prévalant d’un taux d’endettement de sa collectivité nettement inférieur aux moyennes françaises Comparaison n’est pourtant pas raison !
Dans un dernier communiqué paru à l’issu des travaux du COT, le Président de la COM n’hésite donc pas à instaurer les bases d’un dialogue institutionnel avec l’État, désormais sous l’aune du chantage. Le Président de la COM espère donc des réponses favorables à ses demandes afin que les derniers barrages soient levés. Sic ! L’Etat appréciera…
En effet, à l’origine des protestations et des barrages de ces deniers jours les habitants de Sandy Ground et de Quartiers d’Orléans résistent au-delà des annonces à la fois gouvernementales et territoriales et maintiennent leurs quartiers bloqués. Ils réclament d’ailleurs en plus de régularisation foncière un débat de fond sur l’avenir social et économique de Saint-Martin.
Pour autant, le gouvernement acceptera-t-il de se laisser dicter sa conduite par le Président de la COM ? Une nouvelle version de Daniel contre Goliath pourrait se profiler à moins que, puisque l’occasion fait le larron, il ne s’agisse de l’ultime démonstration que la victimisation a toujours du bon ! Réponse le 20 Mars 2020 devant le tribunal correctionnel !
Le point central et commun aux colonies est de déterminer de quelle marge de manœuvre les collectivités disposent pour faire respecter leur peuple hors période électorale ? Surtout lorsqu’on est un petit territoire triplement isolé par la distance, les retards sociaux économiques et les alliances politiques ? Ce sont ces questions-là qui doivent permettre d’anticiper les évolutions institutionnelles souhaitées. L’État colonial français a déjà prouvé qu’on ne peut pas lui faire confiance et que nous devons réclamer notre indépendance. Avec une dette aussi importante que son PIB, la France n’a plus les moyens de ses ambitions colonialistes et veut conserver ses « possessions coloniales » sans débourser un euro.
Le XVIème congrès des élus de Guadeloupe, chargé de se prononcer sur l’évolution statutaire ou institutionnelle de la Guadeloupe a pris toutes les précautions pour qu’on n’assiste à rien de majeur. A défaut de la marche avant c’est le sur place qui semble prévaloir. La différenciation à laquelle est favorable Macron pour les colonies n’est qu’un lélé pou gaga vwè pour justifier les restrictions budgétaires à venir. A la mesure que nos politiques activent constamment la marche arrière ou le roulé freiné, c’est la France elle-même qui finira par vouloir se débarrasser de ses colonies. Tant mieux car tant qu’à faire cela semble l’issue la plus « favorable » vers l’indépendance. Mais à force de perdre du temps en petits ajustements on risque de ne jamais être prêts !