Caracas. Mercredi 27 octobre 2021. CCN/Bolivarinfos/Françoise Lopez. Interview d’Alfred de Zayas par Geraldina Colotti.
Que pensez-vous de l’affaire Alex Saab ?
L’affaire Saab montre la corruption de l’administration judiciaire, pas seulement aux États-Unis mais dans les pays qui se soumettent au pouvoir des États-Unis, fréquemment des pays faibles d’Afrique sujets à des menaces et au chantage. Cela, nous l’avons déjà vu dans beaucoup d’autres affaires de pressions comme pendant la pandémie d’ébola quand ont été imposées ce qu’on appelle « les conditions de coopération politique avec les États-Unis » préalables à l’aide médicale. Cela s’oppose au travail altruiste des médecins cubains qui sont allés dans plusieurs pays d’Afrique donner des soins médicaux aux êtres humains. Mais cette corruption du droit qu’on connaît aussi sous le nom de « lawfare » sape la justice non seulement en Afrique mais au Royaume-Uni, en Suède , en Équateur , comme l’a démontré le rapporteur de l’ONU Niels Melzer qui a récemment publié un livre sur l’affaire Julian Assange qui démontre avec beaucoup de précision les violation de l’État de droit dans ces quatre pays. Un juge indépendant au Cap-Vert aurait pu rejeter la demande d’extradition car les charges et le motif en étaient clairement politiques comme dans l’affaire de Julien à charge ou dans l’affaire du patron de l’entreprise Huawei, Meng Wangzou, qui a été,injustement arrêté à Vancouver, Canada. Heureusement pour Meng Wangzou, la Chine a pu intervenir en sa faveur et un « troc » a été organisé pour le libérer, ce qui ne signifie pas que son arrestation n’avait pas de validité.
Il est regrettable que ni la Russie ni la Chine n’ait pu influencer la décision concernant Alex Saab. Un jour peut-être quelqu’un nous révèlera-t-il combien les États-Unis ont payé pour que le Cap Vert participe à la dérive judiciaire qu’a été cette extradition aberrante.
– Qu’est-ce que cela implique au niveau du droit international ?
Le droit international est, par définition, universel et demande à être appliqué uniformément, ce qui ne correspond pas à la réalité quand certains pays puissants donnent des ordres ou imposent leur volonté de façon extra-territoriale malgré les accords en vigueur et le principe d’égalité souveraine des Etats. L’affaire Saab révèle de multiples violations du droit international, entre autres des violations de la convention sur l’immunité diplomatique. La désinformation et les «fake news» ont aussi joué leur rôle en trompant l’opinion publique. L’ancien secrétaire d’État des Etats-Unis Mike Pompeo a publié récemment un tweet typique de cet individu menteur et manipulateur : Le Cap Vert a à nouveau prouvé qu’il est toujours réellement en démocratie et qu’il a une justice indépendante. C’est bon pour lui et pour la région. » Tout le contraire de al triste réalité : le Cap Vert a sacrifié son indépendance, sa souveraineté, son Etat de Droit et la liberté d’un monsieur qui a osé ignorer le système illégal de sanctions des Etats-Unis.
– Quel sort attend Alex Saab dans les prisons de Miami?
Un simulacre de procès. N’oublions pas la condamnation aberrante des 5 Cubains qui ont informé le FBI des actes terroristes organisés par des groupes radicaux de Cubano-américains et que celui-ci, au lieu d’agir contre les conspirateurs, ont arrêté les 5. Cette affaire, connue sou le nom d’affaire « des 5 Cubains » ou affaire des « 5 de Miami, » est emblématique car elle montre que la justice, en Floride, est complètement politisée. Et c’est en 1998, sous le gouvernement de Bill Clinton que Gerardo Hernández, Antonio Guerrero, Ramón Labañino, Fernando González, et René Gonzalez ont été arrêtés, soumis à de mauvais traitements et à un soi-disant procès. Les 5 avaient dénoncé les activités subversives d’de Alpha 66, F4 Commandos, la Fondation Nationale Cubano-Américaine et Frères à la Rescousse.
– Que peuvent tenter ses avocats pour sa sécurité et le faire libérer ?
Ses avocats feront tout leur possible mais avec une campagne médiatique pleine de haine et mensonges aux Etats-Unis, ce ne sera pas facile. En tant qu’ancien membre du Florida Bar Association y del New York Bar Association (un collège d’avocats) et ayant exercé dans les 2 juridictions, je n’ai pas grand espoir.
En tout cas, ils doivent dénoncer les abus à la Commission Inter-américaine des Droits de l’Homme et aux instances spéciales du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies dont le Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire, au rapporteur sur la torture, le professeur Nils Melzer, et au rapporteur sur l’indépendance de la magistrature, García Sayán.
– En tant qu’expert indépendant de l’ONU, que pourriez-vous faire ?
Je parlerai personnellement avec plusieurs amis rapporteurs et j’essaierai de parler avec la haute commissaire aux Droits de l’Homme, Michelle Bachelet, à qui j’ai donné en septembre 2021, il y a à peine 4 semaines, mon nouveau livre «Building a Just World Order». Si la communauté internationale respectait les 25 principes de l’ordre international que je formule dans le chapitre 2 de mon livre, nous aurions pas ces problèmes qui reflètent la triste condition du monde où les politiciens parlent bien des droits de l’homme mais les trahissent quotidiennement. Ce qui manque, c’est l’honnêteté intellectuelle et un engagement envers la philosophie de l’égalité des peuples comme celui qui a été signé avec la Charte des Nations Unies.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos