Caracas. Vendredi 12 novembre 2021. CCN/Bolivarinfos/Françoise Lopez. L’analyste politique Steve Ellner fait un bilan de la politique de la Maison Blanche au Venezuela et sur le terrain de jeu face aux «megaélections» de novembre.
Voici quelques-une de ses remarques :
Washington surveille de près les élections au Venezuela
Il semble que c’était hier qu’Elliot Abrams déclarait que le Gouvernement Trump « travaillait dur » pour destituer le président Nicolás Maduro. Maintenant, Abrams (actuellement membre du conseil des Affaires Etrangères) et le Gouvernement de Biden incitent l’opposition vénézuélienne à participer aux élections régionales et municipales programmées pour le 21 novembre mais ce revirement de Washington est très loin d’être un renoncement au droit d’intervenir dans les affaires intérieures du Venezuela.
Que Washington ait imposé à l’opposition de droite dirigée par le président autoproclamé Juan Guaidó et Leopoldo López de renoncer à la politique de boycott des élections menée pendant 3 ans et qui, selon eux, manque totalement de légitimité ,n’est pas étrange. La participation aux élections est une pilule difficile à avaler pour les 2 politiciens parce que cela fiche par terre l’illusion alimentée par Washington que Guaidó est le président légitime en fonction du Venezuela et que dans quelques jours ou quelques semaines, il occupera la palais présidentiel.
En guise de contrôle des dégâts, López a annoncé qu’il était contre le fait de participer aux élections de novembre mais que la base de son parti et de Volonté Populaire de Guaidó a fait pression sur lui pour qu’il accepte cette nouvelle ligne. López qui représente une position extrémiste même à l’intérieur de son parti, était, pour les Etats-Unis « notre homme à Caracas » jusqu’à l’auto-proclamation de Guaidó en 2019. Exemples récents de l’extrémiste de López : il a déclaré que la principale organisation patronale, FEDECÁMARAS, a « trahi le pays » en faisant de la vice-présidente de la République, Delcy Rodríguez, son invitée d’honneur à sa réunion annuelle et il a attaqué l’Union européenne pour avoir donné de la légitimité à Maduro en acceptant d’envoyer des observateurs aux élections de novembre.
La division de l’opposition augmente la possibilité que le Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV) de Maduro et de ses alliés obtienne de nombreuses voix. L’institut de sondages Hinterlaces situe la popularité du PSUV à 34 %, à 13 % pour Volonté Populaire et le reste de l’opposition. Par contre, l’enquêteur de l’opposition Luis Vicente León, affirme que le PSUV se situe entre 20 % et 25 %. Bien que le PSUV ait l’avantage, le phénomène qui s’est produit au Nicaragua en 1990, quand les Nicaraguayens ont expulsé les sandinistes par peur de la violence et des sanctions économiques des Etats-Unis peut influencer le résultat des élections et profiter à l’opposition.
Maduro a dit à Bloomberg que malgré sa promesse de revoir la politique étrangère de Trump, Biden n’a pratiquement rien changé envers le Venezuela. Maduro a déploré qu’il n’y ait « pas eu un seul signe positif, aucun » bien qu’il ait reconnu ensuite qu’au moins, les fonctionnaires du Département d’État « sont d’accord avec un dialogue politique entre Vénézuéliens. » Abrams a aussi indiqué que les républicains et les démocrates sont sur la même ligne quand il s’agit du Venezuela. Avec Biden, les sanctions restent intactes et les fonctionnaires du Gouvernement ont indiqué qu’ils ne sont tpas pressés de les revoir.
Mais la politique de Biden s’éloigne de la stratégie de Trump qui incitait à faire un coup d’État militaire et menaçait d’une intervention militaire par son discours disant que « toutes les options étaient sur la table. » En outre, l e président des Etats-Unis ne se fait plus photographier avec les femmes de López et de Guaidó. Le Panam Post signale que le Gouvernement de Biden, désireux d’obtenir un succès diplomatique et sceptique à propos de la capacité politique de l’opposition vénézuélienne, a retiré de l’importance au Venezuela et « a tourné à nouveau les yeux vers le Nicaragua » où les perspectives de changement de régime sont plus importantes.
Le véritable changement, en 2021, a été l’application d’une politique visant à pousser graduellement Maduro à s’adapter aux intérêts économiques et politiques des Etats-Unis au lieu de viser un changement de régime.
Sur le front politique, on a fait des concessions en faveur de Volonté Populaire, conformément aux préférences de Washington. Dans ces élections, les partis modérés de l’opposition ont été mis de côté. L’année dernière, Washington a sanctionné 4 de ses dirigeants pour avoir défié la politique des Etats-Unis qui, à ce moment-là, étaient opposés à la participation aux élections législatives.
Désireux que Washington lève les sanctions, en juillet, Maduro a libéré Freddy Guevara, de Volonté Populaire, accusé d’incitation à la violence. Il n’est pas étonnant que ce soit Guaidó qui ait nommé l’équipe de négociateurs de l’opposition aux conversations qui se déroulent au Mexique avec le Gouvernement vénézuélien et qu’il y ait inclus Guevara en tant que membre d’honneur.
Les concessions politiques de Maduro face aux élections de novembre comprennent l’augmentation du nombre de représentants de l’opposition à la Commission Nationale Electorale de 1 à 2 (tous 2 choisis par l’opposition) et la libération des prisonniers politiques (sic). Les tentatives d’échange faites par Maduro étaient destinées à inciter Volonté Populaire et ses alliés à abandonner l’abstention aux élections et en même temps à obtenir la levée des sanctions par Washington.
Le porte-parole de la Maison Blanche, Ned Price, a annoncé que Washington « allègerait les sanctions » s’il y avait un « progrès significatif dans les négociations entre Maduro et l’opposition. De la même façon, Abrams évoque un éventuel « relâchement des sanctions ou un accord destiné à utiliser certains actifs gelés pour du matériel sanitaire ou en rapport avec al santé » en fonction des concessions que Maduro est prêt à faire.
Elections de novembre : pas de vainqueur prévisible
La rhétorique binaire de Washington qui oppose les bons et les méchants pourrait convaincre que les élections de novembre sont entre Maduro y Guaidó. Comme il a enfilé le manteau de Washington de «notre homme à Caracas», on pense que Guaidó est le principal porte-parole de l’opposition et que Volonté Populaire est le plus grand parti de l’opposition. Cela contredit le discrédit total de Guaidó au Venezuela et le fait que Volonté Populaire est un parti relativement petit dans la frange radicale de l’opposition. En effet, que Washington ait privilégié Guaidó et son parti a porté tort à l’opposition puisque d’autres partis et d’autres dirigeants d’opposition sont plus crédibles dans le pays. La popularité de Guaidó, selon Hinterlaces est de moins de 17 %.
Selon l’analyste politique vénézuélien Ociel López, il y a des luttes entre les partis soi-disant alliés. D’une part, Primero Justicia con tin ue à donner la priorité aux élections de novembre au lieu de les qualifier d’avance de frauduleuses comme l’ont fait les dirigeants de Volonté Populaire. López ajoute que neutraliser Volonté Populaire « facilite l’entrée de l’opposition dans la voie électorale » et sa victoire dans les urnes.
La rivalité entre les 2 partis soi-disant alliés face aux élections du 21 novembre n’est que la partie visible de l’iceberg. Jusqu’au 6 septembre, il y avait 70 244 candidats, pour la plupart d’opposition, pour 3 082 postes. Alors que les 4 partis les plus importants sont unis dans la MUD, d’autres groupes leur reprochent leurs tentatives ratées de changement de régime sous la direction de Washington. En ce qui concerne la métropole de Caracas, les candidats de la MUD affrontent une série de concours pour le poste de gouverneur, de maire et de conseiller municipal contre ceux du parti récemment créé Fuerza Vecinal. Fuerza Vecinal, affirmant jouir d’un fort soutien de la communauté, critique la MUD pour avoir refusé les primaires comme moyen de sélection des candidats de l’opposition unie.
L’enquêteur de l’opposition Luis Vicente León, prédit une abstention de 50 % à 60 % malgré le fait que ces concours ont attiré l’attention dans le pays et à l’étranger.
Les sanctions des Etats-Unis ont fait des ravages sur l’économie et sur le peuple vénézuélien. Il ne pouvait en être autrement étant donné que pendant un siècle, le Venezuela a été totalement dépendant de ses exportation de pétrole qui sont bloquées, à présent, par les sanctions contre toute entreprise n’importe où au monde qui ose acheter ce produit.
Sur le front politique, la politique des Etats-Unis envers le Venezuela a également eu un effet dévastateur car elle exacerbe la politisation aux dépends des secteurs modérés de l’opposition et des membres de la gauche qui critiquent Maduro que le président tolère mal.
Le gros problème pour l’opposition est d’obtenir des voix en novembre. Dans un certain sens, Volonté Populaire s’est tiré une balle dans le pied en continuant à dire que les élections seront truquées, ce qui a découragé ses propres électeurs. Mais l’abstention de 50 % qu’on prévoir pour novembre reflète surtout le rejet général de toute la classe politique par les électeurs. En effet, la moitié du pays rend le gouvernement responsable de ses problèmes économiques pressants mais elle reproche également à l’opposition responsable d’être tombée dans le programme de changement de régime de Washington.
Pendant c es 3 dernières années, les principaux partis d’opposition, secondés par les principaux médias, se sont attribué le mérite du haut taux d’abstention aux élections, alléguant que ceux qui ne votaient pas étaient des sympathisants de leur cause. Maintenant que c es mêmes partis ont choisi de participer aux élections, le taux d’abstention prévu pour le 21 novembre, 50 %, est un indice évident de la surestimation qu’ils font de leur soutien parmi le peuple. En effet, le fait que la MUD n’obtienne pas une majorité importante parmi les électeurs démontrera que le fait que Washington continue à reconnaître Juan Guaidó comme président légitime du Venezuela est un non-sens.
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos