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2022 : Obscurantisme et désespérance en Guadeloupe ?

2022 : Obscurantisme et désespérance en Guadeloupe ?

La question essentielle qui se posera inévitablement en cette nouvelle année 2022 est celle d’un obscurantisme qui condamne clairement à terme la Guadeloupe à la désespérance.
Depuis la crise sociale de 2009 et les contestations et émeutes contre la vie chère, après deux décennies de déni de réalité, dans un contexte actuel de crise sanitaire, économique, sociétale, sociale et politique, une partie importante des guadeloupéens ne croient plus à un possible changement et donc ne pensent plus qu’à partir du prisme des vieux schémas du passé.
On assiste aujourd’hui à des raccourcis d’analyse, des préjugés inconscients, des procès d’intention qui polluent de part et d’autre les échanges périphériques ainsi par exemple, avec la question du vaccin et plus largement de l’obligation vaccination.
Le malaise est grand,  car l’avenir de la Guadeloupe est désormais grippé, et je crains fort une disruption de la société Antillaise sous l’effet de la crise du Covid et de la quatrième révolution technologique. Et c’est pourquoi, une grande partie de la jeunesse consciente ne pense qu’à partir, même si une partie seulement de l’autre jeunesse en échec scolaire et désœuvrée passe à l’acte.
Qui a lu la dernière étude de l’Insee sur la tragique baisse démographique en Guadeloupe sait que le pays sera bientôt au cœur de la crise du vieillissement et des migrations. Mais peu savent qu’il ne s’agit que de l’une des péripéties du déclin économique inéluctable qui touchera ce pays Guadeloupe à l’instar de nombreuses autres régions ultra périphériques de l’Europe, où l’hémorragie démographique se doublera d’une paupérisation de ceux qui restent, sur fond de désinvestissement des entreprises et de ségrégation sociale.
Face à la logique économique prétendue neutre déployée par certains responsables politiques et économiques, dont notamment les banques, certains habitants de ces espaces délaissés regroupés au sein d’organisations syndicales s’efforceront de résister, mais peineront à enrayer un véritable processus de prise de pouvoir des financiers cossus sur ces zones périphériques délaissés.
Démolir pour reconstruire à neuf, tout en développant des aménités à même de ne pas attirer les millennials diplômés, telle ne semble pas la bonne issue envisagée par nous. D’ailleurs, l’on note que les jeunes diplômés ont pris la poudre d’escampette, faute d’une employabilité suffisamment solvable à leurs yeux et ne reviendrons certainement pas de sitôt, et cependant que l’autre catégorie de jeunes en déshérence serait condamnée à la marginalité.
Ce serait alors encore une année de désillusion, de recrudescence de la violence, et de colère, où  le pays se perdrait de plus en plus dans des disputes sur son identité, ce qui a toujours été, dans l’Histoire des peuples, le signe annonciateur du déclin. Le changement statutaire est plombé pour un bon moment et la question demeure du bon vouloir de l’Etat et dans une moindre mesure des élus en place.
Et que dire de l’impact délétère des grèves et blocages qui ont forcément un impact négatif sur la bonne gouvernance et la santé de l’économie. En effet, on peut craindre de voir une Guadeloupe de plus en plus dépendante financièrement de la France hexagonale pour ses importations, pour ses exportations, pour ses investissements publics,  avoir à affronter une éventuelle crise bancaire conséquence d’un endettement trop important des ménages, entreprises et collectivités locales, sans pour autant avoir les moyens d’y répondre, ballotée par des intérêts nationaux contradictoires.
L’anarcho-syndicalisme de l’ugtg et du LKP, qui avait pu apparaître à une partie des guadeloupéens comme une alternative, a débouché sur une décennie de coup de force, de violence, de tension, d’instabilité et de peur permanente des patrons et élus locaux,  où le jusqu’au boutisme des idées d’une petite minorité d’activistes est devenue une donnée quotidienne.
Faire état de l’extrémisme des organisations syndicales n’est pas un jugement idéologique péremptoire, mais une réalité qui se caractérise selon nous par une radicalité de nature à entraîner une politique de la terre brûlée.
Ces organisations scient de manière inconsciente  la branche sur laquelle les travailleurs guadeloupéens sont assis. Ce phénomène de radicalisation sera à terme improductif pour les travailleurs guadeloupéens qui verront à brève échéance, les fruits positifs à court terme des revendications annihilées par les dépôts de bilan en cascade des entreprises, ainsi que par les difficultés financières des collectivités locales. La situation sanitaire qui perdure depuis plusieurs mois n’est pas sans conséquence sur de nombreuses entreprises. C’est le cas dans l’hôtellerie et le BTP où la quasi-totalité des entreprises vit des heures très difficiles.
L’économie guadeloupéenne ne tient désormais debout que par les perfusions financières de l’Etat et des collectivités majeures (aides par le biais du fond de solidarité, PGE, subventions diverses , moratoires sur les charges sociales et 40% des fonctionnaires qui irrigue les services et le commerce)
Cette décennie a eu, sur le long terme, des répercussions sur la population guadeloupéenne : remises en cause profondes des normes et des valeurs, déstabilisation des rapports familiaux et entre les sexes (forte croissance des divorces), défiance à l’encontre de tout ce qui représente l’État. L’absence ou l’impuissance de la société civile, l’échec d’une issue démocratique du changement (  Alors que reste-t-il du slogan politique  « changer d’avenir » ?) par le vote à laquelle beaucoup de guadeloupéens ne croient plus nourrissent l’abstention et le désespoir. Mais si la crise de la vie chère s’est apaisée, le désespoir demeure.
J’ai bien peur que ceux qui prônent l’apaisement à l’image du philosophe jacky Dahomay et d’autres membres de la société civile, ne possèdent  plus les clés de la compréhension de l’évolution de  la société actuelle pour éviter l’embrasement. Car obtenir un emploi et un salaire ne suffit pas à améliorer ses conditions de vie, à s’épanouir, à envisager un avenir, à être considéré comme un citoyen à part entière au sein de la République. La démocratie et le débat pour renouer le dialogue entre la société et l’État et ses institutions se fait attendre. Une continuité d’impasses qui ont poussé et poussent encore au départ de nombreux jeunes et désormais retraités à « une vie ailleurs ». Ne créons pas d’espoir illusoire à un retour au pays fantasmé par des actions de type “allé viré “, et ne doutons pas du fait que ces jeunes ne reviendrons pas au pays avant longtemps.
Le manque de perspectives des jeunes s’est étendu d’ailleurs à l’ensemble de la société guadeloupéenne, et pour cause les guadeloupéens ne comprennent pas les nouveaux défis et enjeux de société qui se profile subrepticement, et ils  vivent et agissent en fonction de considérations du passé.
La personnalité du guadeloupéen est ainsi faite d’un mélange d’altruisme et de destruction, « L’Étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde »?
Le bon sens tendrait à faire avaliser cette hypothèse. Résultat : des individus “coincés” dans une émotion – colère, ressentiment… – et incapables de la dépasser.
Bien souvent, rester prisonnier de son passé est la preuve que certaines choses n’ont pas été réglées, qu’un fort traumatisme n’a pas été “digéré” à temps. Il nous tire vers l’arrière et nous empêche d’avancer. Et là se pose dans ce contexte la problématique de la pertinence actuelle de la culture créole.
L’huilage des rouages culturels en Guadeloupe suppose, en effet, un sentiment de connectivité entre le citoyen et son environnement , un sentiment de potentialité de la permutation des rôles entre la pesanteur du passé esclavagiste et colonial et les promesses d’émancipation de l’avenir . Lorsque ce sentiment se dissipe, et spécialement dans le cadre des services les plus significatifs de l’idée d’un pouvoir faible de la puissance publique, une dangereuse rupture s’installe avec le risque d’émergence d’un régime autoritaire.
A force de couacs et de reculades, le pouvoir politique qui se caractérise aujourd’hui  par une grande faiblesse s’enferre dans une crise d’autorité majeure qui inquiète les guadeloupéens. A quoi mesure-t-on un pouvoir politique faible ? Notamment à la vitesse à laquelle les scénarios de violence et de populisme sur fond de crise sociale et sociétale les plus délirants circulent.
L’injonction au changement climatique et technologique nous renvoie tous à un sentiment diffus de l’accélération du temps. Chacun la ressent, du salarié au chef d’entreprise. Mais à y regarder de plus près en Guadeloupe, les choses semblent figées dans le passé et ce alors même que notre environnement évolue brutalement sous les effets de la révolution numérique dans la mondialisation, de la robonumérique, de l’intelligence artificielle, de la 5G, du télé-travail, et de l’individualisation des rapports sociaux. C’est là un problème à notre sens d’ordre essentiellement culturel.
Le changement en Guadeloupe ne peut aller à l’encontre d’une culture qui y serait fermement hostile tant celle-ci est un élément de stabilisation de l’individu et lui sert de référentiel pour décrypter l’environnement dans lequel il évolue. Pour autant le système global mondial est en mouvement. Même la France bouge et change alors qu’il existe des réticences fortes au changement et c’est vrai que tout cela reste encore plus compliqué avec la crise sanitaire.
Alors pourquoi la Guadeloupe s’accroche -t-elle à de vieilles antiennes ?
Car en réalité, il existe bien un délitement de l’Intérieur, et plus le temps passe, plus la Guadeloupe devient inflammable.
D’abord par son système administratif et politique sclérosé , ensuite par son apparente adhésion à un corporatisme syndical de type extrémiste d’un autre temps. Le secteur privé peut, lui aussi, se consumer soudainement sous l’effet de la crise sanitaire et l’impossibilité de rembourser les PGE.
Cette fragilité à la fois publique et privée se retrouve dans un peuple qui doute de plus en plus de l’avenir. Car dans un pays où rien ne bouge vraiment malgré un flux incessant de minuscules réformes depuis une décennie, où trois actif sur dix sont au chômage, où l’école amplifie les inégalités, où les jeunes sans emploi ni formation sont plus nombreux que jamais, cette défiance tourne à la résignation ou au désespoir.
Pourtant, notre perception de l’urgence ne paraît pas toujours en phase avec la marche du monde. Quand on s’accroche trop au passé, on se condamne à ne pas avoir d’avenir. Le guadeloupéen comme tout Homme doué de la faculté de réfléchir, d’analyser, de raisonner n’arrive pas à penser l’avenir à cause de son atavisme,  et de fait  ne peut faire abstraction de ses affects, de ses émotions, de ses désirs qui découlent d’un héritage douloureux du passé.
Comment analyser les faits actuels qui déstabilisent la société guadeloupéenne tels qu’ils sont vus et analysés post action de la crise sanitaire  ?… Peut-on alors dans ces conditions, chercher une raison rationnelle à des comportements parfois produits de façon irrationnelle, émotionnelle, spontanée, inconsciente ?  Le problème réside dans cette incapacité des guadeloupéens  à vivre aujourd’hui, libérés des stigmates d’un passé colonial qui perdure encore à certains endroits, et donc  les empêche de développer leur potentiel et d’avancer dans la vie.
La principale leçon à tirer de toutes ces questions est que le monde entre dans une ère d’évolution continue et rapide, où plusieurs avancées technologiques se combinent et s’alimentent mutuellement pour aboutir à des changements considérables.
J’ai bien peur que pour la Guadeloupe, cela signifie que l’époque de mise à niveau technologique progressive est révolue.
Le changement continu est la voie de l’avenir.Il n’est donc pas trop tard pour se rappeler cette évidence, que martèlent depuis des millénaires les penseurs de toutes les cultures : ” Le temps est une invention du mouvement.
Celui qui ne bouge pas ne voit pas le temps passer et est voué mécaniquement  à disparaître”  ….
Et puis, on pourrait même évoquer cette citation de Alexis de Tocqueville  : « Quand le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres ». 
Ainsi va le peuple  !
Ainsi va la vie !
Jean-Marie Nol économiste

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