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Amérique Latine. Interview : La manipulation de l’information par les médias et la manipulation des médias par les puissances étrangères.

INTERVIEW DE FRANCOISE LOPEZ

Amérique Latine. Interview : La manipulation de l’information par les médias et la manipulation des médias par les puissances étrangères.

Caracas. Lundi 11 novembre 2019. CCN. Françoise Lopez est la présidente de « Solidarité Latino-Américaine », un site d’infos qui tente de contrer les campagnes de désinformation, et les fake news diffusées par les médias occidentaux. Cuba, le Venezuela, et tous les peuples en lutte en Amérique Latine, sont systématiquement stigmatisés. Le site que propose Françoise Lopez est donc une fenêtre ouverte sur l’info dans cette région. Elle a répondu aux questions de CCN


CCN. Comment vous travaillez au quotidien ?

Françoise Lopez. Tous les matins, je fais ma revue de presse sur les sites latino-américains et j’essaie de choisir les articles les plus importants pour les traduire sans jamais oublier le genre d’infos que donnent les médias français… J’essaie d’avoir le communiqué plutôt qu’un article sur le communiqué mais ce n’est pas toujours facile. Quand les choses sont un peu compliquées ou risquent d’être mal comprises, je consulte le bureau de mon association et nous prenons une décision ensemble.

CCN. D’où viennent ces infos ?

FL. L’essentiel des infos, je le trouve sur internet et tout le monde peut y avoir accès… à condition de parler espagnol, ce qui n’est évidemment pas le cas de la plupart des Français. Par ailleurs, j’en reçois parfois de certains de mes contacts.

CCN. Vous êtes en contact avec des médias du Venezuela ? Que dire du paysage médiatique vénézuélien ?

FL. Bien sûr, je suis en contact avec certains médias et avec des journalistes qui m’envoient parfois directement leurs articles, ce que j’apprécie beaucoup mais mon travail n’est pas basé sur la relation personnelle. Je ne publie rien parce que ça a été écrit par un tel ou un tel. Si l’article me semble intéressant, je le traduis et je le publie, sinon, même si j’apprécié l’auteur, je ne le fais pas. C’est une position que nous avons toujours eue dans l’association.

Au Venezuela, la plupart des médias sont aux mains de l’opposition, c’est ce qui nous incite à donner plus de répercussion aux médias révolutionnaires parce que ça nous semble être une question d’équilibre. Mais au Venezuela, les journalistes d’opposition circulent et travaillent librement, pas comme en Colombie ou au Honduras, par exemple, où ils sont régulièrement assassinés en toute impunité. Les médias d’opposition ne sont pas non plus systématiquement fermés même si certains se plaignent qu’on ne leur accorde plus de fréquences, ce qui nous semble totalement juste étant donné qu’ils en occupent déjà la majorité. Pourtant, après le coup d’Etat de 2002 contre le Président Hugo Chavez, certains médias auraient mérité d’être fermés mais Chavez n’a pas voulu le faire. Ce qui n’empêche pas pourtant certains de dire que la presse est muselée au Venezuela. Depuis quelques années, des médias communautaires se sont créés, qui permettent à la population d’exprimer ses besoins, ses désirs, ses satisfactions, aussi, et de faire connaître tout ce qui se passe dans les communautés qui sont très actives et très engagées dans la pratique des droits que la Révolution Bolivarienne leur a donnés. De ce fait, l’information n’est plus l’apanage des professionnels et les choses bougent.

CCN. Et à Cuba ?

FL. A Cuba, il n’y a pas de presse d’opposition car la Révolution Cubaine considère le droit des citoyens à une information non biaisée comme un Droit de l’Homme. Mais il existe des sites d’opposition sur internet, ils sont nombreux et ne sont pas censurés par le Gouvernement même lorsqu’il est pratiquement certain qu’ils sont financés par les États-Unis. Et les journalistes cubains n’ont aucune crainte à avoir pour leur sécurité : le dernier journaliste assassiné à Cuba l’a été en 1958 par les sbires du dictateur Fulgencio Batista.

Il y a quelques années, les États-Unis donnaient à des « dissidents » sans aucune formation mais soutenant leurs intérêts des cartes de presse pour qu’ils puissent être défendus par les organisations comme Reporters Sans Frontières qui défendent la « liberté de la presse » et dont le président de l’époque, Robert Ménard disait que la presse était libre en Colombie mais pas à Cuba parce qu’en Colombie, « on pouvait faire des dénonciations mais pas à Cuba ! »…

L’un des plus gros problèmes qu’affrontent le Venezuela et Cuba est la manipulation des médias : la manipulation de l’information par les médias et la manipulation des médias par les puissances étrangères, en particulier, bien évidemment, les Etats-Unis…

Au Venezuela, la situation est très compliquée en ce moment : il y a la guerre économique qui dure depuis des années, le blocus que Trump a mis en place récemment et à l’étranger, des sommes faramineuses appartenant à l’Etat vénézuélien sont bloquées indûment dans des banques. C’est du vol qualifié et la communauté internationale reste muette. Il y a aussi ce faux « président par interim » soutenu par les Etats-Unis qui se promène librement bien qu’il n’ait aucune légitimité et qu’il ne soit un secret pour personne qu’il cherche à faire un coup d’Etat. Une dictature, le Venezuela ? En France, je pense que quelqu’un qui agirait comme Juan Guaido serait en prison depuis longtemps…

Par ailleurs, la Colombie et son président Ivan Duque s’agitent comme de beaux diables pour fournir un prétexte à une intervention armée des Etats-Unis alors que chacun sait que le Venezuela ne représente pas une menace pour la sécurité des Etats-Unis…

Mais le peuple vénézuélien est uni derrière son président légitime Nicolas Maduro (bien mieux élu qu’Emmanuel Macron et la plupart des présidents qui le traitent « d’usurpateur » !) Sa discipline et sa capacité de résistance sont impressionnantes. On l’a vu lors de l’énorme panne d’électricité qui a eu lieu il y a quelques mois et qui a duré plusieurs jours. C’est un peuple qui a une conscience politique et qui sait ce qu’il défend.

CCN. A la fête de L’Huma, en France, j’ai vu nombreux stands sur Cuba et pratiquement rien sur le Venezuela..

FL. Il y a plusieurs problèmes : je pense d’une part, qu’il est actuellement plus facile de défendre Cuba que le Venezuela : Obama avait tenté de normaliser les relations et 2 papes se sont rendus à Cuba, ce qui a levé les réticences de certains. Par ailleurs, Cuba, pour beaucoup, c’est la plage, les cocotiers, le mojito, la salsa, tout le monde a envie d’y aller. Le Venezuela est également un beau pays mais ses beautés naturelles sont moins connues du grand public.

Un autre problème est qu’un stand sur le Fête de l’Huma coûte très cher et que du coup, les petites associations ne peuvent pas y avoir accès. Quant aux représentations vénézuéliennes, avec les problèmes que le pays affronte pour exécuter des transactions à l’étranger, elles se retrouvent dans la même situation… La Fête de l’Huma n’est pas une manifestation philanthrope, c’est une manifestation destinée à financer le journal…

D’autre part, la situation politique, avec ce faux président, les intentions de Trump d’intervenir militairement font que certains attendent… de savoir comment ça va tourner pour prendre position. A ce moment-là, il sera trop tard mais ils seront là pour dire » On a toujours soutenu le Venezuela ! ».

Je vous envoie une photo de moi avec l’ambassadeur du Venezuela en France, son excellence Michel Mujica, à la rencontre que nous avons organisée avec lui à Salon-de-Provence, le 4 février 2017. Je vous l’envoie à part parce que je n’arrive pas à la joindre au mail… Les joies de l’informatique…

Merci pour cette interview et pour tout l’intérêt que vous nous portez.

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