Amérique latine. Lundi 21 Décembre 2020. CCN/Bolivarinfos/Françoise Lopez. Cette année 2020 s’achève et elle a été fertile en événements en Amérique Latine, indépendamment de la pandémie de coronavirus qui a touché le monde entier.
Introduction :
En Haïti et en Equateur, dès 2019, se déroulent des rébellions populaires qui se poursuivent encore aujourd’hui.
En Haïti, les manifestations débutent le 7 février 2019, suite à la découverte de du détournement par le président Jovenel Moïse des fonds attribués au pays par le programme social PETROCARIBE et à l’augmentation du prix du carburant provoqué par des ajustements du FMI.
A ce jour, les manifestations continuent et les manifestants demandent à présent le départ de Jovenel Moïse et l’opposition, dirigée par Jean-Charles Moïse, envisage, s’il refuse, d’instaurer « un Gouvernement de transition. »
Jovenel Moïse est président de la République d’Haïti depuis le 7 février 2017. Elu au 1er tour avec 32,81 % des voix et un taux de participation de moins de 21 %, il bénéficie du soutien des riches familles haïtiennes, des États-Unis et des bailleurs de fonds.
En Equateur,
Le 1er octobre 2019, le président Lenin Moreno présente l’accord qu’il vient de signer avec le FMI. Cet accord suscitera toute une vague de protestations ainsi qu’une grève qui paralysera tout le pays et le contraint à déplacer la capitale de Quito à Guayaquil. Il rend Rafael Correa des troubles et instaure l’état d’urgence.
Au cours de cette année 2020, la crise sanitaire frappe durement l’Equateur, Lenin Moreno annonce des mesures d’austérité, souscrit un nouveau prêt de 6 500 000 000 de $ auprès du FMI et contre toute logique, décide de payer la dette. De nouvelles manifestations éclatent.
Les élections en Equateur auront lieu en 2021 et depuis des mois, le gouvernement de Lenin Moreno fait tout ce qu’il peut pour en exclure les partis progressistes, sans succès. L’alliance « Espoir pour l’Equateur », qui soutient la Révolution Citoyenne de Rafael Correa, malgré tous les obstacles que le Gouvernement de Lenin Moreno a mis à son inscription aux élections est en tête des intentions de vote dans tous les sondages d’intentions de vote.
Cette année, il y a eu De nombreuses élections ont eu lieu en 2020et certaines d’entre elles ont changé considérablement la situation du pays concerné et ont déjà des répercussions sur toute la région latino-américaine.
- Le premier changement conséquent a été l’élection en Argentine du binôme Alberto Fernandez – Cristina Fernández de Kirchner le 27 octobre 2019 face au président sortant Mauricio Macri.
Nous ne reviendrons pas sur les dégâts causés à l’Argentine par le président néo-libéral ni sur les causes de son élection mais nous constatons ici un retour de l’Argentine vers les personnalités politiques et le parti qui les ont sortis de la crise de 2001, certes à grand peine mais avec une efficacité incontestable.
La politique d’ Alberto Fernandez est conforme à ce qu’on pouvait en attendre et ses efforts se portent essentiellement sur la renégociation de la dette et la remise à flot de l’économie du pays. En politique étrangère, il faut noter que c’est lui qui a donné asile au président Evo Morales renversé par un coup d’Etat.
- Les premières élections de l’année 2020 en Amérique Latine sont celles qui ont lieu au Guyana en mars de cette année. Suite à une série d’événements plus rocambolesques les uns que les autres, le président élu, Mohamed Irfaan Ali, le candidat du Parti progressiste du Peuple, ne sera investi que le 2 août après plusieurs recomptages des voix et des accusations diverses de fraude de part et d’autre.
Il est difficile de savoir à ce jour quelle sera sa politique étrangère mais David Granger ayant été à la source de diverses actions illégales et agressives contre la République Bolivarienne du Venezuela, on peut tout de même espérer une amélioration des choses, au moins à ce niveau même si le différend entre le Guyana et la République Bolivarienne du Venezuela pour l’Eséquibo est à présent dans les mains de la Cour Pénale Internationale qui vient de se déclarer « compétente » pour régler le litige alors que celui-ci devrait être réglé dans les termes fixés par l’Accord de Genève de 1966. Granger était de toute évidence l’homme des Etats-Unis. Qui est Irfaan Ali ? Il est encore trop tôt pour le savoir. La seule chose qui, pour l’instant, est claire, c’est que la position du Guyana sur l’Esequibo n’a pas changée et ce n’est pas un très bon signe…
- Le 18 septembre 2020, Spoutnik News annonce que « la reine Elizabeth perd son trône à la Barbade. » Il ne s’agit pas là d’une élection mais de la concrétisation d’une indépendance obtenue il y a plus d’un demi-siècle et jamais encore vraiment entrée dans les faits. Même si ça paraît anecdotique, c’est tout de même une avancée puisque dorénavant, la Barbade sera gérée par les citoyens du pays.
- Mais l’événement électoral le plus important de l’année s’est produit, sans conteste, le 18 octobre 2020, avec les élections générales qui se sont enfin tenues en Bolivie après plusieurs ajournements dus à la fois à la pandémie et à la volonté du Gouvernement de fait de Jeanine Añez de s’accrocher au pouvoir. Ces élections portent au pouvoir Luis Arce et David Choquehunaca, deux personnalités membres du MAS bien connues et ayant occupé des postes de responsabilité sous le Gouvernement d’Evo Morales.
Contre toute attente, Jeanine Añez reconnaît sa défaite et la passation de pouvoir se fait dans le calme malgré quelques tentatives des groupes civiques de Santa Cruz pour provoquer des troubles et un attentat manqué contre Luis Arce.
Evo Morales, après 1 an d’exil, rentre triomphalement au pays et commence aussitôt à travailler avec le Gouvernement élu pour redresser la situation considérablement dégradée par une année de dictature et la pandémie de coronavirus.
Adán Chávez, frère d’Hugo, a manifesté sa joie pour la récente victoire du peuple de Bolivie aux élections : « Une victoire qui, avec les batailles que livrent les peuples du Venezuela, de Cuba et du Nicaragua, et les victoires des projets progressistes au Mexique et en Argentine, est un symptôme du réveil des peuples de la région qui résistent à ce qu’on leur applique un système : le capitalisme, qui a démontré son incapacité à satisfaire les besoins les plus élémentaires des gens. »
- Le réveil des peuples de la région
Les organismes d’intégration latino-américains (CELAC, ALBA, UNASUR), pendant ces dernières années qui avaient vu des présidents de droite accéder au pouvoir dans les pays dont les gouvernants progressistes les avait créés (Argentine, Brésil, Bolivie, Uruguay), s’étaient mis en sommeil. A présent, ils se réveillent sous l’impulsion, en particulier, d’Evo Morales et d’Alberto Fernandez.
Le 19 octobre 2020, lendemain de l’élection de Luis Arce et David Choquehunaca, la CELAC invite le nouveau Gouvernement à revenir en son sein.
Et c’est chose faite le 20 novembre 2020 : la Bolivie répond favorablement à cette invitation et réintègre aussi, dans la foulée, l’ALBA et l’UNASUR.
La réapparition sur la scène publique de ces institutions créées lors de la grande vague progressiste par Hugo Chávez, Nestor Kirchner, Lula, Dilma, Evo et nombre de ceux qui ont été malheureusement évincés du pouvoir ces dernières années, est un grand espoir pour l’Amérique Latine et pour le monde.
Evo Morales, lors de sa participation au forum virtuel « élections législatives au Venezuela : le peuple défend l’héritage du commandant Hugo Chávez, » le 27 octobre 2020, avait appelé à refaire de l’UNASUR un instrument de défense des pays face aux actions de l’impérialisme contre leur souveraineté et leur indépendance. Cela semble en bonne voie.
- Le 25 octobre 2020, le Chili , après presque 1 an de protestations sociales, organise un referendum pour changer la Constitution héritée de Pinochet.
Il y a 2 bulletins : le premier avec « J’approuve » et « Je rejette » (le changement de Constitution) et le second porte sur la façon de faire en cas de victoire du « j’approuve. »
Selon le bulletin partiel du Service Electoral du Chili, 78,24% des électeurs ont voté pour le OUI pour remplacer la Constitution actuelle promulguée sous la dictature d’Augusto Pinochet.
Sur 35 947 bureaux de vote, la Convention Constitutionnelle a été choisie pour concrétiser cette modification.
79,24% des électeurs ont choisi la « Convention constitutionnelle » pour rédiger la nouvelle Constitution. Celle-ci est composée de 155 citoyens élus par l’ensemble des citoyens et la « Convention mixte » par 86 parlementaires et seulement 86 citoyens élus.
Mais après le referendum les protestations continuent (et la répression policière malgré le changement du chef de la Police) et à ce jour, (19 décembre) les manifestants demandent le départ de Sebastian Piñera. Cela fait plus d’un an que ces manifestations se déroulent tous les jours.
- Le 6 novembre 2020, Ralph Gonsalves gagne les élections pour la 5ème fois à Saint Vincent et les Grenadines. Il se dit progressiste et a condamné « la politique de haine, le retard et le colonialisme. »
- Le 9 novembre 2020, destitution de Martin Vizcarra au Pérou
Une majorité de législateurs a voté en faveur du départ du président 8 mois avant la fin de son mandat et après le rejet d’une première motion de censure. Il est accusé d’avoir reçu des pots-de-vin des années auparavant, alors qu’il était gouverneur. Une enquête est toujours en cours.
Président par intérim Manuel Merino, démissionne le 15 novembre 202 et est remplacé par Francisco Sagasti le 16 novembre 2020
Dans son discours d’investiture, celui-ci déclare : « En travaillant ensemble, en collaborant, nous ne pouvons qu’avancer. Nous avons nos différences mais nous avons un objectif commun : faire enfin du Pérou une République d’égalité pour tous. »
Pour autant, il est encore trop tôt pour savoir s’il conduira le Pérou sur le chemin du progressisme ou s’il ajoutera son nom, à plus ou moins brève échéance, à la liste déjà longues des présidents poursuivis par le justice pour corruption et s’il appuiera aussi le néo-libéralisme sauvage de ses prédécesseurs.
9. Guatemala :
En novembre, des manifestations se déroulent dans tout le pays à cause de l’approbation de façon opaque du budget le plus important de son histoire qui réduirait les investissements sociaux et provoquerait une augmentation de la dette extérieure pendant une pandémie dont les victimes n’ont reçu pratiquement aucune aide de l’Etat. Les manifestants ont mis le feu au Congrès, symbole de la corruption politique qui règne en maître.
Il faut savoir qu’à partir du coup d’Etat organisé par la CIA contre Jacobo Arbenz en 1954, le Guatemala a été gouverné par une alliance composée de l’ambassade des Etats-Unis, des chambres de commerce et de militaires d’extrême-droite qui font des affaires dans la drogue, la contrebande et autres affaires criminelles qui ont été soutenues par les forces armées avant et après les accords de paix avec la guérilla en 1996.
Ces politiques ont favorisé la gigantesque corruption de Gianmattei qui ne peut s’expliquer que par la grossière ingérence des Etats-Unis au Guatemala.
Gianmattei, en grandes difficultés, a d’ailleurs fait appel à la Charte Interaméricaine de l’OEA et à au secrétaire général de cet organisme, Luis Almagro, pour le tirer d’affaire, ce qui a provoqué une forte indignation parmi le peuple.
On prévoit donc, au Guagtemala, de grosses difficultés pour le président des Etats-Unis récemment élu, Joe Biden.
10 ) Venezuela : le 6 décembre, élections législatives
Après 5 ans de tension extrême, en particulier à cause de l’attitude de l’Assemblée Nationale à majorité de droite, des élections législatives sont organisées le 6 décembre conformément à la Constitution vénézuélienne. Ces élections se déroulent dans le calme, sous le regard approbateur de centaines d’observateurs vénézuéliens et étrangers et sans qu’une fraude puisse être invoquée par qui que ce soit. Le taux de participation est faible, comme dans la plupart des élections législatives organisées dans le pays mais le Grand Pôle Patriotique qui a à sa tête le Parti Socialiste Uni du Venezuela, retrouve la majorité à l’Assemblée Nationale.
Le président Nicolas Maduro avait fait savoir que si l’opposition gagnait, il démissionnerait. Il reste donc en place et de plus, cette majorité parlementaire lui donne la capacité d’agir en ayant les mains beaucoup plus libres. La nouvelle Assemblée Nationale entrera en fonctions le 5 janvier 2021.
11) Le 18 décembre 2020, les peuples de l’Abya Yala renforcent leur unité et leur intégration
La rencontre des peuples et des organisations de l’Abya Yala pour la construction d’une Amérique plurinationale se déroule du 18 et 19 décembre au siège de l’Union des Nations Sud-américaines (UNASUR). L’un des points essentiels de cette rencontre sera la reprise du projet de la Communauté des Etats Latino-américains et Caribéens (CELAC), de l’Alliance Bolivarienne des Peuples de Notre Amérique – Traité de Commerce des Peuples (ALBA-TCP) et de l’ UNASUR
Conclusion :
Nous l’avons vu, 10 pays ont subi des changements divers ou ont manifesté des signes indiquant qu’un changement pourrait avoir lieu. Ce sont des pays dirigés par des chefs d’Etat de droite ou par des dirigeants appliquant une économie néo-libérale.
2021 pourrait donc bien voir un tournant de l’Amérique Latine vers le progressisme…
Françoise Lopez, 20 décembre 2020