Faut-il brûler le drapeau des patriotes guadeloupéens ?
La polémique sur un Drapeau Guadeloupéen a rebondi, mais sans faire trop de bruit, quand le 9 septembre dernier LKP, a publié un long communiqué de presse-tract affirmant que le drapeau désormais connu de tous était “de la propagande promotionnelle pour le GUSR et Macron”
Flash-back. En 1963, quand des patriotes guadeloupéens engagés dans la lutte pour l’indépendance nationale de la Guadeloupe, créent le GONG, 1ère organisation nationaliste de notre pays, quelques temps plus tard on voit apparaître un drapeau, qui est à l’époque l’oriflamme du GONG. Après les massacres de mai 67 à Pointe à Pitre et lors de procès des militants et patriotes ce drapeau du GONG sera visible partout. Puis à la fin des années 70, les “chiraj” habituels, (on dirait plutôt pour rester dans la sémantique maoïste de l’époque les contradictions au sein du peuple) débutent. Le Gong disparaît progressivement du paysage politique nationaliste. En Décembre 1978, à l’initiative de quelques patriotes nationalistes et autres, une nouvelle organisation est née : l’Union Populaire pour la Libération de la Gwadloup (UPLG). Jack Berthelot, Sony Rupaire qui sont militants UPLGistes créent donc un nouveau drapeau. Il garde les couleurs mais pas la forme du drapeau GONG. LKP a raison pendant plus de 2 décennies ce drapeau est celui de l’UPLG et il se popularise. Il faut le rappeler jusqu’au début des années 90, l’UPLG est la plus importante organisation nationaliste guadeloupéenne. Son slogan de l’époque est révélatrice de sa volonté de diriger toute seule la lutte pour l’indépendance : “On sel organizasyon,on chimen”. Pourtant en mai 1981, Luc Reinette et ses camarades libérés après la brève épopée du Groupe Guadeloupéen de Libération Armée (GLA) créent la 1ère radio nationaliste : Radyo Inité ainsi qu’une organisation nationaliste “Mouvement Populaire pour la Gwadloup Indépendante” (MPGI). Les «chiraj» reprennent de plus belle d’autant que le MPGI qui ne reconnaît pas le drapeau de l’UPLG, sort le sien : rouge vert noir. En 2009, pendant le mouvement LKP, le drapeau qui est le plus souvent arboré lors des manifestations est celui de l’UPLG. De plus, dès la fin des années 90, on note que deux organisations culturelles très suivies, très puissantes, donc très visibles : Akiyo, (à Pointe-à-Pitre) et Voukoum (Basse-Terre), lors de manifestations carnavalesques et autres défilent dans les rues en arborant les couleurs du drapeau de l’UPLG. Au niveau sportif, l’équipe de foot de la Guadeloupe, surnommée les “gwada boys” utilise ces couleurs, il en est de même pour la sélection cycliste et d’autres sportifs. Des artistes très connus comme Dominique Coco ou Misyé Sadik n’hésitent pas dans leur show à porter ces couleurs.
Une autre organisation nationaliste naît en 2010, le FKNG, son drapeau est proche de celui du MPGI, car l’un des fondateurs de ce FKNG (Fos pou Konstwi Nasyon Gwadloup) n’est autre que Luc Reinette, qui avait déjà créé un peu avant 2009 Alyans Nasyon Gwadloup. (ANG historique).
Pas très simple tout cela mais on essaie de s’y retrouver.
Quittons le camp nationaliste juste un instant. Allons du côté du Parti Communiste Guadeloupéen. Cette organisation qui fut dans les années 60/80 très proche du camp soviétique a été très longtemps la cible politique des nationalistes. Le combat idéologique qui commence à l’époque du GONG va durer près de 3 décennies car le chiraj entre Nationalistes et communistes Guadeloupéens sera d’une extrême virulence. Le PCG des années 80/90 lors de ses manifestations brandit le drapeau rouge qui est celui des communistes, un peu partout sur la planète. Pourtant après l’un de ses derniers congrès, on voit apparaître un drapeau qui reprend les couleurs habituelles du drapeau UPLG mais qui est très différent dans la forme.
La situation début 2019 est la suivante :
1/ Le drapeau de l’UPLG qui est de loin le plus utilisé le plus connu.
2/ le drapeau du FKNG,
3/ le drapeau du PCG
Mais le camp nationaliste ne reste pas immobile. Fin 2021, le FKNG avec accord de l’UPLG et dans un souci d’unité décide d’adopter le drapeau de l’UPLG. Entre-temps, l’ANG revient dans le paysage politique nationaliste et adopte lui aussi le drapeau de l’UPLG.
En octobre 2021, le FKNG organise la première Fête du drapeau (La 3ème édition est prévue le 24 octobre 2024).
Donc aujourd’hui, trois organisations nationalistes se sont accordées sur ce drapeau. L’ex-drapeau de l’UPLG prend alors une audience considérable. Il est visible sur tous les médias sociaux, visible en Martinique, en France et dans toutes les manifestations.
La majorité de groupes culturels l’utilisent. Le président du Conseil Général Guy Losbar fait un coup de communication lors des vœux de 2024, on le voit avec ce drapeau à la télévision.
Aux JO, Riner puis Borel portent eux aussi ce drapeau, dont la popularité dépasse le cadre de la Guadeloupe.
C’est vrai qu’il n’a pas été choisi par l’État colonial mais par les Gwadloupéyens qui l’ont adopté en toute confiance et en amour. Faudrait-il que les nationalistes demandent au « papa blanc » de l’officialiser et en cas de refus des colonialistes de l’effacer de la mémoire du peuple Gwadloupéyen ?
La polémique mal venue du LKP sur le drapeau est à notre avis sans raison. D’ailleurs, LKP ne fait aucune proposition positive. Et ne cite dans son CP en référence que les lois du colon.
Sauf peut-être à penser que LKP voudra un jour proposer SON drapeau pour la Gwadloup, oui mais au nom de qui ?
Faut-il ici rappeler qu’en 2009 LKP rassemblait 47 organisations culturelles, syndicales et politiques.
Aujourd’hui, qui se réclame encore du LKP ? Que représente LKP dans le paysage politique nationaliste ?
Il est évident que Domota qui a bénéficié d’une aura et d’un véritable leadership au sein du peuple gwadloupéyen devrait, s’il en a encore la volonté, tout mettre en œuvre pour faciliter une unité du camp patriotique en tenant compte des différentes sensibilités pour ensemble faire face à notre ennemi commun : nou tout las épi chiraj ki pa ka fè nou vansé!
Lors d’une manifestation en 1983, Place de la Victoire à Pointe-à-Pitre, des militants de Bijengwa ont brûlé un drapeau français. Où était Domota ce jour-là ?