Guadeloupe. Cinéma. Christian Lara n'est plus. Témoignages
Basse Terre- Capitale. Mardi 12 septembre. 2023.CCN. Christian Lara Le réalisateur guadeloupéen pionnier de notre cinéma, auteur de 26 films dont certains ont marqué* le paysage cinématographique caribéen tiré sa révérence, le week-end dernier. Christian Lara, venait tout juste de terminer son ultime film “L’homme au bâton”. Le cinéaste souvent controversé dans ses propos qu’il voulait volontairement provocateurs on le disait même parfois misogyne.
Pour CCN, 4 femmes qui ont toutes bien connues Christian Lara ont accepté de témoigner sur l’homme, le cinéaste.
1- Guillou Ramsay, elle se considérait comme la “Mascotte de Lara,”. Ils se rencontrent en 1978, un peu avant “ Coco Lafleur “ le 1er film guadeloupéen de Lara : son Récit
Ma première rencontre avec Christian s’est déroulée chez moi à Saint-Claude. Ce sont des amis communs qui nous ont mis en relation. Il m’a donc présenté son projet, tournage d’un film en Guadeloupe, j’ai encore des étoiles dans les yeux.
Et nous voila partis sillonnant la Guadeloupe pour les repérages.
Le tournage de ce premier film fut le début d’une longue et belle amitié et d’une merveilleuse aventure cinématographique.
Ce premier film tourné entièrement en Guadeloupe avec un sujet ancré dans une des réalités locales : celle des élections.
Coco Lafleur, Candidat avec de grands acteurs tels que : Robert Liensol, Greg Germain (qui venait de tourner avec Chabrol), Felix Marten (de la comédie française), Jennifer Lanvin (chanteuse, disque d’or), Jean-Jacques Moreau avec une pléiade de figurants et d’acteurs locaux tel que Tanous, Verte et tous ces guadeloupéens qui n’avaient jamais tournés, se sont révélés acteurs.
Pour tous, ce fut un évènement extraordinaire. Tous les gens qui ont été sollicités ont vraiment adhéré au projet. Prêtant motos, voitures, costumes etc…
La première de ce film s’est déroulée dans une salle sur les Champs Elysées ou j’étais la traductrice des expressions créoles pour nos invités non créolophones.
Par la suite, le film a été projeté en Guadeloupe et est resté à l’affiche plus de 2 mois.
Quel exploit !
Merveilleux souvenir
2- Julienne Traventhal est une jeune actrice guadeloupéenne qui dans son parcours a rencontré Christian Lara en 2020 : son récit
Pionnier du cinéma antillais, à travers certaines de ses œuvres, il défendait un univers, exposait une histoire. Christian s’est toujours défini comme étant un artiste engagé.
J’ai été à la fois émue et soulagée par l’annonce du décès de Christian Lara.
Émue car grâce à lui, j’ai eu l’honneur de tourner dans 2 longs métrages sous sa direction depuis mes courts débuts dans le cinéma.
Il m’a vivement encouragée à persévérer en tant qu’actrice et je l’en remercie.
Des notre première rencontre, il s’est montré tantôt paternel tantôt séducteur (rires)
Nous avons travaillé ensemble sur “AL” en 2020 puis sur son dernier film “L’homme au bâton” il y a quelques mois et tout s’est passé au mieux. Son enthousiasme le rendait docile sur certains points, ce qui est extraordinaire pour Monsieur Christian Lara. C’est un honneur pour moi d’avoir travaillé sur ces 2 dernières œuvres.
Soulagée car sa santé déclinait depuis quelque temps. Disons que des signes annonciateurs se sont fait voir. Aujourd’hui il ne souffre à priori plus de rien.
Christian, du peu que j’ai pu vivre avec lui ces trois dernières années, est un homme brut de pommes, éduqué mais un brin sauvage, impatient mais volontaire, obtus mais malléable quand on sait s’y prendre.
Il restera le premier guadeloupéen à avoir capté des images en vue de réaliser un film et ça se respecte. C’est un aîné, un personnage, une référence culturelle maintenant.
Paix à son âme
Julienne Traventhal
3- Christelle Galou, la directrice de CINESTAR, mais aussi à l’initiative de Festival Caribéens qui boostent ces productions qu’on ne voyait jamais nulle part. Christelle a aussi bien connu Christian Lara. Il y a d’ailleurs eu une rétrospective des films de Lara au CINESTAR. Son récit
J’ai rencontré Christian Lara il y a environ 5 ans par l’intermédiaire de son acolyte Luc Saint-Eloy. J’avais déjà entendu parler du personnage : grand réalisateur Guadeloupéen à la stature impressionnante et rare réalisateur Guadeloupéen dont le nom évoque quelque chose au Centre National du Cinéma (CNC).
C’est donc avec une certaine émotion que je les reçois tous les deux à mon bureau du CINÉSTAR. Ils étaient venus me parler du souhait de Christian de retrouver son public. Il estimait avoir été privé d’écrans de cinéma et de public antillais depuis la sortie de COCO LAFLEUR puis de MAMITO.
Je découvre alors un passionné au franc-parler, assagi avec l’âge, mais qui a une vision bien précise de ce que devrait être le cinéma antillais, qui peste contre un système qui ne lui a pas permis d’exprimer tout son art et qui a bien conscience que le public guadeloupéen doit être mobilisé autour de ses œuvres pour que ça fonctionne. Et c’est précisément sur ce point que je le rejoins entièrement et que nous décidons de programmer ses œuvres au long cours. Face à la richesse de sa filmographie, des choix s’imposent. Nous ne sommes pas toujours d’accord sur les films que l’on devrait programmer ni à quel moment, mais il me fait confiance et plus, il célèbre ce souffle nouveau amené dans le paysage antillais par Caribbean Cinemas : “CINÉSTAR le temple du 7e art en Guadeloupe ” disait il. C’est ainsi que nous programmons au fil de l’eau des œuvres inédites, anciennes et nouvelles en les inscrivant dans des cycles thématiques au CINESTAR ou en faisant écho à l’actualité du moment comme avec la projection du film “1802” au mois de Mai.
Après plus de de 40 ans de cinéma, Christian avait encore et toujours un nouveau scénario sous le coude. Avec le film “AL” sorti en Avant Première au Cinéstar en Juin 2021, il a réussi à toucher et sensibiliser plus d’un, faisant honneur au Cinema dans son rôle de transmission et de partage. Son dernier film sera donc ” L’Homme au bâton ” dont il a eu le temps de terminer le montage et qui promet d’être un millesime. D’ici là, c’est un des pionniers du cinéma antillais , une figure emblématique de l’histoire de notre Guadeloupe, que nous devons honorer . Pour ma part, j’espère pouvoir bousculer la programmation de la 7e édition du Cinéstar International Film Festival qui démarre le 6 Octobre pour y inscrire un hommage à Mr Christian LARA.
REPOSE EN PAIX
Christelle Théophile Galou
4- Janine Karat a été directrice du Cinéma Rex et donc en contact avec Christian Lara qu’elle a beaucoup apprécié. Son récit
Monsieur Lara, l’une des figures emblématique du paysage culturel caribéen s’en est allé et a décidé de tirer sa révérence à la même période que d’autres grandes figures emblématiques de l’histoire, de la culture et du patrimoine guadeloupéen. À l’instar de Jean-Pierre Sainton de Gérard Lockel, Monsieur Lara nous quitte avec une un héritage incommensurable
Merci Monsieur Lara, merci pour ces échanges que nous avions à l’époque où je dirigeait les cinémas Rex et d’Arbaud alors vous aviez juré de ne plus y remettre les pieds en raison de désaccords avec la direction martiniquaise du Groupe Elisé. Et moi jeune femme d’une trentaine d’années, prenant la direction en 2007 de cette institution cinématographique guadeloupéenne j’ai pris contact avec vous et insisté pour vous rencontrer pour vous convaincre de me laisser organiser une soirée pour rendre hommage à votre œuvre. Vous m’ aviez finalement accordé votre confiance, vous m’aviez apporté une écoute, mis de côté vous préjugés et cela malgré les circonstances et le passif avec mes prédécesseurs. Je salue aujourd’hui, plus de 15 ans après l’homme de conviction et de tempérament que vous avez toujours été et qu’il n’était pas aisé faire changer d’avis et d’opinion. Je reste après toutes ces année honorée que vous ayez accepté de revenir au rex pour nous y présenter quelques une de vos œuvres et de nous avoir laissé vous rendre cet hommage en votre présence et pour les beaux échanges qui ont eu lieux avec votre public. Merci pour cette opportunité de vous remettre à votre place dans cette institution cinématographique pour que le peuple guadeloupéen puisse redécouvrir vos réalisations et garder à l’esprit que vous êtes l’un des plus grands cinéastes réalisateur de guadeloupe et restaurer cette fierté nationale.
Que de belles discussions et de beaux échanges que nous avions eu pour préparer la soirée thématique. Aujourd’hui je ne vais pas dire que vous laissez un trou béant, parce que vous avez inspiré tant de vocations dans ces métiers du cinéma et inspiré tellement d’autres initiatives dans ce monde du cinéma guadeloupéen et caribéen. Merci pour cet immense héritage et le rayonnement qu’il a eu et qu’il continuera à avoir… Merci pour la Guadeloupe.
bon voyage
Janine Karat