Guadeloupe. Culturel. Un MACTe franco-français ou un MACTe Afro-caribéen
Pointe à Pitre. Lundi 12 juin 2023. CCN. Depuis quelques semaines, le parfum du scandale et l’air de la polémique entourent à nouveau le Macte. De nouveaux articles fleurissent tantôt pour soutenir, tantôt pour enfoncer la directrice générale. Sur les Réseaux Sociaux on va jusqu’à la comparer à une sorte phénix qui renaît toujours de ses cendres. Et on peut dire que dans cette mauvaise sitcom on aura tout vu et tout su.
Bref résumé des épisodes précédents :
Laurella Rinçon d’abord chouchoutée par le Président de Région et son entourage.
Le déballage des frais de taxis de la DG.
L’affaire du bureau désinstallé de l’ex-président du CA.
L’histoire des 400.000 euros “disparus” et revenus.
Les 11 salariés placardisés, licenciés en droit de retrait – non -stop.
Leur long combat syndical pour être réintégrés mais qui ne le sont toujours pas.
La DG à son tour écartée par l’ex-président du CA et son CA, mais réintégrée sur décision du Tribunal.
Le conflit progressivement ouvert entre la DG et le nouveau président du CA, le président de région.
Le fameux et brûlant rapport du Ministère Français de la culture sur la gestion du MACTE.
La décision récente prise par le président du CA de “révoquer” la DG.
La présence, l’espace d’un cillement, d’une DG par intérim.
Le nouveau retour (provisoire ?) de la DG sur décision du Tribunal Administratif.
Mais cette situation entretenue est loin d’être le fruit du seul hasard. Ces mois de conflits, cette guérilla au sein du MACTe, à qui cela peut-il bien profiter ? Pourquoi l’attitude de l’État français et de ses représentants en Guadeloupe, est-elle si ambiguë ? Sur la question du MACTe, Chalus a-t-il le soutien d’un Losbar bien lointain et très silencieux ?
1. Les licenciés suspendus seront-ils réintégrés ?
Venons-en à la situation créée par la nouvelle ”victoire” administrative de Laurella Rinçon. Son recours au Tribunal contraint donc le Président du CA à la réinstaller une fois de plus à son poste. La nouvelle est tombée, alors que la Région venait tout juste de nommer une DG par intérim qui ne l’a été que pendant moins de 12h et qui n’a rien eu le temps de faire.
À tout cela il faut ajouter les relations dégradées en interne entre les salariés divisés en 2 clans : les pro Rinçon et les pro Chalus.
Et comme preuve la situation délétère, au moment où nous publions cet article (12 juin) les salariés n’ont pas reçu leur paie du mois de mai ! c’est peut-être Laurella Rinçon (elle-même sans salaire) qui devra gérer ce retard. Mais cela suffira-t-il à apaiser les esprits ? Rien n’est moins sûr.
Le pire est sans doute à venir. Car lorsque les licenciés-suspendus parfois sans salaire (dont la réintégration a été validée) seront un jour de retour, on peut imaginer ce que pourra être la nature du climat interne entre les suspendus, les non suspendus, les licenciés, les réintégrés…
Car à ce jour, il faut le savoir, au sein du personnel du MACTe, il n’y a pas de responsable de ressources humaines. Qui pourra donc apaiser les vives tensions existantes ?
2. Un “géreur” franco-français à la Direction du MACTe ?
La récente révocation de la DG fait suite au rapport des inspecteurs généraux de l’administration et des affaires culturelles français dont le contenu a “volontairement” fuité. Il est clairement dit que 7 ans après sa création, le bilan est « décevant » et l’avenir du MACTe « est à construire ». C’est le mot que nous retiendrons : Construire.Car le Guadeloupéen n’en peut décidément plus. Il ne veut plus voir le MACTe au cœur d’un énième déballage, qui ne nous grandira pas et au contraire, donnera raison aux processus d’infantilisation mis en place par l’administration coloniale et à la minimisation de nos initiatives culturelles.Les Guadeloupéens ne veulent surtout pas voir cet outil dédié à la reconnaissance de nos luttes et de nos cultures, de notre mémoire, offert à un ”géreur made in France ” qui pourrait y inscrire durablement les subtils marqueurs de notre aliénation.Un franco-français prévu à la tête du MACTe pour remplacer la directrice, réintégrée à titre provisoire (précision qui n’aura échappé à personne) ? C’est le schéma qui semble se dessiner. Le Guadeloupéen restera ferme. Et c’est peut-être ce qui explique l’absence de véritable prise de position de l’État sur le sujet.
3. L’erreur de Chalus.
Pourquoi l’État français voudrait-il mettre fin à cette mauvaise sitcom sinon pour y positionner l’un des siens ? Le président du conseil d’administration du MACTe Ary Chalus, assailli par les prestataires non payés et voyant que l’Inspection Générale pointait du doigt des manquements dans la gestion du MACTe, aurait demandé la fin de “détachement anticipée” de la directrice, afin que la rupture avec la directrice, s’effectue discrétos. Mais le ministère de rattachement de la directrice est resté totalement et volontairement sourd et muet. En rupture de confiance avec la directrice qui ne lui rendrait compte de rien, Ary Chalus aurait donc décidé – (et c’est là toute son erreur-), de la radiation de la DG des personnels du MACTe, apparemment sans que ça ne passe par le conseil d’administration.Refusant évidemment cet état de fait, la DG aurait saisi le préfet pour qu’il intervienne puis le Tribunal administratif de Basse Terre. Et c’est là qu’elle l’a emporté, notamment parce qu’Ary Chalus, en tant que président du CA du MACTe, n’a pas pu produire de mémoire en défense, ni exposer sa vision ni les véritables preuves des fautes qu’il avançait. Au plan juridique, il a ouvert un véritable boulevard à la DG qui n’a eu aucun mal à l’emprunter.
4. Le nouveau retour de Laurella Rinçon
Laurella Rinçon fait donc ce lundi 12 juin un nouveau grand retour”, à titre provisoire, précise le jugement rendu. Elle pourra donc procéder outre le salaire des employés, mais également aux paiements des prestataires, dont est -il dit dans le “fameux” rapport, que certains auraient exercé sans marché.Ce retour met aussi fin une fois de plus aux espérances des salariés licenciés et qui espéraient que le président du conseil d’administration du MACTe les réintégrerait.Ils étaient venus le 27 mai dernier, jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, exposer leur longue et pénible traversée du désert au président du CA du MACTe, lequel les avait reçus et écoutés. Ils avaient même alors assuré à leurs collègues en poste qu’ils reviendraient sans animosité. Mais on sait que depuis leur licenciement, certains auraient pu retrouver du travail, et d’autres pas. Qu’en sera-t-il dans les jours à venir ? Ce retour de la DG ne met donc pas fin aux inquiétudes et relance même des épisodes pour une nouvelle saison de la sitcom MACTe. Les salariés qui ont été interrogés la semaine dernière par la police judiciaire pour rendre compte d’éléments financiers et comptables, le savent bien. Le bad buzz autour du MACTe va donc continuer mais au bénéfice de qui ?
5. Qui piétine notre culture ?
Certainement pas au bénéfice du président du CA du MACTe, dont on sent bien qu’il est victime des coups politiques de la part de ses adversaires déclarés et non déclarés, qui se servent du MACTe pour l’enfoncer.Certainement pas non plus au bénéfice de la directrice Rinçon, dont la carrière et le nom restent liés à tous ces épisodes si malheureux qu’ils pourraient même faire oublier la léthargique mandature de l’ex DG Martial plus souvent en avion et à l’étranger qu’à son bureau.Les actuels membres du CA du MACTe et les salariés aussi voudraient que le MACTe sorte de cette spirale sans fin. À qui profite cette situation ? Car c’est bien nos cultures et leur mise en valeur qui sont piétinées, assassinées, rendues moribondes, lorsque le MACTe est ainsi plongé et maintenu dans les ténèbres.
6. Une femme autoritaire est-elle dictatrice ?
Alors, oui, par nos comportements de part et d’autre, nous avons jeté le discrédit sur les capacités d’une femme guadeloupéenne, bardée de diplômes, à diriger ce MACTe que nous avons tant voulu. La question de l’égalité des sexes se pose aujourd’hui, bien entendu, après tout ce qui s’est passé : une femme qui a de l’autorité est-elle nécessairement perçue comme une ”dictatrice”, dans nos sociétés matriarcales où la femme joue pourtant un rôle central ? Ce rôle est-il autorisé seulement dans l’espace domestique, c’est-à-dire à la maison ? À un poste important, la femme guadeloupéenne est-elle autorisée à être rigoureuse, intraitable, verticale ? Ou sont-ce des qualités qui ne peuvent être acceptables que chez un homme et de préférence caucasien ?Ce qui se passe au MACTe doit nous permettre de nous interroger.Qu’est ce qui ne fonctionne pas dans l’alchimie entre une directrice portée aux nues à sa nomination et des employés volontaires, désireux de faire avancer le vaisseau amiral de notre culture plurielle (afro, kalinago, indienne, orientale et parfois même française) ? Qu’est-ce qui fait qu’une directrice ne parvient pas à s’entendre avec un président du conseil d’administration quel qu’il soit ?
7. Le Macte est dans la tourmente et nous aussi ?
Serions-nous encore victimes de nos inconscients liés à des séquelles du colonialisme ? L’État veut-il vraiment que ce monument dédié à la reconnaissance de nos luttes ancestrales, à la mise en lumière du métissage de nos cultures, persiste et résiste ?Finalement, le MACTe dans la tourmente ne démontre-t-il pas à quel point nous sommes nous-mêmes tourmentés ? incapables de prendre en main nos destins et d’imposer notre vision de ce monde qui est le nôtre ?
8. Construire le MACTe pour le sauver.
Alors que les rapports de l’État (qu’ils soient de la Cour des comptes, des inspections générales, etc.) espèrent toujours tomber comme des évaluations, des contrôles imposés à des enfants ignorants les règles, la vraie question nous devons nous la poser à nous-mêmes :Comment construire notre MACTe ? Prèmyé so pa so é sé byen MACTe an nou.La réponse réside dans le monde Caribéen.Le MACTe que nous voulons doit être construit avec notre Caraïbe, et philosophiquement, conceptuellement, depuis notre Caraïbe. Il doit se tourner vers la Caraïbe et nous ancrer en elle. Le ré-enracinement de nous-mêmes dans notre histoire passe par notre culture et par notre géographie, notre langue, nos mès é labitid. Forger des savoirs sur notre histoire et les faire connaître, intérioriser notre passé en vue de son dépassement et refuser l’enfermement colonial.Quand on voit ce qu’en Martinique Aimé Césaire a réussi avec le SERMAC et son festival culturel majeur, initié dès les années 1970 et dont chaque Martiniquais s’enorgueillit…Nous avons en Guadeloupe, le plus grand mal à comparer cette action majeure en faveur d’une vision panoramique faite de créativité, de culture et d’identité à la situation actuelle du Centre des arts de Pointe-à-Pitre et au désastre qui entoure le MACTe. On a clairement manqué quelque chose.Sortons de nos logiques, ne laissons ni les suppôts de l’État colonial avides d’embrasser tout le pouvoir en Guadeloupe et déguisés en Guadeloupéens, ni les franco -français habitués à nous mépriser, maintenir sous l’eau ce MACTe dédié à la reconnaissance de ces Afro-guadeloupéens qui ont lutté dans les champs de canne, d’indigo, ce Mémorial aussi consacré à la valorisation de ces indo-guadeloupéens qui ont résisté et se sont élevés en dépit de la misère, ce MACTe voulu pour le rayonnement de notre culture créole riche de sa diversité.
9. Mais qui, après Laurella Rinçon ?
Le MACTe doit être le symbole de notre force créatrice et de notre unité suivant des valeurs caribéennes. Il faut donc le sauver. Au vu de la situation actuelle et de toutes les difficultés connues et à venir, la question du remplacement de Laurella Rinçon semble être déjà clairement posée. Mais il faut le dire avec force, si le CA du MACTe, la classe politique, le monde de la culture, les Guadeloupéens ne sont pas véyatifs, le Ministère français de la Culture pourrait profiter de la situation pour le moins compliquée du “mémorial” pour changer totalement son orientation en installant un caucasien à la direction, car et ce n’est pas un scoop, dans les semaines à venir, on le présume, le MACTe fera encore la une de l’actualité.CCN peut déjà affirmer sans risque de se tromper, et c’est là le vrai scoop : Un(e) Afro descendant(e) exerçant dans le domaine de la Culture, pourrait si elle/il est sollicité(e) et retenu(e) faire le job. Cela signifie que l’épisode Laurella Rinçon ne doit en aucune manière fermer la porte à d’autres compatriotes compétents.
DZ