Pointe à Pitre. Vendredi 9 avril 2021. CCN. Le conflit UGTG/Collectivités locales va-t-il en fin s’achever ? je doute fort qu’il le soit réellement tant les questions structurelles restent en suspens… Il est d’usage de ne pas commenter une manifestation en cours mais, en tant qu’acteur de la vie politique, j’ai le devoir de l’analyser pour le comprendre et tenter de porter ma pierre à la construction de cette Guadeloupe que ceux, dont je fais partie, appelle de leurs vœux.
A chaque « lévé gaoulé » des entrepreneurs locaux, leur sempiternelle revendication est l’abandon des dettes fiscales et sociales et, l’éternelle réponse de l’État est le recours à un moratoire et un étalement de ces dettes, généralement sur 5 ans.
C’est à se demander si nos chefs d’entreprise, à vouloir tous les 5 ans négocier – si négociation, il y a ! – la même chose, sachant pertinemment que la réponse sera immanquablement : « Non ! », ne sont pas masochistes…Alors pourquoi un tel acharnement de leur part ?
Et, pourquoi ce refus systématique et acharné de l’État ? Parce que, nous le savons tous :ce que l’État veut, Dieu le veut ! L’exonération de la TVA en Guyane en est l’illustration. A ceci près qu’Ariane Espace, seule entreprise de Guyane exonérée de TVA, ça aurait fait désordre !
Il serait peut-être temps de voir le problème différemment afin de rompre cette quadrature d’un cercle infernal. Une réponse à cette question est, au sens propre, vitale pour nos entreprises. Elle est, à mon sens, « républicaine et égalitaire »pour ce qui concerne l’Etat.
Tout d’abord, le moratoire ou l’étalement des dettes antérieures n’exclut pas le paiement des charges en cours. De moratoire en échelonnement, les dettes finissent par se chevaucher, s’accumuler et entraîner de nouveaux impayés et de nouvelles dettes et donc de nouvelles poursuites et de nouvelles saisies.
De même l’abandon des dettes passées n’est qu’un cautère sur une jambe de bois ; puisque cette revendication revient régulièrement tous les deux ou trois ans, lors d’une nouvelle et prévisible éruption de fièvre sociale. Avec, les mêmes entreprises, encore plus endettées accompagnées d’un nouveau contingent.
Exception faite de cette minorité d’entrepreneurs qui sont de mauvais payeurs invétérés et de ceux qui faute d’une gestion administrative rigoureuse ne s’acquittent pas de leurs dettes fiscales et sociales, il est quasiment impossible pour un dirigeant à la tête d’une entreprise « normale » en Outremer, d’être à jour de ses charges sociales et fiscales ; tant cela s’apparente à un des 12 travaux d’Hercule.
Des milliers d’entreprises naissent, vivent et meurent avec des dettes sociales et fiscales. Voilà pourquoi je parle de dettes sempiternelles.
Le vrai problème réside dans le taux d’imposition des charges fiscales et sociales.
Nos entreprises sont taxées au même niveau que celles des régions de l’Hexagone.
Comment, avec un PIB par habitant inférieur en moyen de 40% à celui des régions hexagonales et un pourcentage d’industrialisation aussi faible que le nôtre – pour ne pas dire nul – peut-on exiger des « pseudos entreprises » locales (90% du tissu économique guadeloupéen), les mêmes taux de contributions que les entreprises métropolitaines qui évoluent dans un environnement plus ouvert et plus compétitif ?
Les entreprises guadeloupéennes sont par nature sous-capitalisées, elles évoluent sur des marchés restreints et peu novateurs par essence, avec un retard de développement structurel. Dans de telles conditions, le seul objectif du chef d’entreprise est d’assurer en fin de mois les salaires, avec peu de marge de manœuvre.
Certaines entreprises s’en sortent certes et nous les connaissons ! Celles du secteur de l’automobile, de la grande distribution, du câble, du numérique et de la téléphonie. Elles sont peu nombreuses, elles appartiennent à de grands groupes et le prix à payer, pour les consommateurs et la société guadeloupéenne, est exorbitant : tarif prohibitifs, vie chère, endettement, appauvrissement, crise sociale…
D’aucuns argueront qu’il existe des abattements et que tous les dix ans les gouvernements successifs votent des lois et des plans d’exceptions (Pons, Perben, Girardin, plan corail, Lodeom, etc..). Leurs conditions d’applications constituent de véritables parcours du combattant pour les petites entreprises et ne produisent temporairement que des effets d’aubaines. De plus, ces dispositions sont un véritable dédale et mille-feuilles administratif impénétrable.
Pourtant malgré tous ces dispositifs ponctuels et conjoncturels, l’activité économique de la Guadeloupe demeure toujours sous perfusion, car l’un des problèmes majeurs de sa structuration et qui plombe ses entreprises n’a pas été abordé : les taux d’imposition et de charges sociales !
Je le dis et le redis, ils ne sont pas adaptés à la réalité économique de la Guadeloupe !
Ils doivent être révisés et revus à la baisse pour coller à cette réalité et être fixés en fonction de notre retard de développement (PIB, taux d’activité, d’industrialisation, recherche et développement, frais d’approches, …)
C’est, à mon sens, la voie à prendre pour que nos entreprises puissent sortir la tête de l’eau, se pérenniser et remplir leur rôle de créatrices de richesse et d’actrice du développement.
Il s’agit d’équité. Oui, dans ce domaine l’égalité ne peut s’appliquer.
Cela pourrait se faire dans le cadre d’une demande d’adaptation déposée par nos élus. L’article 73 qui nous régit encore, le permet.
Je ne peux passer sous silence l’absence de dispositifs de formation efficaces pour les dirigeants d’entreprise, des très petites entreprises, celles du secteur de l’artisanat par exemple. Que leur est-il proposé pour maitriser le minimum en gestion qu’un dirigeant doit connaître pour pérenniser son entreprise et la développer ? Que leur est-il proposé pour qu’ils s’entourent de professionnels pouvant les conseiller et les accompagner. Ces entreprises représentent cependant plus de 90% du tissu économique guadeloupéen.
C’est pourtant le rôle des chambres consulaires, La chambre des métiers est engluée dans un conflit interne, entretenu par l’Etat à travers ses représentants locaux. Cela fait bien longtemps qu’elle ne remplit plus les obligations qui sont de sa compétence.
Quant à la chambre de commerce, elle est plus intéressée par les grandes Entreprises ? Celles qui s’en sortent.
Le principe d’obtention des fonds européens… Voilà encore une autre aberration !
Les règles d’obtention des subventions de la communauté européenne sont un autre problème.
Pensées principalement pour les grandes régions et entreprises européennes, elles ne sont pas adaptées à la structure de notre tissu économique et de nos entreprises locales.
Les grands groupes locaux et les collectivités locales en bénéficient largement, mais elles ne caractérisent pas le modèle type de nos entreprises.
Comme dit précédemment, nos TPE-PME sont structurellement sous-capitalisés et ne disposent pas de cash-flow. Même si elles sont éligibles aux subventions européennes après avoir franchis, les méandres administratifs, les « jè bésé » des banques et les délais de décision, in fine leurs trésoreries leurs feront toujours défaut pour l’avance de fonds nécessaire.
C’est bien pour cela que la Guadeloupe présente un tel pourcentage de retour des fonds européens.
Pour autant nos abondons au budget de la communauté européenne, comme toutes les autres régions de France et au même taux.
Deux voies s’ouvrent à nous : créer un vrai organisme régional de financement ou faire changer les règles européennes pour les entreprises des DOM.
Mais, ces solutions dépendent et relèvent de la volonté des élus et de leur travail, chacun à lon niveau. Les solutions à ces différents problèmes relèvent de nos élus :leur volonté d’analyser l’histoire, la société ,le système économique et éducatif de la Guadeloupe et leur capacité à se conduire et d’adopter une stature de. véritable « homme d’état. guadeloupéen » pour sortir des sentiers battus, déconstruire la pensée dominante et reconstruire l’homme guadeloupéen.
Claude BARFLEUR
Président du MGP
Conseiller municipal de Pointe-à-Pitre