Partagez sur

Actualité en Guadeloupe, Martinique, Guyane et dans la Caraïbe !

Guadeloupe. Exposition. Delgrès : Le Poing Fort

Décryptage des œuvres de Dimitri Fagbohoun au Fort Delgrès. Dimitri Fagbohoun est un plasticien hors norme avec un parcours et une histoire tout aussi inspirants

Guadeloupe. Exposition. Delgrès : Le Poing Fort

4/5

Basse-Terre. Mercredi  28 juin 2023. CCN. Décryptage des œuvres de Dimitri Fagbohoun au Fort Delgrès. Dimitri Fagbohoun est un plasticien hors norme avec un parcours et une histoire tout aussi inspirants. C’est en Guadeloupe dans les années 90 qu’est née sa vocation artistique après avoir été un ingénieur et entrepreneur dans la téléphonie. Nous avons tous découvert ce poing levé au Fort Delgrès le samedi 27 mai 2023. Mais au-delà de cette sculpture monumentale commandée par le Conseil Départemental, Dimitri Fagbohoun est un artiste d’origine béninoise, qui a été lauréat de l’appel à projet lancé par le Département. Il nous invite à découvrir un parcours artistique à travers le Fort Delgrès qui représente l’histoire de Delgrès et de ses compagnons.  Le plasticien qui connaît bien la Guadeloupe se sent chez lui, car notre histoire lui rappelle étrangement la sienne. Il se livre à CCN pour un décryptage de son travail artistique

CCN. Qui êtes-vous Dimitri Fagbohoun ?

Dimitri FAGBOHOUN (DF) :  Je suis un artiste plasticien d’origine béninoise et ukrainienne. Je suis né à Cotonou et j’ai grandi au Cameroun. Ma démarche artistique est à l’image de mon identité plurielle. Mon travail est protéiforme et se décline à travers, des dessins, des sculptures, des vidéos, il exprime un rapport à l’histoire et aux identités dans lesquelles je me retrouve. Il y a principalement dans mes travaux, l’Europe et l’Afrique, soit mes propres origines. Je suis le fruit de cette histoire. Je remets en question des modèles de pensée préétablis en m’interrogeant sur les influences de l’art et de la pensée occidentale. 

CCN. De quoi vous êtes-vous inspiré pour réaliser l’œuvre du Fort Delgrès ?

DF : C’est l’histoire de la Guadeloupe qui m’a inspiré cette œuvre. J’ai effectué un long séjour suivi d’aller-retour pour comprendre l’île et son histoire. Ma proposition consistait à habiter le fort en entier. Je propose au Guadeloupéen une déambulation artistique au Fort Delgrès qui représente pour moi un lieu chargé de mémoire et d’histoire. C’est toute cette mémoire et cette histoire que renferme ce fort emblématique que j’ai voulu questionner avec cette invitation artistique que je vous offre. On ne visitera plus ce fort comme on le faisait auparavant. La finalité est de susciter des questionnements, de procurer des émotions et réfléchir sur le monde qui nous entoure.

CCN. Que symbolise ce “Poing Levé” ?

Poing Levé au Fort DelgrèsDF : Ce “Poing Levé” que j’ai réalisé en bronze à partir de mon poing, mesure 4 mètres de haut. Il symbolise à lui seules toutes les luttes du peuple guadeloupéen. On pourra lire un vers de Paul Eluard : “Tu te rêvais libre et je te continue”.  Ce “Poing” représente aussi, de façon allégorique, l’esprit de Delgrès qui habite toujours ce Fort. Et, le fait que ce monument est toujours vivant. L’œuvre monumentale est le Fort lui-même. C’est aussi une réponse et une continuité à la sculpture de Roger Arékian qui en 2002 avait réalisé le visage de Delgrès à partir d’une roche volcanique et à même le sol. Comme si Delgrès avait été enterré là. Mon but a été de poursuivre ce travail, qui pour moi fait écho à l’œuvre de l’artiste guadeloupéen. Il fait vivre l’esprit et le dessein de Delgrès pour la Guadeloupe tout entière. Dans le parcours artistique que je propose, il y a à la fois l’histoire de Delgrès et de ses compagnons. J’ai voulu montrer, ce qui les a inspirés et d’où ils tirent leur force. Et, comment il a lui-même inspiré d’autres peuples entrés en résistance aussi bien en Afrique, en Amérique et plus près de chez vous en Haïti avec Dessalines et Toussaint Louverture. 

vivre libre ou mourir

CCN. Les quatre autres œuvres réalisées au Fort Delgrès ?

DF : La deuxième œuvre est un puits de lumière, avec des faisceaux lumineux de plus de 10 km de haut. Ces lumières que l’on voit de très loin et la nuit matérialisent le cri de Delgrès à l’univers tout entier “Vivre libre ou mourir”.  Quant à la troisième, elle se nomme Rhizomes “. C’est une installation lumineuse faite avec des leds et des néons sur la muraille du Fort. Cette œuvre représente la trace symbolique et les cicatrices du passé. La quatrième qui s’intitule “vivre libre ou mourir” est inscrite avec des Leds rouges sur la muraille du Fort pour rappeler les résistances et les luttes du peuple guadeloupéen contre l’esclavage. La dernière œuvre est un parcours à la fois sensitif et méditatif. J’invite les promeneurs à pénétrer l’espace pour vivre une expérience sensorielle inédite. Le parcours est matérialisé avec 27 bancs portant le nom de chacun des compagnons de Delgrès.  Ces œuvres représentent ma vision d’une partie emblématique de l’histoire de la Guadeloupe qui est faite de résistance et de luttes.

CCN. Quel message avez-vous voulu délivrer avec ces œuvres ?

Sur les murs du Fort Delgrès : vivre libre ou mourirDF : Il serait présomptueux de vouloir délivrer un message. Mon intention a été de faire une œuvre de résilience, qui montre la force déjà des combattants guadeloupéens et du reste du monde durant cette période. Et, d’espérer que l’on peut prospérer ensemble en dépit du passé. Mon art est indissociable de mon identité qui est métissée, plurielle et que je considère comme créole.  

CCN. Votre regard sur la restitution des œuvres volées au Benin par les français, il y a 129 ans ?

DF : Votre question est très intéressante, quand la France a restitué les 26 œuvres volées au Bénin. Le Bénin a eu la bonne idée d’organiser une exposition intitulée “Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui, de la Restitution à la Révélation : Trésors royaux et Art contemporain du Bénin” en 2022 pour que des artistes portent un regard contemporain sur ces 26 œuvres anciennes. J’ai eu la chance d’avoir été retenu pour cette exposition qui arrivera bientôt à la Fondation Clément en Martinique.  Certes les œuvres ont été pillées, ça soulève question et ça illustre la violence coloniale de l’époque. Et, cela, il ne faut pas l’oublier. Malgré tout, cette spoliation a inspiré une partie de la pensée et de la création en occident. “Les demoiselles d’Avignon“, un célèbre tableau de Picasso, n’aurait jamais existé s’il n’y avait pas eu “la statue nègre” comme ils disaient à l’époque. Malgré tout, l’ironie de l’histoire a permis ça.

Exposition à voir jusqu’au 28 juillet 2023 au fonds d’art contemporain le FAC à l’Habitation Beausoleil à Saint-Claude : “Tu rêvais d’être libre et je te continue” de Dimitri Fagbohoun.
Exposition à voir jusqu’au 28 juillet 2023 au fonds d’art contemporain le FAC à l’Habitation Beausoleil à Saint-Claude : “Tu rêvais d’être libre et je te continue” de Dimitri Fagbohoun.

 

Maleekah Fedje

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ccnfirst.COM

Bienvenue sur le portail

Actualité, Événements,
Bons plans des Îles du Sud
Les acteurs du développement
de la Guadeloupe de demain.
Le festival de la
bande-dessinée et du manga .
Portail Caribéen
Média et Com