Pointe-à-Pitre. Samedi 27 novembre 2021. CCN. Depuis près d’une semaine, notre pays travers une crise de société dont les précédents sont nombreux dans l’histoire de la Guadeloupe.
Ici, les crises se suivent et ne se ressemblent pas.
Pourtant, aujourd’hui comme à d’autres époques de la vie du pays, c’et aussi la jeunesse guadeloupéenne qui est au coeur du mouvement. C’et elle qui s’est juchée sur les barricades. C’est elle qui fait la une des quotidiens locaux et nationaux. C’est encore elle qui est le sujet des discours politiques et des conversations de salon.
Alors, elle est totalement déresponsabilisée et infantilisée : tantôt elle serait instrumentalisée par d’obscurs marionnettes, tantôt ce serait uniquement la faute des parents qui devraient plus s’occuper de leurs enfants.
Tout cela se passe comme sin nous n’étions pas là… comme si nous n’étions même pas..
Comme si nous n’étions pas des personnes dignes de nos propres sentiments, forts de nos propres choix et prêts à assumer nos propres responsabilités. Comme si nous étions condamnés à demeurer le jouet sombre du carnaval des autres ou l’épouvantail désuet des champs d’autrui.
La jeunesse fait tellement parler d’elle et paradoxalement personne ne l’écoute ni ne la voit.
Nous n’avons pas la prétention de détenir le monopole de la vérité et encore moins de la sagesse, Cependant, nous saississons la lumière de tous les feux de ces projecteurs du. monde braqués, une fois n’es pas coutume, sur les bières de notre pays pour vous adresser ici le cri du coeur d’une jeunesse en quête d’espérance.
En 2001. Ernest Pépin adressait une lettre ouverte à la jeunesse dans laquelle il nous invitait à répondre à deux questions.
Il demandait d’abord : “Ce monde est-il acceptable”
De manière irresponsable, nous aurions pu répondre à cette question, par une autre question. Une interrogation boumerang dirigée vers les genérations qui nous ont procédé : ” quel monde nous avez-vous laissé ?”
Nous sommes les héritiers d’une Guadeloupe divisée, éreintée par l’insécurité, par la drogue. Nous sommes les héritiers d’un pays érodé qui prend l’eau de part en part et qui paradoxalement manque terriblement d’eau. Un pays étouffé par des algues sargasses qui s’amoncèlent sur nos littoraux ; D’une terre polluée. Nous sommes les héritiers d’une Guadeloupe trop chère pour nous même…Nous sommes les héritiers d’une éternel crédit à la consommation. D’un pays en pleine crise identitaire. Une crise dont nul ne parle plus et que personne ne cherche plus à résoudre. Nous héritons d’une terre où le seul moteur du progrès social depuis au moins 30 ans est une mondialisation dont nous sommes les suiveurs éternels. D’un pays où le progrès institutionnel est pour ainsi dire tabou. Un pays où les opportunités économiques sont trop souvent confisquées où le dialogue social est unes succession d’entraves, de barrages et de coups de poing. Nous héritions d’un pays qui nous condamne à demeurer des spectateurs amorphes de notre propre destinée.
Nous sommes les héritiers de la Guadeloupe d’une République à bout de souffle. D’une Guadeloupe malade… D’une Guadeloupe cassée, d’une igname brisée, d’une dent mal chaussée.
A tout cela s’ajoute aujourd’hui une époque sanitaire inédite qui fait partir après le car des ségrégations économiques et sociales, un express d’une discrimination sanitaire assumée et décomplexée. Une discrimination qui s’emballe déjà dans l’opinion.
Notre pays est l’incubateur permanent d’une crise perpétuelle dont chaque actualité est un responsablilité nous répondons que non, ce monde n’est pas acceptable.
Ce monde-là, nous le jugeons tout bonnement inacceptable et il nous met en colère !
Cette colère est un refus catégorique des étiquettes arbitraires et chiffonnées qu’on nous attribue : d’une jeunesse délinquante, d’une jeunesse des barricades, d’une jeunesse fainéante et méchante ; d’une jeunesse presque idiote, déscolarisée et dont on ferait ce qu’on veut quand on veut. D’ailleurs, la première de ces étiquettes est celle de la ” jeunesse” même derrière laquelle d’aucuns veulent ranger un monde de vies différentes, d’identités différents, d’idées différentes. Une étiquette qui voudrait à tort essentialiser toutes les jeunesses. Une étiquette qui est condamnée par principe d’abord par l’opinion, ensuite par les tribunaux.
Cette fois, guidée tout droit sur tous les ronds-points et tous les ponts de notre archipel, la colère à malheureusement explosé. Comme la plupart des colère, elle s’est montrée toujours au mauvais endroit. Pour l’occasion, elle a éclaté dans les magasins de compatriotes. Elle ajoutait alors de la rage au désespoir ; et coup du sort, les codes imposés par notre réalité et notre lutte permanente pour survivre dans un environnement hostile nous éloignent des remords et des regrets que vous voudriez vous voire arborer.
Chez bon nombre d’entre nous d’ailleurs, les plus malchanceux, cette colère est un fardeau. Dès le départ, elle pèse lourd sur la tête de ceux-là. Nous sommes dans un cas bien souvent, ces écoliers déjà très fatigués sur les chemins de leur école, l’école de ces messieurs de la ville, de ces messieurs comme il faut. Cette école qui ne nous ressemble pas assez et qui ne nous offre que des options de déceptions annoncées.
C’est alors qu’apparaissent les itinéraires bis sur lesquels on fait la découverte de l’école buissonnière où les fardeaux s’alourdissent encore et encore. Ils grossissent encore jusqu’à éclipser la lumière de nos espoirs et de nos rêves.
Chez quelques-autres, plus rares ceux-là, ce sont le plus chanceux. Pour eux, le cri originel se mue en une rage de vaincre les déterminations et les assignations à la reproduction sociale. Il est le moteur d’un voyage vers des promesses d’avenirs plus souriants. Un aller simple vers des ailleurs qui voient s’épanouir des familles loins des familles et des rêves éloignés de la dure réalité du pays. Des tronçons sans plans de retour abandonnant souvent le pays à la seule perspective du désenchantement de ce monde.
Ces quelques réussites, souvent individuelles et répondant presque toujours aux canons du succès tels qu’imaginés pour nous dans l’autre-monde, sont pourtant insuffisantes à gommer les inégalités de chances atroces qui se creusent toujours plus entre nous et qui sont la gangrène permanente du climat social dans notre pays.
Et c’est là que ta seconde question, Ernest Pepin, prend pour nous tout son sens : ” Comment transformer cette Guadeloupe dans le sens de nos intérêts ? “
Cette fois, la réponses est moins manifeste… Pour y répondre, d’aucuns prendraient le risque, aujourd’hui encore, pour la énième fois, de faire des montagnes accoucher de souris, d’organiser de grandes parades pour n’arriver que des ti Kou bâton….Mais nous ne voulons pas d’états généraux, ni de grand déballage national ; nous refusons également des assises où la seule thérapeutique de la complainte serait expérimentée. N’imaginez pas non plus une nouvelle commission spéciale qui serait en charge de formuler des propositions jamais écoutées, jamais entendues, jamais mises en oeuvre. Il y a déjà bien longtemps que les jeunesses de la Guadeloupe ont cessé de croire aux chimères.
Ce que. nous voulons, c’est prendre part concrètement au devenir du pays, être concerté sur les décisions qui sont prises pour notre avenir et celui des générations qui viennent et cela commence d’emblée avec les décisions qui doivent conduire à la sortie de cette crise.
Nous voulons transformer l’école afin qu’elle quitte sa fonction d’industrie de l’échec. Nous voulons structurer une filière économique culturelle et audiovisuelle qui permettrait à bon nombre de ceux que vous pensez marginaux de vibre de leur passion. Nous voulons voir renaître les Leix de la culture guadeloupéenne.
Nous voulons retrouver dans la terre qui est la nôtre, la capacité à produire pour nourrir le pays et le voir s’épanouir. Nous voulons élargir nos horizons sur la Caraibe voisine, pouvoir y faire des stages de formation professionnelle, plus déchanges linguistiques, universitaires, économiques. Nous voulons pouvoir travailler, vivre dignement, faire grandir nos propres enfants et être heureux en Guadeloupe.
Lorsqu’expatriés loins de notre pays, nous voulons être en mesure d’y découvrir des perspectives d’attraction.
Lorsqu’expatriés loin de notre pays, nous voulons être en mesure d’y découvrir des perspectives d’attraction.
Lorsqu’étranger à notre propre destin, ce que nous voulons, c’est sortir de la survie et rentrer dans la vie enfin.
Pour ce faire, nous voulons disposer d’une capacité réelle de transformation du pays. Décider et agir, façonner le pays. Parce que nous sommes une jeunesses en quête de nouveaux horizons, de libertés réelles, d’une égalité des chances, nous aspirons terriblement à embrasser toutes les charges qui sont liées.
Plus que tout, nous voulons participer, sans faux semblants, et de manière réelle à l’émergence d’un pays qui nous ressemble.
Nous voulons faire la Guadeloupe revêtir d’autres habits de lumière. Nous voulons faire entrer le pays dans son destin comme le toréro dans l’arène et nous ne voulons plus attendre ! Nous voulons habiter pleinement le pays !
D’ores et déjà, nous sommes prêts à ce que les décisions de sortie de crise se fassent avec la jeunesse au service du pays.
Alors, à celles et ceux qui s’interrogent sur ce que veut la jeunesse guadeloupéenne, vous voila tous avertis.
Liste des cosignataires
RAPHAEL LAPIN
FANNY QUENNOT
PEDRO PIRBAKAS (AKA KRYS)
MICKAEL MARAGNES (AKA MISIE SADIK)
LAURA GUEPOIS
YANN NANNETTE
ELODIE NESTOR
FREDERIC DUMESNIL
CLARISSA SAMSON
JIMMY SABAS (AKA MASH)
LEILLA LECUSSON
GANESH PEDURAND
MARINE RISEC
YOUKO TACITA (AKA UNCHAINED)
YANNETI SABAS RAMASSAMY
YANN CERANTON
MAEVA CORNEILLE
MANUEL AHOUA
EMILIE BERTHELOT
SULLY BANAIAS
MATHIEU BALAGNE
ANNAELLE PHILETAS
JEREMY JOMIE
GUERIK GERMAIN
AURORE JOSEPH
LOIC MANLIUS
AMALIA GERERAL
TEDDY FLEREAU
FREDERIQUE MERI
JEROME SAINT AIME
EMMANUELLE JULIENNE
MARIE CHRISTINE SAMSON
EMERIC FERIAUX
LUDOVIC ANNETTE
JIMMY LAMA
FLORENCE COMBE
THOMAS MELANE
THEISSA SAMSON
SAMUEL CERCI
SOPHIE LAPIN
STEPHANE LODIN
KEVIN LAPIN
CYRIL LAMARRE
YAEL ANGELIQUE
OXANN SAHAI
WILLIAM LE BLANC
HEDWINA CHERASCOT
LUDOVIC RAMON
SAMERA SAVERIMOUTOU