Deshaies. Jeudi 11 Juin 2020. CCN. Monsieur, le Président. Huit minutes et 46 secondes ! C’est le temps que j’ai souffert tandis que le souffle du citoyen américain, George Floyd, s’amenuisait sous le genou impitoyablement meurtrier du policier déterminé à le sortir de cette vie.
Vous écrivant, j’ai la certitude de faire écho à la douleur prégnante de millions de nos compatriotes qui ont hérité en partage de la même histoire horrible que ce citoyen que l’on désigne sous le vocable hybride d’Afro-Américain. Tout être doté de la moindre sensibilité humaine a eu mal de son mal. Mal d’un être humain dont la faute originelle est d’être né de la mauvaise couleur. Les manifestations de colère et d’indignation qui ont eu lieu aux quatre coins de la planète, démontrent comme une évidence, qu’il existe, vivace, une puissante énergie antiraciste qu’aucune tyrannie ne saurait étouffer.
Je ne vous cacherai pas que de l’assassinat de George Floyd, le 25 mai, à ses funérailles, le 9 juin, j’ai attendu avec espoir. L’espoir que la France, pays des droits de l’Homme, fasse entendre sa voix qui aurait pu réconforter nos concitoyens, jeunes et moins jeunes, qui attachent tant de prix à la liberté, à l’égalité, à la fraternité !
Il ne me saurait, Monsieur le Président, venir un instant à l’esprit que votre conscience n’ait pas été, tout comme celle de ces millions d’hommes et de femmes de par le monde, blessée par cet acte qui relève de la barbarie. Mais, permettez-moi de m’interroger sur le silence de la République qui, face à ce crime raciste, n’a pas fait entendre la voix de la France par une condamnation ferme et intangible.
En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion…, nous avons réussi, malgré le poids douloureux d’un passé violent, à construire une société du vivre ensemble. Mais, dans ces circonstances aussi tragiques, le vivre ensemble et la confiance risquent d’être fragilisés et mis à mal, lorsque le message universel de la France ne vient pas.
Alors, aujourd’hui, Monsieur le Président, nos concitoyens, la France, le monde, attend votre parole. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.