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Guadeloupe. Social. La réforme des retraites, ce moment de vérité

Guadeloupe. Social. La réforme des retraites, ce moment de vérité

C Vu de la Guadeloupe - la réforme des retraites

C Vu de la Guadeloupe 

La chronique d’Olivier Nicolas

La chronique d’Olivier Nicolas

Basse-Terre-Capitale. Mercredi 1 Février 2023. CCN. A-t-on seulement mesuré en Guadeloupe, et plus largement dans les Outre-mer, à quel point le recul de 62 à 64 ans de l’âge légal de la retraite sera dévastateur pour les travailleurs d’aujourd’hui et les retraités de demain ? Dans nos territoires de chômage de masse, où l’on commence souvent à travailler très tard et où les carrières hachées sont légion, le nombre de retraités pauvres ou obligés de « jober » pour survivre va tout simplement exploser si cette réforme entre en vigueur. Mais pourquoi, alors, sommes-nous si peu chez nous à nous y opposer ?

Ce projet de réforme des retraites porté par le Gouvernement à la demande du président de la République, c’est peut-être mon amie Micheline qui en parle le mieux alors qu’elle est déjà retraitée et qu’elle ne serait pas concernée par son éventuelle application. Mais quand elle en parle, sa voix se trouble de sanglots dans un mélange de tristesse et de colère. Femme qui a commencé à travailler à 17 ans, elle a eu la carrière tout à la fois longue et hachée de celles et ceux qui n’ont pas eu la chance d’être fonctionnaire et qui ont rarement travaillé dans un bureau… A la retraite avec moins de 800 euros par mois, locataire, elle survit à peine et à bientôt 70 ans elle en est encore à faire des heures de repassage pour joindre les deux bouts. Car, entre ses 3 maternités, les aléas de ses boulots successifs rarement bien rémunérés, parfois déclarés et parfois non, et plusieurs longues périodes de chômage, Micheline n’a évidemment pas pu boucler une retraite à taux plein. Et ce qui la rend à la fois triste et en colère, c’est qu’elle sait qu’en passant l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, le Gouvernement va à terme éloigner de nombreuses personnes d’une retraite à taux plein et les précipiter dans les mêmes conditions qu’elle. Autrement dit : des retraités encore plus pauvres, en premier lieu des femmes, qui verront se perpétuer la précarité dont ils auront pour la plupart souffert tout au long de leur vie active.

Ce que pressent Micheline, nous devons tous en avoir conscience. Et le promoteur de la version suédoise de la réforme Macron, Karl Gustaf-Scherman, reconnaît lui-même que le recul de l’âge légal à 65 ans décidé dans son pays il y a déjà 20 ans, a été une erreur qu’il déconseille de mettre en oeuvre en France. Selon une étude de la caisse des pensions suédoises réalisées en 2019, 72 % des hommes et 92 % des femmes à la retraite ont subi une baisse de leur pension et de leur pouvoir d’achat après la réforme. Imaginez cependant que la Guadeloupe n’est pas la Suède. Chez nous, les générations qui arriveront dans les prochaines années à la retraite sont celles du chômage de masse des années 70-80-90. Celles qui ont connu durant de longues années le RMI, puis le RSA. Celles des petits boulots non déclarés. Celles pour qui l’alternance c’était surtout alterner de courtes périodes de travail avec de longues périodes de chômage. Celles des carrières commencées bien après l’âge de 30 ans quand l’essor des politiques de formation professionnelle a permis à un plus grand nombre de jeunes éloignés de l’emploi de s’insérer. En somme, des générations qui comptent des personnes qui arrivent à l’âge de la retraite en ayant peu ou pas travaillé. Autant dire que nous n’avons pas fini d’être confrontés aux ravages de la pauvreté et de la grande pauvreté en des temps où les solidarités, qu’elles soient familiales ou institutionnelles, tendent à s’effriter.

Ces sombres perspectives devraient donc nous conduire à être tous vent debout contre cette cette funeste réforme qui porterait un nouveau et énième coup à notre cohésion sociale. Or, hormis les forces syndicales qui étaient en nombre dans les rues de Pointe-à-Pitre le 19 janvier dernier, hormis les parlementaires estampillés NUPES qui ont annoncé leur intention de se battre pied à pied au Parlement contre cette réforme, il est frappant d’observer une nouvelle fois le silence assourdissant des élus majeurs de nos collectivités majeures, et de leur(s) parti(s) politique(s), sur ce sujet-là. Les micros et les caméras n’ont pourtant pas manqué autour d’eux tous ces derniers jours, entre le retour de miss France au pays, le démarrage – un chouïa poussif – des forums citoyens initiés par la Région et le Département ou, mieux encore, les voeux du président de Région aux « forces vives » pourtant toutes a priori concernées par ce sujet des retraites… Comme toujours gênés dès lors qu’il s’agit de s’opposer ouvertement au Gouvernement et au président à qui ils accordaient en nombre leurs parrainages, et donc leur confiance il y a tout juste un an pour l’élection présidentielle, ils ont la chance que personne d’autre ne songe à s’étonner de leur silence et encore moins à les questionner…

Il ne faut cependant pas minorer l’impact que ce genre de masko peut avoir sur nos concitoyens et sur eur déjà faible confiance en la politique. Car cette réforme des retraites voulue par le Gouvernement, au regard de ses impacts prévisibles, fait partie de ces moments de vérité où la population aurait bien besoin de savoir de quel côté se trouvent ses représentants et s’ils sont prêts à dire « non » à leurs amis politiques parisiens, et pas seulement par opportunisme. La raison d’être des partis politiques, c’est notamment de pouvoir tracer les lignes du modèle de société qu’ils défendent. Et donc de s’exprimer au moins aussi haut et aussi clair pour contester ou approuver des choix politiques lourds que pour défendre telle ou telle option institutionnelle ou statutaire qui, d’ailleurs, ne dit en général rien ou pas grand chose du modèle de société que l’on veut promouvoir.

Le 7 février, comme déjà le 19 janvier dernier, celui qui écrit ces lignes sait en tout cas qu’il sera avec Micheline.

Olivier NICOLAS

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