Port-au-Prince. Vendredi 11 Décembre 2020. CCN/Wellcom’. A l’occasion de la journée internationale des Droits de l’Homme, le 10 décembre, la cinquième émission d’AGORA, Chita Pale sou Dwa Moun a choisi de se pencher sur un problème crucial, celui de la détention provisoire prolongée.
La surpopulation carcérale (estimée à 344 % avec un effectif de 11,107 détenus au 14 octobre 2020) affecte inexorablement les conditions de détention en Haïti avec une violation chronique des droits humains. La problématique de la surpopulation carcérale est intimement liée au taux très élevé de détention préventive (DP) estimé par la DAP à 78,9 %.
« Les droits de l’homme représentent un des piliers de tout système démocratique et une priorité pour l’Union européenne qui s’attache à les promouvoir et à les défendre partout dans le monde car ils demeurent indivisibles, universels et inaliénables. Il ne peut y avoir d’Etat de Droit sans le respect des droits de la personne » rappelait Madame Sylvie Tabesse, ambassadrice de l’Union européenne en septembre, en préambule de cette série d’émission AGORA.
La thématique, d’abord présentée par Marveliz Roa, chargée des programmes Droits Humains à la délégation de l’Union européenne en Haïti, a été abordée avec des invités concernés par les droits des personnes privées de liberté et la détention préventive prolongée (DPP).
Le pouvoir judiciaire, avec le Doyen Bernard Saint-Vil du Tribunal de Port-au-Prince et l’administration pénitentiaire, représentée par Oriol Charles, son directeur adjoint de communication, étaient invités à faire un état des lieux et des causes de la surpopulation carcérale en Haïti. Les conditions de détention, la question du dysfonctionnement du système pénal et l’absence d’une assistance légale systématisée des détenus les plus démunis, les nouveaux codes, pénal et de procédure pénale, la question de l’assistance légale, de la réinsertion sociale et du suivi psychologique des anciens détenus ont été au cœur des discussions.
Rosy Auguste, juriste et responsable de programmes du RNDDH, et Fedler Filogène, responsable Justice du projet A BON DROIT, soutenu par l’UE, que les deux organisations mettent en œuvre ensemble, ont longuement évoqué le problème de l’assistance légale indispensable mais défaillante. « Avec moins d’un demi-mètre carré par détenu, la détention est inhumaine et c’est d’autant plus une torture qu’elle concerne des innocents… », s’accordaient à dire l’ensemble des invités présents.
Marie Yona Fabre Gros-Nègre, Psychologue de l’équipe psycho-sociale du projet TDH-IT, travaille en particulier sur les retombées psychosociales de la détention prolongée sur les insomnies, anorexie, hallucinations mentales sont soit directement causées par la détention préventive prolongée, soit aggravée par celle-ci… » explique-t-elle.
La dernière séquence réunissait comme à chaque émission les « porte-voix » de la cause. Une problématique que le journaliste Roberson Alphonse évoque comme un véritable « drame » qui n’est pas assez évoqué et « rejeté » par la société. « Il y a des gens qui édictent des textes qui ont force de loi pour renforcer les peines, comme c’est le cas du nouveau décret… c’est une régression en termes de droits humains » dénonce-t-il. Rosy Auguste Ducéna, qui représente, elle aussi, un véritable lanceur d’alerte avec le Réseau National de Défense des Droits Humains RNDDH concluait « ils (les institutions en charge) n’ont jamais pris les moyens nécessaires pour régler le problème. La détention préventive prolongée, nous la considérons désormais comme de la détention illégale ! ».
« AGORA, Chita Pale sou Dwa Moun », est une série de rendez-vous dont l’objectif est de mettre en présence, pour chacune des Journées Internationales et Mondiales retenues, des acteurs des Droits Humains concernés par ces sujets. Ils seront diffusés sur les réseaux sociaux et la chaîne YouTube de la Délégation de l’Union européenne en Haïti.