Pandémie durable , crise de la dette des Etats , numérique, environnement et crise du climat : un monde nouveau émerge.
La crise actuelle n’est pas conjoncturelle mais structurelle !
Le destin de beaucoup de chefs d’entreprises du pays Guadeloupe va se jouer ces prochains mois. Les meilleurs survivront, tandis que les autres devront mettre la clé sous la porte. La conjoncture économique actuelle est soumise à un cycle de ralentissement. On peut parler pour la Guadeloupe de renversement de conjoncture car une phase d’expansion laisse aujourd’hui place à une phase de ralentissement de l’activité économique.
Quelles en sont les causes ?
Depuis plusieurs mois, la hausse des cours des matières premières et des productions agricoles fait bondir ceux de l’alimentation humaine et animale. Une situation amenée à durer qui fait craindre une répercussion sur les consommateurs guadeloupéens.
Plusieurs arguments plaident en faveur d’un ralentissement de la croissance et d’une augmentation séculaire persistante de l’inflation, et la Guadeloupe ne sera pas épargnée par ces tendances qui se dessine partout dans le monde. Difficile de prévoir jusqu’à quand la hausse des prix va se poursuivre en Guadeloupe notamment pour ce qui concerne le secteur de la construction.
Bois, aciers, aluminium, ciment, cuivre… Depuis plus de trois mois, les prix des matériaux de construction ont considérablement augmenté, et le coût du fret maritime aussi. Les coûts de travaux de rénovation et de construction des guadeloupéens vont enfler, leurs délais de réalisation aussi. Les prix des matériaux, en particulier ceux du bois d’œuvre, explosent de plus de 20% sous la pression de la hausse du fret et de la demande mondiale.
Les prix des matériaux, qui sont à la hausse chez tous les fournisseurs, sont l’un des aspects du problème. Mais ce qui pénalise beaucoup, ce sont les ruptures de stock ou d’approvisionnement constatés dans les magasins de jarry.
Beaucoup de produits viennent d’Asie et il y a des problèmes d’approvisionnement mais aussi de qualité (de l’aluminium par exemple). A cela, on peut encore ajouter une autre augmentation des prix : ceux de l’énergie. Cela impacte le transport mais aussi la fabrication des matériaux en usine.
Notre défi actuel est certes de surmonter la crise du Covid, mais surtout d’anticiper et préparer l’avenir avec la transition écologique et énergétique à horizon 2030. Un chemin certes difficile et ambitieux, mais qui semble plus nécessaire que jamais au vu des grands défis du XXIe siècle. Nous serons dans quelques années dans un moment où crise économique, sociale, sociétale, et environnementale s’entrecroiseront.
Cette crise induite en partie par la pandémie de Covid est le signe que notre modèle économique actuel touche à sa fin et cela bon nombre d’institutions et de personnes en Guadeloupe notamment les syndicats ne l’ont pas encore compris et intégré dans leur fonctionnement au quotidien.
Nous sommes arrivés aux limites du système de la surconsommation et son corollaire l’endettement.
La dette est devenue la meilleure alliée de l’homme politique déconnecté des réalités socio-économiques. A l’heure où l’Etat nounou fait de plus en plus recette en France, toutes les formations politiques font feu de tout bois pour augmenter les dépenses de l’Etat. C’est là un retour du toujours plus de stimulation budgétaire.
Ce retour de la légitimité de l’intervention de l’Etat est une surprise après quarante ans de promotion du laisser-faire dans la sphère économique et de discours libéraux affirmant vouloir limiter l’Etat à ses fonctions régaliennes.
Il est temps de reprendre les choses à la base en partant de ce qui importe et peut aujourd’hui justifier un soutien public. A savoir: une consommation saine et raisonnable, une production de proximité , une orientation claire sur la qualité des produits locaux et des modes de production socialement et environnementalement responsables. La croissance de la Guadeloupe ne résidera plus forcément dans la consommation, mais dans la production locale à partir de l’énergie verte comme l’hydrogène et le bioéthanol qui est un biocarburant destiné aux véhicules essence. Il est produit dans des bioraffineries à partir de végétaux tels la canne à sucre , mélangé à l’essence.
Entre vents contraires de la pandémie de Covid et courants ascendants de la transition écologique , un équilibre est à trouver pour une croissance durable en Guadeloupe à horizon 2030. Aujourd’hui comme hier, il est évident pour le développement de la Guadeloupe qu’une politique de croissance durable et axée sur le long terme doit se concentrer sur la production avec une baisse importante des coûts de production et non seulement sur la seule consommation.
Engager la transition écologique, ce n’est pas proposer un simple verdissement du système actuel, c’est adopter un nouveau modèle économique et social, rompant avec la dictature du PIB. Un modèle qui renouvelle nos façons de consommer, de produire, de travailler, de vivre ensemble, car la poursuite de la hausse de l’endettement, public et privé(PGE) , sera de plus en plus difficile à supporter par l’état, les entreprises et les ménages ; la forte demande mondiale a fait augmenter le prix du pétrole, du gaz, des matières premières, et du fret à un niveau qui affaiblit la reprise de l’activité en Guadeloupe tout en provoquant paradoxalement une hausse des prix des produits de première nécessité.
La reprise de la demande mondiale, brutale anarchique, provoque un renchérissement important de l’offre et un allongement des délais de livraison.Beaucoup de chefs d’entreprises guadeloupéens et surtout d’industriels s’inquiètent ainsi de la hausse importante et rapide du prix des matières premières et surtout du transport maritime depuis la Chine et l’ Europe.
Entre juillet 2020 et octobre 2021, la tonne de PVC a ainsi augmenté de 165% (à 2800 dollars), l’acier a pris sur la même période 176%, l’étain +153% et le cuivre +150%. Après le pétrole, le gaz, les métaux, le bois et les plastiques c’est au tour d’une autre matière première de frôler son pic historique. En s’approchant du seuil des 300 euros la tonne sur le contrat à terme d’Euronext, le cours du blé meunier est, en effet, à son plus haut depuis quatorze ans. La loi de l’offre et la demande joue à plein : tout est plus rare donc plus cher.
Cela pourrait signifier à court et moyen terme avec cet épisode de stagflation (situation d’une économie qui souffre simultanément d’une croissance économique faible ou nulle et d’une forte inflation) pour la Guadeloupe, un taux de chômage qui remonte à 30 % et une inflation à 10%. Nous venons de passer dans un nouveau monde et il est urgent que nos dirigeants disent la vérité au peuple, car c’est notre modèle de société actuel qui est menacé d’effondrement. La crise induite par la pandémie de Covid et le changement climatique vont bientôt changer brutalement la donne du développement économique de nombreux pays de part le monde. La société de consommation et l’épuisement des ressources provoqueront des catastrophes toujours plus dramatiques si nous ne réagissons pas très rapidement. La bonne nouvelle, c’est que des solutions existent et qu’elles n’ont rien de punitif : elles peuvent au contraire nous permettre de vivre mieux.
L’économie sociale et solidaire fait aujourd’hui figure de nouvelle alternative au capitalisme. De fait, son objectif premier n’est pas de dégager du profit, mais de produire des biens et services utiles à tous.
Nous devons mettre à profit les nouvelles technologies pour garantir aux habitants de la Guadeloupe un futur durable et une qualité de vie optimale. Soleil, vent, géothermie, biomasse, métaux rares extraits de l’océan… la Guadeloupe dispose des atouts nécessaires pour développer fortement une production rentable à partir des énergies renouvelables. Il manque simplement une vision claire, ambitieuse et globale de transition énergétique. Une très large partie de la classe politique en Guadeloupe est inspirée d’une idéologie keynésienne . Trop de dirigeants politiques croient encore que la relance se fait par le déficit budgétaire.
Qui dit crise dit changement de modèle économique et social et surtout des mentalités . Cette crise correspond à la fin de l’expansion économique et sociale de la départementalisation . D’un point de vue économique, l’offre et la demande de crédit vont se contracter à cause de la crise bancaire qui se profile et la conséquence sera une perte de niveau de vie pour les guadeloupéens et une augmentation de la précarité ainsi que de la grande pauvreté .
C’est dans ce contexte délétère que l’autorité de l’Etat devrait être réaffirmée avec force en Guadeloupe surtout en ce moment de surenchére syndicale . L’accouchement d’un nouveau mode?le économique et social sera douloureux en Guadeloupe et la tension sera la règle : précarisation, troubles sociaux, violence et anxiété y seront omniprésentes. Mais Il faut voir dans cette crise une rupture avec un modèle sociétal que certains économistes pensent à tort ou à raison archaïque et entrevoir l’inauguration d’une nouvelle ère fondée non seulement sur la solidarité nationale mais également et surtout sur la responsabilité de gestion que l’on soit ménage , collectivité locale ou entreprise .
A ce propos, rappelons l’histoire de Cassandre, Cassandra, dite aussi Alexandra (personnage de l’Iliade), fille de Priam et d’Hécube. Apollon, amoureux de cette princesse, lui avait permis de lui demander tout ce qu’elle voudrait pour prix de sa complaisance : elle le pria de lui accorder le don de prophétie; mais lorsqu’Apollon eut rempli sa promesse, elle refusa de tenir sa parole, et le dieu, ne pouvant lui ôter le don de prédire, empêcha que ses prédictions fussent jamais crues. Il ne s’agit pas pour nous de ressembler à une Cassandre moderne, mais de clarifier les choses car les optimistes le sont un peu trop tôt. Le débat entre les Cassandre de l’économie et les optimistes de la crise est désormais ouvert !
Cette crise est un espoir futur de changement au fond !
Jean-Marie Nol, économiste