Pawol Lib (Libre Propos) est une nouvelle rubrique de CCN. Notre rédaction propose donc à tous les progressistes qui le souhaitent un espace de communication, une tribune dont le but principal est de porter une contribution au débat d’idées qui fait cruellement défaut dans notre pays. Les points de vue exprimés dans « Pawol Iib » n’engageront pas nécessairement la ligne éditoriale de CCN mais il nous semble indispensable que les intellectuels, la société civile aient la possibilité de pouvoir très librement opiner dans nos colonnes. Cette fois, c’est Jean Marie Nol, économiste qui nous soumet son billet.
Mais le plus grand risque pour l’économie est peut-être qu’une crise prolongée fasse basculer la Guadeloupe très dépendante des importations, dans la stagflation, c’est-à-dire la combinaison d’une forte inflation et d’une très faible croissance économique.
Si la stagflation est au rendez-vous comme aussi dans l’hexagone, les autorités de tutelle devraient probablement réduire la dépendance publique et par voie de conséquence leur soutien à l’économie guadeloupéenne encore plus rapidement, et un ralentissement pourrait alors affecter les bénéfices des entreprises et ferait encore baisser la croissance déjà impactée par la crise COVID . Cela pourrait également réduire les investissements et la confiance des entreprises et des consommateurs, ce qui entraînerait une diminution du nombre de nouveaux emplois.
Ces tensions inflationnistes s’expliquent principalement par le fait que l’approvisionnement du monde en matières premières reste très dépendant de la Russie et aussi dans une certaine mesure de l’Ukraine.
Aux Antilles, nous risquons également d’avoir des problèmes d’approvisionnement en engrais, La Russie étant un gros fournisseur. Avec les sanctions économiques envisagées, il faut s’attendre à une forte hausse des tarifs des fertilisants. Avec les effets du Covid nous avions déjà d’importants problèmes de fret maritime, avec des tarifs qui ont augmenté de 30% en un an, et il va falloir s’attendre à de nouvelles hausses.
Concernant cette guerre entre la Russie et l’Ukraine, il s’agit d’un conflit dont les parties prenantes sont des puissances mondiales et qui a donc une portée mondiale aussi bien sur le plan militaire qu’économique.
Il est à craindre que l’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine n’ait sur la Guadeloupe des conséquences beaucoup plus néfastes que lors de la pandémie de COVID (le » Quoiqu’il en coûte » du président Macron a sauvegardé autant que possible l’économie antillaise), en tout cas sur le court terme.
Concrètement, on peut redouter que sous l’effet conjugué de la chute des bourses et de la montée des coûts des matières premières alimentaires, du gaz , et du pétrole, le moral des ménages soit lourdement impacté et que ces derniers voient leur pouvoir d’achat diminué de façon drastique.
Une envolée des prix, si celle-ci se confirme, est donc possible dès les prochaines semaines notamment sur les coûts de la construction.
Les entreprises quant à elles devront faire le choix de maintenir leurs marges et donc d’augmenter le prix de leurs produits, ou bien baisseront leur production, au détriment également des salariés. Un risque lié, donc, l’augmentation exponentielle du chômage.
Est-ce que la déflagration sera de courte durée seulement, ou plus longue ?
Mon analyse et mon ressenti de ce que je vois et entends depuis plusieurs jours en tant que curieux de géostratégie m’amènent à penser que la Russie a préparé son action pour qu’elle soit brève et efficace, mais il est fort probable que la résistance ukrainienne s’organise durablement avec l’aide des occidentaux, et donc il faut s’attendre à des conséquences économiques et financières sur toute l’année 2022. De plus la réélection de Emmanuel Macron est plus que probable et je pense sans risque de me tromper que la problématique de la dette et des déficits sera vraisemblablement à l’ordre du jour après l’élection, et de surcroît par voie de conséquence, que nous allons tout droit vers une politique de rigueur absolument indispensable pour redresser une situation économique et financière déjà bien précaire de la France. Et compte tenu de ce contexte, c’est surtout une guerre économique, bien plus que militaire, qui menace désormais la Guadeloupe . La tension va s’accroître, aussi j’espère que les guadeloupéens vont prendre conscience de la gravité de la situation et de l’absolue nécessité de changer de modèle économique et social.
« L’homme responsable, c’est celui qui voit plus loin que l’émotion ».
« Chyen mawé sé pou lapidé. »
Jean Marie Nol économiste