Guadeloupe. La route vers l’OR : la voie de l’eau (3ème épisode)
Pamela Obertan
« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait” Mark Twain.
Basse-Terre. Capitale. Vendredi 24 Février 2023. CCN. Tel que nous l’avons vu dans les deux derniers épisodes de cette trilogie, le système alimentaire de la Guadeloupe souffre de nombreux maux notamment en raison de ses fondements coloniaux basés sur deux principes « ton île ne te nourriras point » et « tu ne te nourriras pas de ton île ».
Aujourd’hui notre système alimentaire est tellement fragile et dépendant de l’extérieur qu’il peut s’effondrer à tout moment ! Or la difficulté de notre époque est que le monde est très interdépendant et que le système alimentaire mondialisé peut lui aussi s’écrouler à tout moment puisqu’il souffre des mêmes maux que le nôtre (disparition des terres agricoles, érosion, biodiversité, disparition des paysans, changement climatique, pollution des eaux et de la terre…). L’extérieur ne pourra peut-être pas nous aider en cas de crise de notre système alimentaire. Cela est d’autant plus vrai avec la crise ukrainienne et les menaces d’extension du conflit russo-ukrainien.
Pire, ce sont aussi tous les autres systèmes (politique, économique, financier, culturel, religieux …) qui s’effondrent aussi ! N’est-ce pas là un message puissant pour revoir nos bases de développement et notre rapport à la vie ? Cela semble évident car un système qui s’effondre est un système qui est déjà « pourri et sclérosé » à l’intérieur. Nous avons vu dans le deuxième épisode comment le développement de la souveraineté alimentaire sur notre île permettrait de reprendre en main notre système alimentaire et ainsi résoudre un bon nombre de problématiques.
Alors par où commencer pour faire de ce concept une réalité en Guadeloupe ?
Quand les choses paraissent compliquées à résoudre, que plusieurs paramètres nous échappent et que le temps nous est compté il est premièrement urgent de ralentir et de revenir à l’essentiel. C’est un peu quand tout va mal autour de nous, on aime se réfugier chez ses parents, se ressourcer dans son environnement familier, bref retrouver ses racines.
Pourquoi ne pas faire la même chose et ainsi revenir à nos sources et à notre histoire ? En effet, cette dernière est riche d’enseignements et de leçons de vie. La majorité de nos ancêtres ont été des africains déportés et réduits en esclavage.
Dans une des périodes les plus sombres de l’Histoire où une partie de l’humanité a été réduite à un simple objet et traitée souvent moins bien que le bétail, nos ancêtres ont su survivre et faire face à ces ténèbres.
Or ne dit-on pas que c’est dans les ténèbres les plus sombres que brille la lumière la plus forte.
Assurément nos ancêtres ont brillé très fort dans cette période difficile et d’une certaine façon ils ont su « transformer » plusieurs éléments du système esclavagiste en « or ». Il n’y a qu’à regarder notre cuisine riche et colorée, nos vêtements traditionnels, notre musique, nos danses. Bref toute notre culture nous prouve que l’on peut surpasser les difficultés voire les transcender et créer de la beauté même dans la laideur. Nos ancêtres ont été en quelque sorte de « grands alchimistes » en apportant « leur lumière » au système ténébreux de l’esclavage. Et n’en déplaise à un certain Darmanin c’est aussi en grande partie leurs actions, leurs ténacités, leur courage qui ont permis de mettre fin à cette horrible pratique : l’esclavage.
Et loin de s’arrêter là, ils ont pratiqué « cette alchimie » au système alimentaire déjà boiteux de l’époque avec le jardin créole.
Ce dernier tire son origine de l’époque des premiers peuples les Arawak et les Caraïbes qui pratiquaient la culture itinérante sur brûlis appelée Ichali[1]. Ce type de culture a perduré pendant la période esclavagiste et a changé de nom pour devenir Jardins à Nègres. Ces jardins étaient éloignés des maisons mais par la suite ils se sont sédentarisés. Ils permettaient aux familles de subvenir à leurs besoins. Ensuite, après l’abolition de l’esclavage est apparu un autre type de jardin : « jaden bo kaz » ou jardin de case où l’on cultivait un petit lopin de terres près des maisons. On y plantait des fruits et légumes. Par la suite, on y a rajouté des plantes médicinales, aromatiques et même magiques. C’est ainsi qu’est né notre jardin créole et c’est par ce moyen que nos ancêtres ont pu se nourrir, se soigner, embellir leur environnement et de se fait préserver la biodiversité.
C’est ce chemin qu’ont pris les étudiants de Master 1 de science politique en réalisant le premier jardin créole de l’université des Antilles. Ce jardin, ils l’ont baptisé Ichali en souvenir des premiers habitants de la Guadeloupe les Arawaks.
Ce projet de création de jardin créole germait depuis plusieurs années dans la tête de leur enseignante. Il devait être réalisé depuis plusieurs années mais la route est souvent semée de défis et au moment où tout semblait possible, le COVID est arrivé et tout a été reporté.
Mais il ne faut jamais perdre espoir car parfois sans crier gare toutes les étoiles s’alignent au bon moment. C’est ainsi qu’en 2022, dans un cours de Politique et gestion de la biodiversité, il a été proposé aux étudiants de Master de science politique, un travail d’équipe : soit un exposé soit la réalisation d’un jardin créole. C’est presqu’à l’unanimité que les étudiants ont choisi le projet jardin créole. Et là, la magie a opéré, une équipe jardin s’est constituée avec des experts du jardinage et une équipe communication-animation. Le premier jardin créole de l’université des Antilles prenait racine. Il a permis aux étudiants de se retrouver ensemble, de travailler autour d’un projet commun, d’apprendre à se connaître. Ils ont eu aussi l’opportunité de présenter le fruit de leurs efforts auprès d’un large public le 23 novembre jour d’inauguration du jardin. Ce dernier a d’ailleurs pour parrain, un homme extraordinaire, amoureux de notre biodiversité : Henry Joseph.
Au-delà de ce projet éducatif, force est de constater que le jardin a beaucoup d’atouts ! Il permet de se reconnecter à la Terre, d’apprendre comment fonctionne un écosystème mais aussi de mieux connaître nos fruits et légumes. Il sensibilise les étudiants à la gestion de l’eau mais aussi aux difficultés du métier d’agriculteur. Les étudiants peuvent ainsi récolter les fruits de leurs efforts et être plus sensibles au monde qui les entoure.
Les prochains défis sont d’assurer sa pérennité en dehors du cours, de réfléchir à comment y prendre soin, de créer un planning de gestion mais surtout de transmettre et de partager aux autres !
Ce qui est très stimulant c’est qu’actuellement plusieurs initiatives de la sorte se retrouvent dans des écoles maternelles et primaires, des collèges, des lycées et maintenant à l’université.
Nous avons là un chemin simple pour refaire sens avec la nature, pour refaire sens avec nous-mêmes et retisser les liens de solidarité, pour refaire sens avec notre corps et lui montrer le chemin de la santé, pour refaire sens avec notre économie qui serait basée sur la VIE. Bref voilà un très beau legs que nous ont laissé nos ancêtres. Il est évident que le jardin ne parviendra pas à tout résoudre mais voici un petit ruisseau « kaskod » pour atteindre un pan de notre souveraineté alimentaire.
Force est de constater qu’actuellement en Guadeloupe, il y a beaucoup de zones d’espérance. En effet, plusieurs initiatives sont en cours en ce moment pour dynamiser la production et la consommation locale. Par exemple, de plus en plus d’agriculteurs se concentrent sur l’agriculture vivrière et le maraîchage afin de fournir un plus grand choix de produits aux consommateurs. On retrouve aussi une volonté de plus en plus affirmée dans cette profession de ne plus utiliser des produits chimiques et de produire en respectant la Nature tel que le fait l’UPG, l’APECA, Jardiklin, Bouquet Sud Caraibes, les agriculteurs bio et bien d’autres. Des nouvelles entreprises d’agro-transformation apparaissent pour valoriser la production locale et satisfaire les besoins d’un consommateur plus exigeant et ayant moins de temps. Cela va des petits pots pour bébés, aux chips de patate douce, aux jus locaux, aux frites de banane verte, aux glaces … De plus en plus de restaurateurs proposent nos produits locaux et les font rentrer dans la haute gastronomie à l’instar du restaurant ô z’epices de Jimmy Bibrac. Des nouveaux circuits de distribution voient le jour et tentent de rapprocher les agriculteurs des consommateurs. Les collectivités sont de plus en plus nombreuses à vouloir élaborer des projets alimentaires territoriaux (PAT) afin de relocaliser la production alimentaire tel que Morne à l’eau, Baie Mahault, Port Louis, la CANGT, CAP excellence…Des mouvements de citoyens sillonnent le pays pour sensibiliser à l’importance de reprendre en main sa production agricole et lancent à l’instar du mouvement KBM des actions collectives pour planter du riz. Le monde de la recherche n’est pas en reste et travaille comme l’INRAE à la promotion de la transition agro-écologique.
On le voit bien, ces actions partent aussi bien des agriculteurs, des pêcheurs, des agro-transformateurs, des distributeurs que des citoyens, des collectivités ou encore des organismes de recherche. La dynamique est définitivement bien lancée dans le pays !
Toutes ces actions sont autant de « petits ruisseaux » qui pourraient contribuer sur le long terme à ce que partout en Guadeloupe, des gens mangent de plus en plus ce qu’ils produisent. Ainsi de « ruisseaux » en « ruisseaux », une « rivière » puissante pourrait prendre naissance dans notre archipel. Ce qui aurait pour effet de créer une dynamique avec l’apparition de circuits courts de distribution, d’une agro transformation performante ou encore de nouveaux métiers ce qui ne manquera pas de faire naître des vocations…
Et si par ce biais-là, la Guadeloupe avait trouvé sa voie pour réaliser sa souveraineté alimentaire : celle de l’eau ? Or, comme l’enseigne un grand maître de sagesse Lao Tseu (né 5 siècles avant Jésus Christ) au 78ème verset de son livre Tao Te King « Rien n’est plus malléable et plus faible que l’eau. Mais pour attaquer ce qui est dur et inébranlable rien ne la surpasse. Rien ne peut la remplacer. ».
Nous sommes donc convaincus que les potentiels sont illimités en Guadeloupe ! Alors en 2023, et si à la place de construire sans cesse des magasins, des centres commerciaux ou autres bâtiments on occupait tous les espaces disponibles (terres en friche, terrains vagues, dents creuses, terres agricoles non utilisées, cours d’école, de collège et lycée,) afin de planter en respectant mère Nature et de consommer nos produits ?!
De cette façon, au lieu de voir apparaître les « 4 cavaliers de l’Apocalypse » (Mort, Famine, Guerre et Conquête) en restant dans le système actuel nous récolterons à la place 4 fleurs de vie : la Générosité, le Partage , l’Espoir et l’Amour. Et cela ne s’arrêtera pas là car ne dit-on pas que la Nature est la mère de l’Abondance ? Alors apprenons d’elle en toute humilité et chérissons là si nous voulons voir fleurir un autre monde pour nous et pour les générations futures…
Madame j’ai lu et relu. Eveille la conscience…à méditer.
Autonomie alimentaire…. Étape vers la souveraineté alimentaire dans un premier temps. Il faut un début à tout.
Bien cordialement.
très bonne initiative. l’idée de multiplier les jardins bo kaz, de cultiver les terres toujours vierges pour nourrir la population…on ne doit plus attendre ” les containers “
Le paysage audiovisuel de la Guadeloupe une section de formation aux métiers de l audiovisuel mais un manque de perspective de 3 teles en guadeloupe il en reste une en martinique toujours 3 teles une réflexion s impose des emplois existent dans ce secteur les investisseurs étant disponibles