Les Franco-français installés chez nous sont-ils racistes ?
C’est une question toujours d’actualité dans une colonie qui a subi l’esclavagisme et toutes ses conséquences. Car il ne faut pas l’oublier, la traite négrière, peut être considérée comme l’une des portes d’entrées du racisme européen à l’égard des peuples soumis à l’esclavage.
Au fil du temps, ne pas mettre le feu à la poudrière, réveiller des douleurs ancestrales, on a le sentiment que la question du racisme en pays colonisé est presque devenue un tabou, Mais ce n’est e pas parce que ce problème est très peu abordé, que la problématique ne se pose pas ou plus.
Il suffit qu’il y ait chez nous un conflit social, pour qu’on retrouve face aux manifestants, une majorité de manblo-causasiens, leucodermes s’opposant à des afro descendants.
Parce qu’en fait, le pouvoir colonial, qui règne dans notre pays depuis des siècles, il faut le souligner car c’est une réalité, est incarné majoritairement par des franco -européens blancs.
Dés 1635 ce sont bien des français qui débarquent ici pour s’installer et pour cela ils exterminent les premiers habitants, les kalinagos, qui y vivaient depuis près de 3000 av JC.
Plus tard, quand ce 1er ethnocide français réussira à “vider” de la Guadeloupe, qui s’appelait à l’époque Kaloukaera de sa population kalingo, c’est alors le début de plus de 3 siècles d’esclavagisme et donc de racisme.
C’est une évidence, La mise en esclavage des Africains arrachés avec la violence qu’on sait de leurs pays, entraine de façon systémique un racisme à l’égard des “nègres” esclavagisés. Durant cette période, la royauté française, va jusqu’à créer un ouvrage de sinistre mémoire : le Code Noir qui deviendra au fil du temps la bible officielle du système colonialiste et raciste français !
Près de 4 siècles après, quand un franco français débarque dans l’une des Dernières Colonies Françaises, même s’il ne se dit pas ou ne veut pas colonialiste et raciste, s’il connaît l’histoire de son pays, il peut difficilement échapper à tous les préjugés encore vivaces issus d’une France qui a profité et qui profite encore de son passé-présent colonial. La France Afrique n’est-elle pas la conséquence directe de la colonisation ?
Comment un Franco-Français en 2023 puisse comprendre et accepter – sans nous regarder avec condescendance et paternalisme que les peuples vivants en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane territoires conquis, esclavagisés colonisés par des français – se considèrent et s’auto proclament “français” au même titre que lui le blanc européen ?
En réalité, le racisme part de ce constat même s’il n’est pas publiquement exprimé. Le franco français installé dans la colonie sait qu’il vit dans un pays où ses ancêtres bretons, bordelais, alsaciens, niçois, parisiens ont été jadis “maîtres” de ces populations. Alors dans sa posture au quotidien parfois à son insu, il se sent “chez lui” et considère l’autre, c’est à dire nous, comme un “indigène” qu’il “domine” ou qu’il doit “dominer”.
Mais il n’y a pas que l’histoire coloniale qui détermine ou justifie le racisme muet ou visible des français à l’égard des afro descendants.
Dans son pays originel, la France, la vision qu’il a de nous est déjà racialisé. C’est bien en France que Jacques Chirac, leader du RPR, et futur président de la République Française s’est plaint en 1991 “du bruit et des odeurs” des nègres.
C’est encore un président de la République française, Nicolas Sarkozy qui déclare à Dakar que “l’africain n’est pas entré dans l’histoire”.
Il y a de cela juste quelques semaines Gerard Darmanin ministre français de l’intérieur se lâchait en déclarant : “les Antilles ont été des colonies, mais pas de peuplement ; (…) contrairement à ce que l’on raconte, c’est la République française qui a aboli l’esclavage. La France a sans doute mis, dans des conditions extraordinairement difficiles, les populations colonisées dans des états désastreux, mais c’est la République qui a aboli l’esclavage. On leur demande d’aimer la République, pas toute l’histoire de France.”
Ces paroles officielles, sont alors reprises diffusées et commentées dans les médias mainstream français, mais ne sont jamais vraiment ni démenties ou rectifiées, donc contribuent objectivement à conforter dans l’esprit du français moyen ou pas, l’idée qu’il est supérieur à tous ces peuples néo colonisés ou toujours comme sous domination coloniale.
Et puis depuis plus de 3 décennies, la forte montée de l’extrême droite Lepéniste en France, n’a cessé de diffuser un discours raciste et qui s’est peu à peu banalisée. Les médias français, au nom et la démocratie, ont ouvert grands leurs ondes aux idées racistes des Le Pen, Zemmour etc..; donc le français qui vit en France est quotidiennement plongé dans une ambiance racialisée où les peuples non blancs sont stigmatisés, méprisés, et pas toujours silencieusement
Ainsi donc, le franco français même s’il ne l’exprime pas ouvertement, dans son comportement dans sa vision des habitants de notre pays, il développe au fil des jours une forme racisme qu’on peut taxer de latent.
Ce racisme inexprimé virtuel, presque secret se manifeste par des comportements qui sont de marqueurs intangibles. Les guadeloupéens peuvent constater que les franco français, les blanfwans qui vivent en Guadeloupe, ont d’abord une attitude communautariste. Ils vivent souvent dans des résidences ghetto. Une manière objective de rester à l’écart.
Ils ont parfois des attitudes qui dénotent un rejet de nos coutumes qu’ils méprisent. Qu’on souvienne des épisodes récents de la voiture à pain, du temple indo-guadeloupéen.
Et David Vignau, ce chocolatier français installé à Jarry avait – on ne l’a pas oublié – publié une annonce sur Facebook pour recruter du personnel uniquement européen, pour son entreprise. Comprendre par-là, qu’il ne souhaitait pas à l’époque travailler avec des afro-descendants.
Oui au 21 siècle, le racisme des français installés en Guadeloupe, a évolué, il se fait moins brutal mais tout aussi dénigrant à l’attention des femmes et hommes de notre pays. C’est l’une des conséquences du système colonial qui perdure. Mais ce racisme, même invisible affecte notre peuple psychologiquement Qu’on se réfère à ce qui est dit ou écrit sur notre “estime de soi”.
On se doit de constater que le vrai pouvoir dans notre archipel, (économie et politique) est toujours celui d’un passé colonial toujours très présent.
L’Etat colonial envoie dans la colonie et ce n’est pas pur hasard, une gouvernance qui la représente. Du préfet à la Rectrice, en passant par de nombreux chefs du service, ils sont majoritairement et physiquement franco-français.
Qu’on le veuille ou pas l’image qui est véhiculée aujourd’hui lors des représentations officielles françaises (14 juillet, 8 mai, 11 novembre) n’est hélas guère différente de l’époque du code noir.
Mais l’autre constat tout aussi affligeant, c’est que certains guadeloupéens ne remettent pas en question cet ordre et cette situation, postcoloniale. Le blanchiment des dirigeants officiels, c’est à ce point banalisé, qu’il ne semble même ne plus choquer : Un peu comme si les guadeloupéens avaient définitivement accepté d’être sous la domination des franco européens.
D’un autre point de vue, il est tout aussi vain d’espérer du gouvernement français, des ministres de Droite ou de Gauche tous “héritiers” objectifs de la France coloniale, une remise en cause de leur posture et de leur statut privilégié “de français néo-coloniaux”.
C’est donc aux historiens, aux militants, aux journalistes, aux enseignants, aux universitaires, aux cinéastes, aux écrivains, artistes conscients et anti colonialistes de faire le job. Lutter au quotidien, et sans relâche contre le racisme même silencieux des franco français installés dans notre pays.
Cela signifie qu’il faut aussi dénoncer avec force les peaux noires qui se parent de masques blancs !
bwa dèyè poko mannyé !
Danik Zandwonis
daniknews2@gmail.com