Pour l’abrogation de l’article 73 de la Constitution française
À la suite d’une dissolution de l’Assemblée nationale française des Jeux Olympiques et d’une lutte acharnée contre la vie chère, l’évolution institutionnelle que Sébastien Lecornu, ancien ministre de dernières colonies françaises avait « promis » lors de sa visite en Guadeloupe en 2021 semble être tombée dans l’oubli.
On parle souvent d’« évolution institutionnelle », mais il serait plus juste d’évoquer une véritable « évolution statutaire », tant la différence entre ces notions est fondamentale. L’évolution institutionnelle vise à doter une collectivité de compétences nouvelles, jusqu’alors exercées par le pouvoir central. En revanche, une évolution statutaire modifierait le cadre juridique lui-même, conférant ainsi à une collectivité le pouvoir de légiférer sur son propre territoire. Ce n’est donc pas l’évolution institutionnelle qui devrait être à l’ordre du jour, mais bien une évolution statutaire, car l’article 73 de la Constitution française a démontré ses limites, prouvant qu’il est illusoire de gouverner les colonies françaises à des milliers de kilomètres de distance.
La Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion sont régies par l’article 73 de la Constitution française qui consacre le principe de l’identité législative. Cela signifie que les lois adoptées en France s’appliquent de plein droit dans ces territoires d’outre-mer, sans égard pour leurs spécificités locales. Rappelons que ces quatre colonies françaises ont opté pour la départementalisation en 1946, sous l’impulsion des députés Aimé Césaire, Léopold Bissol, Gaston Monnerville et Raymond Vergès, comme si ce choix avait fini par se retourner contre eux. Avant 1946, ces « vieilles colonies » n’avaient pas les mêmes droits ni les mêmes devoirs que les citoyens français. Les leaders de l’époque, motivés par l’aspiration à l’égalité, espéraient que les descendants des Afro-descendants seraient traités sur un pied d’égalité avec les Français de Paris, Marseille et Bordeaux. Cependant, plutôt que de revendiquer l’émancipation ou l’indépendance de leurs territoires, les élus de la Martinique, de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Réunion ont fait le choix de l’assimilation. Initialement, la loi de départementalisation devait s’intituler la « loi d’assimilation », mais Aimé Césaire préféra le terme de « départementalisation » pour désigner ce changement statutaire. Ce choix pourrait traduire une conséquence profonde de l’esclavage, limitant notre capacité à croire en notre propre aptitude à gérer nos affaires publiques. Peut-être la crainte de ressembler au premier pays d’Afro-descendants indépendants hantait-elle encore les esprits de ces dirigeants ; la manipulation mentale de l’époque avait alors bien opéré.
Des inégalités omniprésentes
Depuis la loi de départementalisation de 1946, l’illusion d’égalité s’est vite dissipée dans les esprits. Avant même que le gouvernement Français n’accroisse les inégalités avec ses dernières colonies, elle offrait l’espoir d’une vie meilleure en envoyant les Afro-descendants en France pour y trouver du travail, à travers le BUMIDOM. Pourtant, des disparités flagrantes n’ont pas tardé à apparaître. Prenons l’exemple du chlordécone, un pesticide interdit en métropole dès 1970, mais qui a continué d’être utilisé en Guadeloupe et en Martinique jusqu’en 1993, révélant ainsi un traitement politique différencié. À cela s’ajoutent les problèmes récurrents d’accès à l’eau potable, qui ne se limitent plus aux périodes de sécheresse, et pour lesquels l’État français n’a proposé aucune solution concrète. Enfin, la cherté de la vie demeure un problème majeur : les prix sont en moyenne 40 % plus élevés qu’en France, alors que les salaires y sont inférieurs de 15 % et que le taux de chômage s’élève à 15 %, contre 7 % dans l’Hexagone. Tous ces éléments démontrent qu’il n’existe pas de réelle égalité entre la France et ses colonies. En somme, la continuité territoriale est une fiction.
Vers un processus de décolonisation
Il est impératif que ces quatre territoires entament un véritable processus de décolonisation. La décolonisation ne se résume pas à un simple article constitutionnel consacré à chaque territoire, mais implique une transition aboutissant à l’indépendance. Plusieurs voies mènent à cette émancipation. Certains plaident pour une autonomie sous un régime sui generis, à l’instar de la Kanaky régie par les articles 76 et 77 de la Constitution. La Kanaky bénéficie d’une autonomie étendue, qui lui permet de nommer ses propres institutions, de légiférer sous le contrôle du Conseil constitutionnel français et d’utiliser une monnaie locale, le franc pacifique. Les coutumes locales y tiennent également une place prépondérante. D’autres soutiennent une transition plus directe vers l’indépendance, impliquant une réflexion approfondie sur les questions de monnaie, d’économie, de nationalité et de défense.
Clara Maria