Caracas. Vendredi 20 mai 2022. CCN/Bolivarinfos/Françoise Lopez. Le Gouvernement bolivarien gagne un avantage tactique, oblige Washington à reconsidérer sa politique d’agressions et à reconnaître que le dialogue organisé par le président Maduro est le seul cadre de négociations possible.
Mardi 17 mai, Associted Press (AP) a révélé que le Gouvernement de Joe Biden a autorisé un allégement partiel des « sanctions » illégales qu’il impose au Venezuela et à son secteur pétrolier.
Ensuite, cette information a été confirmée par Juan Gonzalez, directeur du conseil de sécurité nationale des États-Unis pour l’hémisphère occidental et aussi par la vice-présidentes exécutive de la République, Delcy Rodriguez, qui a affirmé dans la soirée :
« Ces mesures annoncées par les États-Unis se traduisent par l’autorisation accordée à la compagnie pétrolière Chevron de négocier directement avec Caracas le rétablissement de ses opérations d’exploitation pétrolière au Venezuela grâce a une licence en échange d’un rétablissement du processus de négociations au Mexique, paralysé après l’enlèvement du diplomate Vénézuélien Alex Saab, membre de la table de dialogue, à la mi octobre 2021.
Le complot de Chevron
Plusieurs mouvements ont forcé Washington à faire ce pas qui implique de reconsidérer sa politique d’agressions contre le Venezuela et de reconnaître une situation de désavantage marquée par la hausse mondiale des prix du pétrole à cause de l’escalade de la coercition économique contre la Russie.
D’abord, les intérêts de la compagnie Chevron elle-même. L’entreprise pétrolière, profitant de l’espace de négociation ouvert par le voyage d’une délégation étasunienne à Caracas en mars, a augmenté ses pressions internes envers la Maison-Blanche pour une levée partielle des mesures punitives contre PDVSA qui lui permette d’opérer dans le pays.
The Wall Street Journal a confirmé ces pressions à ce moment-là. L’entreprise a offert de doubler la production pétrolière vénézuélienne en peu de temps, ce qui permettrait aux États-Unis de remplacer au moins 700 000 barils par jour de brut d’origine russe qui n’entrent plus dans le torrent énergétique nord-américain après l’interdiction imposée par la Maison-Blanche.
Les pressions de Chevron semblent avoir eu un résultat mais une levée des mesures coercitives de façon unilatérale qui lui permette de reprendre ses opérations au Venezuela entraînerait un coût politique insupportable pour Biden, surtout pendant une année d’élection de mi-mandat en novembre prochain.
Pour éviter cela, Washington a transformé sa manœuvre en un « acte de bonne foi » dans le but apparent de renouer le dialogue au Mexique, un alibi grâce auquel il cherche, par un récit de soutien aux négociations, à diluer son impérieuse nécessité d’accéder au pétrole vénézuélien. Ce qui confirme ce calcul intéressé, c’est que le premier pas fait en mars avec le voyage à Caracas s’est déroulé en parallèle avec l’interdiction d’importer du brut et du gaz russe.
Ainsi, pressé par les circonstances, Washington utilise la table de dialogue au Mexique comme mécanisme d’épargne du coût politique qui lui permette de mettre en place une levée partielle des « sanctions » avec en toile de fond les négociations avec la Plate-forme Unitaire.
Le mouvement de Washington montre aussi la position d’avantage tactique du Gouvernement bolivarien au milieu du bouleversement actuel de l’économie mondiale dans lequel le pétrole vénézuélien, déconnecté du circuit des raffineries étasuniennes depuis 2017, est demandé par le Gouvernement Biden pour essayer de rééquilibrer la carte énergétique de l’empire.
Rébellion dans le poulailler : convergence anti-sanctions
Au début du mois d’avril, ce qu’on appelle le Forum Civique, une plate-forme qui réunit des O.N.G., des activistes et des personnes du monde du patronat a rencontré le président Maduro au palais de Miraflores. Cette rencontre a été interprétée comme un défi envers l’action de la plate-forme unitaire remastérisée qui représente l’opposition au Mexique.
La mauvaise humeur du G4 s’est aggravée quelques jours après avec l’envoi d’une lettre publique destinée au président Biden dans laquelle 25 opposants liés aux médias et à l’entreprise privée exigeaient la levée des « sanctions » à cause de leur impact négatif sur le bien-être de la population.
Ces deux faits ont résonné dans la politique vénézuélienne et ont coûté cher à la Plate-forme Unitaire qui s’est retrouvée sans initiative et s’est vu arracher le monopole de l’ordre du jour anti-chaviste pour plusieurs jours. Mais l’émeute a eu un impact plus important : elle a mis en évidence le fait que la politique des États-Unis a perdu son soutien dans l’écosystème des oppositions, ce qui fait de sa continuité quelque chose d’insoutenable à moyen terme.
Il y a une convergence politique et sociale contre les mesures de coercition de Washington qui oblige Biden à une révision immédiate alors que l’insatisfaction et les prises de distance augmentent. La preuve en est que la Plate-forme Unitaire a nié avoir demandé « l’allégement» des sanctions pétrolières comme l’indique AP.
Tumulte au parti
Il y a quelques jours, 18 membres démocrates du Congrès faisant partie de l’aile la plus à gauche de l’organisation ont envoyé une lettre au président étasunien dans laquelle ils exigeaient une levée sans condition des mesures coercitives unilatérales contre le Venezuela et la poursuite du dialogue avec Caracas.
Cette succession d’événements et de positions contre les « sanctions » en question en quelques semaines représente un casse-tête pour la Maison-Blanche puisque la rébellion dans le poulailler du Forum Civique et la « lettre des 25 » s’ajoutent à présent au choc dans le parti au Gouvernement même aux États-Unis.
Le marais actuel dans lequel se trouve Washington rend impossible pour les États-Unis d’augmenter la pression avec les sanctions et cela implique un échec global de la stratégie de changement de régime grâce a la guerre économique, financière et commerciale.
Le sommet des Amériques et le facteur Chine
La revendication générale dans la région latino-caribéenne et l’intention de plusieurs présidents de ne pas assister au neuvième sommet des Amériques à cause de l’exclusion du Venezuela, de Cuba et du Nicaragua est aussi un défi envers l’autorité du Gouvernement Biden qui s’expose à devoir organiser un sommet sans importance s’ils restent sur leur position.
Le pas fait envers le Venezuela coïncide avec un assouplissement des restrictions sur les envois d’argent, le tourisme et les visas imposées par Trump à Cuba qui a été approuvé récemment.
Les États-Unis cherchent à se sauver de cette situation de vide d’hégémonie et d’autorité en recalibrant sa politique étrangère sur le continent, en pivotant vers le triangle central de pouvoir de l’ALBA, sous le jeu déjà connu du soft Power dans lequel le récit pro droits de l’homme, l’infiltration d’ONG et les manœuvres secrètes de déstabilisation sous couvert de figures « citoyennes » et « civiles » remplacent l’attaque directe.
Le Gouvernement Biden comprend que l’influence des États-Unis sur l’économie, le commerce et l’investissement dans la région latino-américaine a été miné par la Chine qui gagne du terrain avec des associations stratégiques affirmées et des pactes bilatéraux qui ne conditionnent pas les bénéfices de l’intégration économique à une relation de vassalité et de soumission géopolitique dans le style étasunien.
Enfin, le pari, maintenant, est de continuer rendre attractives les valeurs étasuniennes de style libéral, cannibalisées actuellement par la dérive identitaire dirigée par le parti démocrate pour contrecarrer la Chine, diviser la région et réaligner les pays dans le domaine géopolitique grâce a des méthodes postmodernes de captation culturelle qui peuvent même se retrouver dans le bloc progressiste.
Le pas fait par Washington à propos du Venezuela concordant avec le mouvement vers Cuba doit être considéré comme un remodelage du profil continental dans lequel l’axe de gravité passe par l’assimilation douce conformément à l’ordre du jour de dissolution anthropologique du forum de Davos.
L’Iran : conclusion provisoire
Récemment, l’entreprise d’État iranienne National Iran Oil Engineering and Construction Company a souscrit un contrat de 110 000 000 d’euros avec PDVSA pour remettre en marche la raffinerie d’El Palito dans l’état de Carabobo, un signe de renforcement de l’alliance stratégique entre les deux pays dont les secteurs pétroliers sont également attaqués par les États-Unis.
Cet accord est important à la lumière des démarches diplomatiques destinées à réactiver l’accord nucléaire à Vienne dont le développement a été suspendu par les États-Unis. Ceci laisse en vigueur les restrictions illégales qu’ils imposent à l’Iran sur la commercialisation internationale normale de son pétrole mais début avril, la République Islamique a affirmé que sa capacité de production était revenue aux niveaux d’avant que Trump, en 2018, mettre en œuvre la stratégie de « pression maximale » : plus de 3 000 000 de barils par jour.
Ce qui est important, c’est que l’alliance entre les deux pays permet au Venezuela d’accéder à des fournitures, à du matériel technologique et à des schémas de triangulation pour la commercialisation de son pétrole en évitant les actions de guerre économique, financière et commerciale étasuniennes.
La normalisation de ces mécanismes a sapé l’impact du blocus dans le temps et maintenant ils prennent plus de vigueur dans une situation de prix élevé du pétrole qui contribue à ce que le Venezuela renforce sa récupération économique intérieure. Les deux pays travaillent à une alliance de coopération et de résistance longue adaptée à une extension dans le temps du blocus et de l’embargo de l’empire.
Ceci est d’une importance vitale puisque l’offre de Washington, le « geste de bonne foi » pour les naïfs , peut perdre de l’attractivité pour amener des concessions d’importance de la part du Gouvernement bolivarien. C’est là où l’accord avec l’Iran a une importance fondamentale dans les mouvements qui ont été faits ce 17 mai.
Le Gouvernement bolivarien, tactiquement, est dans une position d’avantage dans cette négociation et peut en profiter pour élargir ses exigences et amener Washington sur le terrain. Avec sa machine à sanctionner discréditée et surchauffée, le Gouvernement de Biden doit beaucoup céder en termes de pouvoir réel et ne peut gagner que dans des aspects symboliques .
Traduction de Françoise Lopez pour Bolivar infos