AUX ARMES LES JURISTES, Partie 2
La loi du 5 aout 2021 relative a? la crise sanitaire a institue? l’obligation vaccinale contre la COVID-19 comme nouvelle condition d’exercice de l’activite? professionnelle de certains salarie?s et professionnels libe?raux de sante?.
Cette loi du 5 aout 2021, pose un grand nombre de pre?occupations car elle vient en opposition a? des re?gles juridiques qui de?coulent d’un certain nombre de textes, tant en droit interne, qu’en droit international.
En outre, dans les de?partements d’outre-mer, plus singulie?rement en Guadeloupe, en Martinique, et en Guyane, il y a un refus cate?gorique de la population quant a? la mise en place de ces nouvelles re?gles issues de la loi du 5 aout 2021.
Ceci ayant e?te? expose? et rappele?, nous allons orienter notre raisonnement autour de trois points.
Tout d’abord, nous allons identifier les difficulte?s d’application de la loi qui se heurte a? des re?alite?s juridiques de?ja? existantes et qui de?coulent de certains textes.
Puis, nous allons proposer des solutions dans le dessein de voir de quelle manie?re cette loi peut e?tre adapte?e dans les de?partements Franc?ais d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane).
Enfin, nous allons brie?vement re?sumer les dysfonctionnements de la loi du 5 aout 2021.
I/ L’identification des difficulte?s quant a? l’application de la loi relative a? la crise sanitaire
A/Le sort du contrat de travail en raison de l’application de la loi du 5 aout 2021. 1- La relation contractuelle de?coulant du contrat de travail
Il est indispensable de revenir sur les re?gles classiques applicables en droit du travail, et qui s’induisent de la relation contractuelle entre employeurs et salarie?s.
Le contrat de travail instaure une la relation contractuelle entre un employeur et un salarie?.
Ce contrat met a? la charge de chacune des parties des obligations re?ciproques, et octroie a? chacune d’elles des droits.
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Le contrat de travail peut e?tre rompu, soit a? l’initiative de l’employeur, soit a? l’initiative du salarie?.
Les raisons et les conditions de rupture du contrat de travail sont pre?vues par le code du travail.
Il re?sulte de ce qui pre?ce?de, qu’aussi bien le salarie?, que l’employeur peut se de?faire a? tout moment de ce contrat.
La fin d’exe?cution du contrat, qu’elle soit a? l’initiative de l’un ou de l’autre des cocontractants vise?s supra, permet aux salarie?s, poste?rieurement a? ladite rupture, de continuer a? percevoir un revenu par le biais d’indemnite?s.
Or, depuis le 5 aout 2021, date d’entre?e en vigueur de la loi relative a? la gestion de la crise sanitaire, ces notions juridiques ont e?te? fondamentalement transforme?es, et les dispositions pre?sentes dans le code du travail ne trouvent plus a? s’appliquer.
Il convient de?s lors d’analyser les nouvelles dispositions issues de la loi du 5 aout 2021 et qui se heurtent aux dispositions du code du travail.
2- Les nouvelles dispositions issues de la loi du 5 aout 2021
La loi du 5 aout 2021 permet aujourd’hui a? un employeur, de suspendre le contrat de travail de son salarie?, sans que ledit contrat ne soit de?finitivement ane?anti.
Cette situation « de?raisonnable » construit une instabilite? juridique, tant pour l’employeur, qui n’a plus de cadre le?gal pour licencier ; que pour le salarie?, qui se voit prive? d’une partie de ses droits.
En effet, avant l’entre?e en vigueur de cette loi du 5 aout 2021, comme pre?cise? plus haut, le contrat de travail pouvait e?tre rompu par l’une ou l’autre des parties, et cela n’avait aucune conse?quence sur les revenus du salarie?.
Aujourd’hui, le contrat de travail est « interrompu » unilate?ralement par l’employeur, le salarie? n’a plus de revenus, il est donc prive? d’un droit essentiel.
Il est maintenu dans une relation contractuelle, qui n’en est plus une, sans pouvoir s’en affranchir.
En outre, et apre?s cette suspension, la loi du 5 aout 2021 est remarquablement silencieuse sur la suite a? donner a? la proce?dure maintenant le salarie? hors de l’entreprise.
Quid ? Que de doit faire l’employeur apre?s la suspension ?
La loi du 5 aout 2021 n’apporte aucune re?ponse claire a? cette interrogation.
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Le salarie? est exclu de l’entreprise, sans que cette exclusion ne soit limite?e dans le temps…
Le le?gislateur a entendu re?gler la crise sanitaire, en instituant de nouvelles normes qui re?gissent la relation contractuelle de l’employeur et du salarie?. Ces nouvelles normes entrainent un flou juridique autour de la question relative a? la rupture du contrat de travail.
L’employeur n’a plus de sche?ma le?gal pour prononcer un licenciement, et s’il licencie (la loi ne pre?voyant pas de licenciement) il risque de voir ce licenciement invalide? par le conseil de prud’hommes.
La loi du 5 aout 2021, laisse finalement a? l’employeur le choix de de?cider ce qu’il va faire de son salarie? : soit le licencier, au risque de se faire condamner, soit le re?inte?grer dans l’entreprise.
B/ L’interdiction d’exercice des professionnels libe?raux. 1- Pour les ARS : uniquement un ro?le de contro?le
Les professionnels de sante? libe?raux sont eux aussi concerne?s par la loi du 5 aout 2021.
La re?glementation en vigueur a confie? aux ARS, le contro?le du respect de cette obligation.
Les ARS ont donc uniquement un ro?le de contro?le, et doivent se limiter strictement a? ce pouvoir qui leur est de?volu par la loi du 5 aout 2021.
Ainsi, leur intervention se limite a? :
- – Ve?rifier que les professionnels de sante? ont les justificatifs requis leur permettant de continuer a? exercer leur activite? professionnelle ;
- – Le cas e?che?ant transmettre le dossier des professionnels de sante? a? leur ordre professionnel ;Partant, les ARS ne sont pas habilite?s a? suspendre, ou a? interdire a? un professionnel d’exercer son activite?.
2- Le ro?le pre?ponde?rant des ordres professionnel
Il est incontestable, que le me?canisme de suspension du contrat de travail instaure? par la loi du
5 aout 2021 n’est pas totalement acheve?, le le?gislateur faisant peser sur l’employeur une
lourde responsabilite? puisqu’il devra dans un flou absolu de?cider de la situation de son
salarie?…
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L’ARS transmet a? l’ordre professionnel l’avis de suspension, et c’est l’ordre qui est charge? de prendre une sanction a? l’encontre des professionnels.
Il convient de noter, qu’a? ce jour, il n’existe aucune pre?cision sur la sanction finale qui doit e?tre prise par l’ordre professionnel.
II/ L’adaptation de la loi du 5 aout 2021 dans les de?partements Franc?ais d’outre mer A- Une adaptation de la loi du 5 aout 2021 : L’article 73 de la constitution
Il y a un article qui me?rite ici d’e?tre cite?, il s’agit de l’article 73 de la constitution de 1958 qui pre?voit :
En premier lieu, que si les lois et re?glements sont bien applicables de plein droit dans les
de?partements et les re?gions d’outre-mer, ils peuvent ne?anmoins faire l’objet d’adaptations.
En deuxie?me lieu, va plus loin en reconnaissant une forme de « pouvoir normatif de?le?gue? » au
profit des collectivite?s de Guadeloupe, Guyane, de Martinique et de?sormais de Mayotte
puisqu’il leur reconnait la faculte? de fixer elles-me?mes les re?gles applicables sur leur territoire
apre?s habilitation.
La question qu’il faut se poser est donc celle de savoir si aujourd’hui l’obligation vaccinale qui s’applique en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane (de?partements d’outre mer) se vit diffe?remment dans ces territoires, ce qui cre?e une situation particulie?re ne?cessitant de re?fle?chir a? d’adapter rapidement cette loi a? la re?alite? sociale et culturelle de ces de?partements.
B- La particularite? des territoires d’outre-mer : une raison conduisant a? re?fle?chir a? l’adaptation de la loi du 5 aout 2021.
De?s son entre?e en vigueur, la loi du 5 aout 2021 a cre?e? de vives contestations, tant au niveau national, qu’au niveau des de?partements d’outre-mer.
Ne?anmoins, ces contestations sont plus importantes au niveau de ces de?partements, principalement, en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, ou? une grande majorite? de la population refuse cate?goriquement de se faire vacciner.
La situation sociale, les nombreux conflits sociaux, les revendications importantes, permettent d’affirmer qu’il existe re?ellement une situation particulie?re dans les de?partements d’outre mer quant a? l’application de cette obligation vaccinale.
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Ainsi, avec certitude, nous pouvons affirmer que le sujet autour de l’obligation vaccinale, et toutes les questions qui s’y rattachent sont appre?cie?es diffe?remment en Guadeloupe, en Martinique, et en Guyane.
Prenons pour exemple, le faible taux de personnes vaccine?es dans ces de?partements Franc?ais d’outre-mer.
Il est donc ne?cessaire de re?fle?chir a? adapter la loi pour permettre rapidement une sortie de crise.
C- Les solutions alternatives
Prendre en compte la situation particulie?re des territoires d’outre mer en adaptant la loi aux re?alite?s qui existent autour de la gestion de la crise sanitaire dans cette zone ge?ographique, consisterait a? proposer des solutions alternatives a? l’obligation vaccinale, et ainsi :
- – permettre aux salarie?s et aux professionnels de pre?senter un test PCR ce qui leur permettrait de continuer a? exercer leur activite? ;
- – Organiser un roulement entre les salarie?s vaccine?s et ceux qui ne le sont pas pour e?viter de suspendre ;
- – Accompagner les employeurs pour qu’ils puissent ame?nager les fonctions des salarie?s qui ne souhaitent pas se faire vacciner ;IV/Re?sume?
Cette loi du 5 aout 2021 est applique?e depuis le 15 octobre 2021.
Il apparait, que dans la pratique, il est difficile de la mettre en œuvre puisqu’il existe encore des salarie?s et des professionnels re?fractaires.
Il est ne?cessaire qu’il y ait plus de clarte? quant a? l’application de la loi, et plus particulie?rement en ce qui concerne la suite a? donner aux suspensions qui ont de?ja? e?te? prononce?es et qui maintiennent le salarie? en dehors de l’entreprise depuis maintenant deux mois.
D’autre part, cette loi suspend le salarie? mais ne rompt pas de?finitivement le lien contractuel existant entre le salarie? et son employeur. Le salarie? est maintenu dans une relation contractuelle qui continue a? s’exe?cuter en toute ille?galite?.
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On aurait pu laisser aux salarie?s le choix de postuler ailleurs ? Et la? encore de?saveu absolu, le lien contractuel n’e?tant pas rompu il est maintenu dans ce dro?le de contrat de travail sans re?mune?ration.
La loi du 5 aout est incomple?te, les salarie?s auraient du e?tre re?inte?gre?s depuis le 16 novembre 2021.
Ne nous retranchons pas derrie?re une loi qui n’a jamais e?te? efficace, et qui l’est encore moins depuis le 16 novembre 2021.
A ce stade, il n’est me?me plus question d’abrogation de la loi mais de dire que la loi du 5 aout 2021 est devenue inope?rante le lendemain du 15 novembre, soit le 16 novembre.
Affaire a? suivre…
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Isabelle FAYE MARAJAO