Cessons de nous diviser
Il faudra bien un jour que notre société civile et l’ensemble des élus de bonne volonté empruntent ensemble un chemin bien différent que celui qui est le leur aujourd’hui. La Guadeloupe et ses habitants souffrent des effets désastreux des trop grandes divisions et antagonismes dans le champ du débat public. Cette situation nous porte préjudice et nous plonge dans une nuit de problèmes toujours irrésolus ou mal résolus. Force est de constater d’abord un rapport de forces constamment tendu entre l’État (ses représentants) et les principales collectivités. Si les efforts de communication des uns et des autres semblent témoigner d’une certaine concorde dans les choix qui sont opérés en matière de politique publique, et plus précisément de financement d’actions publiques, en réalité cette concorde a montré et montre toujours son inefficacité à résoudre des problèmes aussi endémiques que chroniques tels que la gestion et la distribution de l’eau, l’incompréhension récurrente de certaines décisions de justice, la dilapidation du foncier guadeloupéen, l’accès au service public et en particulier celui de la santé, la crise de l’agriculture (canne et banane), la pollution naturelle du littoral par les sargasses, et la pollution à la Chlordécone de nos terres, la lutte contre l’insécurité et l’incivilité routière, les tensions autour de notre vivre ensemble, l’insertion des jeunes sur le marché du travail.
Cette inaptitude à nouer un dialogue fructueux entre acteurs institutionnels et partenaires sociaux sert malheureusement de caisse de résonance à d’autres conflits tels que ceux existant entre les syndicats et l’État, entre les syndicats et les collectivités locales et entre les organisations et associations et nombre d’institutions publiques. Le cas de la gestion du Mémorial Acte constitue de ce point de vue un exemple édifiant…
Notre pays est saturé de conflits sociaux qui sont eux-mêmes aggravés par moult polémiques. Lesquels sont d’abord dus à une forme d’incapacité structurelle des acteurs publics et sociaux à préférer le dialogue constructif et serein au rapport de force stérile parce que systématique.
– Ne pouvons-nous pas envisager de faire taire nos divergences si nombreuses pour un archipel si petit et opter à l’issue de la confrontation naturelle et normale en démocratie des idées et des opinions en faveur d’un accord sur les lignes de convergence qui font consensus ?
– Ne peut-on sortir de l’ornière de la radicalité ou de celle du mépris pour se laisser guider par le bon sens et par la recherche du seul intérêt général ?
– Les guadeloupéens n’ont-ils pas droit à un autre choix que celui permanent entre Charybde ou Scylla ?
Le plus affligeant de ces conflits est certainement celui réouvert récemment par un collectif et des syndicats à la suite des propos maladroits du député Élie Califer au sujet du CHU et ce dans le cadre de la question épineuse de la réintégration des soignants non vaccinés. Pourquoi en sommes-nous encore à nous affronter sur un drame aussi universel que celui des morts causés par la pandémie du Covid ?
À vrai dire il y’a quelque chose de profondément cynique et révoltant à voir les partisans et les adversaires de la vaccination se rejeter chacun leur tour la responsabilité des morts du Covid ! Le débat public par syndicats et collectif interposés pro-vaccins et anti-vaccins est hélas bien trop violent et hystérisé dans le pays Guadeloupe aujourd’hui.
Notre parti pris personnel n’est pas d’être contre quelqu’un, contre des partis ou des syndicats mais simplement pour. Nous en appelons donc à l’unité des guadeloupéens.
Soyons enfin POUR au lieu d’être contre.
– Nous sommes pour qu’à partir de la crise sanitaire liée au Covid on s’assoit autour d’une table entre gens de bonne volonté afin de réfléchir aux conditions de notre accès à la santé dans l’avenir et plus généralement à tout ce qui a trait à de notre culture sanitaire. De nombreuses, graves et urgentes questions nous font face… L’une des plus prégnantes est comment transformer notre système de santé en Guadeloupe pour le rendre plus efficient et réactif ? Que pouvons- nous proposer ensemble ?
– Nous sommes pour que l’on mette en place une large éducation populaire autour des fondamentaux de la santé pour réguler et endiguer des maux endémiques comme l’hypertension, le diabète, l’obésité etc.
– Nous sommes pour le développement de soins et pratiques médicales alternatives traditionnelles notamment phytosanitaires afin de sortir de la dépendance du « tout allopathique ».
– Nous sommes pour une réflexion collective autour d’un vieillissement accéléré et croissant de la population guadeloupéenne avec son cortège d’interrogations sur le grand âge et la dépendance, sur la place faite aux grands seniors dans la société.
– Nous sommes également pour que s’ouvre et s’engage dans ce pays un large débat institutionnel et civil sur les questions de santé et que chacun puisse se sentir acteur de ses choix et savoir comment faire fructifier son capital santé.
En somme nous pensons qu’il existe une possibilité, en dehors des postures des partis politiques, des parlementaires et des syndicats, pour que notre destin en matière de santé soit l’affaire de tous. La crise du Covid19 offrant en ce sens une opportunité sans précédent pour se saisir d’un sujet aussi crucial et vital pour le devenir du peuple guadeloupéen, en écartant les réflexes mortifères des chasses aux sorcières, des règlements de comptes et des menaces.
Réfléchir et construire ensemble, hors de l’arène politique, sans violences physiques ou verbales, et loin de tout dogmatisme idéologique. Voilà notre état d’esprit et la direction dans laquelle nous croyons juste et bénéfique d’aller désormais, conscients de nos responsabilités de guadeloupéens mâtures, sur le sujet de la santé et par extension sur les autres sujets d’avenir et d’importance pour notre vivre ensemble.
Didier DESTOUCHES
Universitaire et essayiste
Jacob LABETH
Enseignant et citoyen engagé